Petite déception avec la rétrospective Arman au Centre Pompidou. J'apprécie pourtant son travail comme celui de nombre d'artistes abusivement regroupés sous le nom de "Nouveaux Réalistes".
Les étiquettes plaisent aux critiques plus qu'à celles et ceux qui en sont affublés. Le terme est toujours impropre, l'association réductrice. Chaque artiste a son monde et ses raisons. La communauté de style n'existe que dans la copie ou, soyons magnanime, l'inspiration, mais ce sont les conditions historiques, le plus souvent socio-économiques ou matérielles, qui dessinent les courants au delà des personnalités. Lorsque l'on évoque la mode ou l'air du temps une tendance superficielle est de les appliquer aux styles plutôt qu'aux méthodes. Si le tube en plomb permet aux peintres de sortir de leurs ateliers pour aller peindre sur nature, cela ne signifie pas forcément que tous les "Impressionnistes" se ressemblent. Les points communs existent certes, mais ce sont les différences, les indisciplines, qui font l'intérêt de chacun, individualistes forcenés en rupture de ban pour la plupart.
J'aime ainsi le côté enfant joueur que Tinguely hérita de Calder et son cirque, les déplacements tarabiscotés de Spoerri qui sentent la vieille terre, la mémoire lacérée de Raymond Hains et Jacques Villeglé, mais le monochrome Yves Klein me fait plutôt penser à certains Fluxus. Je risque de me faire taper sur les doigts par les gardiens du temple... De même, si Niki de Saint-Phalle me rappelle agréablement l'art brut d'Amérique Centrale, César m'a toujours barbé avant même que les honneurs ne le corrompent... Etcétéra. Revenons à notre mouton noir.
Au sixième étage du Centre, l'accrochage des œuvres d'Arman ne produit hélas aucune dialectique. Je n'y ai perçu aucune syntaxe qui éclaire son travail. Au contraire, l'accumulation d'accumulations devient redondante, atténuant le choc que l'on peut ressentir face à l'un de ses tableaux ou l'une de ses sculptures lorsqu'ils sont présentés in situ, comme Long Term Parking à Jouy-en-Josas ou Espoir de paix à Beyrouth, ou lors d'une exposition collective. C'est absurde, mais après avoir vu les œuvres originales mercredi dernier j'ai eu plus de plaisir à les retrouver dans l'épais catalogue où tourner les pages me permet des correspondances que le Musée interdit. J'étais tout de même heureux de découvrir des pièces que je ne connaissais pas comme ses colères incendiaires, intéressé de constater l'influence de Pollock et enchanté de revoir les instruments de musique explosés qui ne peuvent que réjouir ou bouleverser les musiciens dans la relation qu'ils entretiennent avec le leur(re). Malgré tout à force de plein, on fait le vide.