La soirée bien avancée, quelqu'un a lancé pour qui allions-nous voter... La question des primaires socialistes fut évacuée illico par les plus engagés. Aux mêmes celle des présidentielles semblait prématurée. La participation elle-même posait cas de conscience. P. affirma d'emblée qu'il ne voterait pas « socialiste » au second tour. Certain qu'il aurait fallu mimer des guillemets à l'américaine pour annoncer la couleur, deux crochets prédateurs avec les majeurs et les index. En jouant le jeu prétendument démocratique nous cautionnons depuis quarante ans un régime qui n'a fait qu'empirer. Si les politiques ont perdu leur pouvoir au profit des banquiers et des grands patrons, l'Internationale du Capital, qu'importe le résultat des urnes ! Le changement ne viendra jamais parce que j'aurai glissé mon bulletin ou appuyé sur un bouton. Même l'extrême-droite qui fait si peur aux démocrates serait contrainte d'obéir aux lois du marché... F. s'offusqua de la comparaison, anti-racisme oblige. Je rappelai le discours de 1991 de Chirac :
« Notre problème, ce n'est pas les étrangers, c'est qu'il y a overdose. C'est peut-être vrai qu'il n'y a pas plus d'étrangers qu'avant la guerre, mais ce n'est pas les mêmes et ça fait une différence. Il est certain que d'avoir des Espagnols, des Polonais et des Portugais travaillant chez nous, ça pose moins de problèmes que d'avoir des musulmans et des Noirs […] Comment voulez-vous que le travailleur français qui habite à la Goutte-d'or où je me promenais avec Alain Juppé il y a trois ou quatre jours, qui travaille avec sa femme et qui, ensemble, gagnent environ 15 000 francs, et qui voit sur le palier à côté de son HLM, entassée, une famille avec un père de famille, trois ou quatre épouses, et une vingtaine de gosses, et qui gagne 50 000 francs de prestations sociales, sans naturellement travailler ! [applaudissements nourris] Si vous ajoutez à cela le bruit et l'odeur [rires nourris], eh bien le travailleur français sur le palier devient fou. »
Je pense plutôt au vacarme que doivent endurer ceux qui habitent le long du boulevard périphérique, de la voie ferrée, près des pistes de l'aéroport, au centre-ville. Pire, certaines villes, selon les vents, respirent l'œuf pourri de l'usine à papier, le vomi de chat des éponges Spontex, le brûlé des poulets grillés en batterie, etc. Sont-ce les mêmes qui subissent la musique arabe, les jeux des enfants et les parfums de l'Orient ?
J'ignore sincèrement ce que je ferai le 22 avril 2012. La tentation est grande d'exprimer mon désaccord avec la supercherie et d'aller manifester mes choix directement dans la rue. C'est ce que suggère la dernière pub de Chanel en quatrième de couve de Libé, non ? Tout est récupéré, broyé, digéré, transformé en spectacle. Qu'attendent pour se soulever ceux qui n'ont rien ? Le jasmin est un parfum de jeunes, une fleur qui fait du bruit.