Du Macbeth de Roman Polanski il ne me reste en mémoire que la forêt qui s'avance et la musique de Third Ear Band, d'ailleurs pas en situation, mais seulement le disque qu'un copain m'avait prêté en 1972. La mélodie que ma mémoire associait à une voix d'enfant m'a probablement autant marqué que celle du Petit Chevalier dans Desertshore de Nico ou Quiet Dawn avec Waheeda Massey dans Attica Blues d'Archie Shepp. Mais Fleance (chanté par le jeune comédien Keith Chegwin ?) est certainement ce qui me trottait inconsciemment dans la tête lorsque j'écrivis avec Bernard Vitet le prélude de ¡ Vivan las utopias ! pour ma fille Elsa dans la compilation Buenaventura Durruti du label nato.
À la réécoute de la partition sonore rééditée en CD je m'aperçois que l'orchestre de la Troisième Oreille eut une influence considérable sur mon travail. Mélange de musique médiévale ou modale, de rock électrique, de free jazz et de bruitages, à la fois très composée et parfaitement improvisée, leur musique ne ressemble à rien, si ce n'est aux réminiscences que d'autres développeront dans les quarante années qui suivront. Les grincements d'archet de Simon House et les chocs distordus de la guitare électrique de Paul Buckmaster répondent aux ragas et aux drones d'influence indienne de Glen Sweeney, le hautbois et le flageolet de Paul Minns se mêlent aux sons électroniques du VCS3, pour construire une sorte de free folk extrêmement lyrique, emprunt de magie noire et de tragédie shakespearienne.
Pendant que j'y étais, autant commander en même temps les deux premiers albums, Alchemy (1969) et Elements (1970) qui précédèrent Macbeth. Moins "Dramatiques" au sens théâtral du terme, ils confirment que l'improvisation n'est pas un genre, mais qu'il s'agit essentiellement de réduire le temps entre la composition et l'interprétation. Je me laisse porter par les paysages sonores que Third Ear Band dresse, privilégiant les plans d'ensemble et les effets de groupe à la virtuosité bavarde des solistes, construisant des évocations sonores qui m'entraînent loin de nos côtes.