" Le chat est mort ". C'est ainsi que Michael annonce l'incendie qui a ravagé la Comète 347 vendredi après-midi. Dans L'école des femmes Arnolphe répondait à Agnès : " C'est dommage; mais quoi ! Nous sommes tous mortels, et chacun est pour soi..." Justement pas. Le squat qui accueillait maint spectacle inventif respirait le partage et la solidarité, un îlot d'utopie en plein Paris. " La cause est inconnue ", mais la bataille pour le relogement de l'équipe dont l'expulsion était imminente sentait le roussi. Je ne peux pas m'empêcher d'avoir une pensée sombre pour les incendies qui arrivent à pic aux endroits où les promoteurs rêvent d'édifier du neuf. On invoque la vétusté des lieux ou le mégot mal éteint qui embrase la forêt. N'empêche que les terrains y deviennent bizarrement constructibles. Au 45 rue du faubourg du Temple, il n'y a pas eu mort d'homme, oui mais le chat. C'est trop triste. Vingt ans de travail et d'archives sont partis en fumée avec le matériel. Pendant la guerre, l'ancienne usine avait fabriqué des boutons pour les uniformes nazis, puis elle s'était transformée en dépotoir de produits chimiques à l'abandon. Les animateurs de la Comète 347 avaient eux-mêmes décontaminé les lieux il y a quatre ans. Frank Vigroux m'y avait invité pour des soirées D'autres Cordes, j'y avais joué plus tard les Somnambules avec Nicolas Clauss. La fosse escarpée avec la scène en contrebas était un point de vue original. En haut, le mobilier dépareillé au milieu de sculptures éphémères donnait une tonalité chaude au capharnaüm. L'ambiance de l'atelier devait beaucoup à ses animateurs, des Robinson Crusoé du XXIe siècle qui avaient choisi de faire se rencontrer tous les arts sur leur île. Pendant que j'écris, Scotch regarde le feu dans l'âtre. Il y a toutes sortes de flammes. Aujourd'hui les chats sont en deuil.

Photo : Marie P., juillet 2009