Je chronique plutôt les disques que je me surprends à écouter plusieurs fois. Say and Play, le nouvel album de John Balke et du collectif Batagraf, à paraître sur ECM, échappe au côté lisse du label. La batterie d'Erland Dahlen et, surtout, les percussions de Helge Andreas Norbakken (sabar, gorong, djembé, talking drum, shaker...) produisent un choc frontal avec l'électronique de John Balke (piano, claviers, mais aussi tongoné, darbouka...). Les rythmes mécaniques semblent programmés pour laisser éclater des fulgurances aléatoires selon le schéma accumulatif de nombreuses musiques répétitives. L'énergie des percussions rappelant les tambours de Doudou N'diaye Rose rivalise avec l'inexorabilité du synthétiseur. Composées pour exprimer un langage, elles portent la voix loin dans le paysage. On en oublierait les influences wolof, yoruba, cubaine et arabe revendiquées. Le chant d'Emilie Stoesen Christensen vient se poser sur ces lignes à haute tension comme une colombe photographiée avec le fusil de Marey. Les poèmes articulés par Torgeir Rebolledo Pedersen, lisant merveilleusement des extraits de ses livres, donnent au norvégien une couleur inédite, comme si la tribu de Batagraf réinventait quelque rite rare et ancien sous son soleil d'hiver.