Passer une frontière dans un aéroport devient de plus en plus amusant, à moins que l'on ne soit Rom ou en reconduction équivalente. Le portique et le tapis roulant ont des réactions aussi variables que les préposés à la sécurité. Leur sensibilité s'exerce selon des critères de seuil qui m'échappent et, selon les trajets, me font traverser les rayons sain et sauf, me déshabiller dans une cabine ou repartir à la case départ pour enregistrer mes bagages en soute plutôt que de me faire confisquer le couteau suisse que j'ai oublié de laisser à la maison. Il m'est arrivé d'avaler à toute vitesse le fond d'une bouteille d'eau minérale quand d'autres fois la simple ingestion du dangereux liquide m'était strictement interdite de peur que je devienne moi-même le récipient du produit incriminé, me transformant en bombe vivante. En revenant de Tarbes, j'appris que le jambon de Bayonne et la tome des Pyrénées apparaissent en orange sur l'écran policier. C'est joli, mais je n'ai jamais osé faire la photo des entrailles de ma valise. En Norvège, le tube de pâte de poisson légendaire dit communément Kaviar, scellé par son opercule en métal, ne passe pas, tandis que ma voisine transporte des aiguilles à tricoter dont la pointe effilée traverseraient la gorge du moindre pilote en un tour de poignet de mamie. Je me vois pourtant bien détourner l'avion de la SAS en braquant un tube de fromage épicé au japalenos sur la tempe de l'équipage. Peut-être me trompe-je de méthode ? Ne devrais-je pas plutôt menacer de tout avaler au risque de donner au pays une image déplorable de criminel alimentaire ? S'en servir comme matraque serait certainement une meilleure utilisation pour un commando de pirates... Je ne devrais pas me plaindre : l'officière aurait pu tout confisquer comme cela se fait le plus souvent chez nous, or elle nous a suggéré de retourner aller enregistrer nos bagages pour nous permettre d'exporter ces symboles scandinaves dans nos pays à la gastronomie, somme toute, plutôt conservatrice. Lorsque j'étais plus jeune, je détestais passer la douane. En revenant de Catalogne, je craignais toujours pour mes sublimes fuets, la charcuterie des charcuteries ! Je pense que je me sens surtout coupable de passer mes idées au nez et à la barbe des douaniers. Aucun portique n'est heureusement encore capable de déceler mes envies subversives à moins qu'elles ne soient gastronomiques.

P.S. : j'ai dû mal viser, mon oreille droite est toujours bouchée depuis le dernier atterrissage...