Comment faire partager ses émotions avec des lecteurs qui n'ont encore rien vu, rien entendu, surtout lorsqu'il s'agit d'un interprète de musique classique ? Ce fut aisé pour Pascale qui me prêta simplement le DVD de David Fray dirigeant trois concertos de Bach (en la majeur BWV 1055, en fa mineur BWV 1056, en sol mineur BWV1058) depuis son piano tandis que Bruno Monsaingeon le filme comme il le fit dans le passé avec Yehudi Menuhin, Paul Tortelier, Nadia Boulanger, Piotr Anderszewski... Et évidemment Glenn Gould. C'est justement à ce pianiste incomparable que l'on associe le jeune David Fray. Et la comparaison est troublante. Heureusement Fray s'en inspire sans le copier.


Plein d'entrain communicatif, faisant totalement corps avec la musique, visionnaire affuté, Fray possède aussi un jeu qui rappelle celui de Gould, varié et nuancé, coloré, militant. C'est la seconde fois en effet que Bach m'emporte au delà de ce que j'imaginais. Le travail de Monsaingeon transforme les répétitions en une vertigineuse leçon de musique, que ce soit avec la Deutsche Kammerphilarmonie de Brême ou chez Fray, seul à Paris. Le DVD publié par Virgin Classics / Medici Arts fin 2008 mérite bien son titre : Swing, Sing & Think (Swinguez, chantez et réfléchissez). Pourquoi les grands interprètes, de Granados à Gould, des Busch au Kronos, de Bruno Walter à Toscanini, me paraissent toujours swinguer comme des jazzmen ? Fray cherche sans cesse à se rapprocher du chant comme s'il était l'essence même de la musique et les instruments de l'orchestre une transposition outillée, comme le geste prolonge la pensée. Son approche intelligente de Bach lui laisse la liberté d'inventer, de se l'approprier, de le rendre vivant.
Que les filles (ou les garçons) ne rêvent pas, le jeune trentenaire beau comme un cœur est marié à à l'actrice italienne Chiara Muti, fille du célèbre chef d'orchestre Ricardo Muti qui s'est illustré récemment en mouchant Berlusconi en direct à la télévision italienne, et en musique ! Il y a d'ailleurs de la révolte chez le jeune pianiste et chef, un désir de s'affranchir de la partition sans la trahir. Chaque époque a proposé des interprétations différentes des classiques. Celle de David Fray porte la marque de son temps.