Déçus par Edvard Munch (jusqu'au 9 janvier), nous avons découvert par hasard la grande exposition Danser sa vie, au Centre Pompidou jusqu'au 2 avril, qu'il serait dommage de rater. Riche de 450 œuvres sur 2000 m², elle met en espace la relation entre la danse et les arts visuels du début du XXe siècle à nos jours, depuis Nijinsky, Isadora Duncan et Loïe Fuller jusqu'aux plus récentes créations. Articulée en trois actes, elle confronte la danse à la subjectivité, l'abstraction et la performance. Le titre de l'exposition renvoie aux liens que tissent le mouvement composé et celui du quotidien et de l'intime, tendance actuelle éclairée par la vidéo Movement Microscope du Danois Olafur Eliasson, des danseurs évoluant librement dans une bibliothèque où travaillent des salariés. Comme dans le magnifique Dialogue d'atelier vu cette semaine où le chorégraphe Didier Silhol et Dalila Zarama habitent la menuiserie de Pierre Sanz filmés par David Coignard et Jean-Louis Valliccioni.
Si la danse sait exprimer la vie comme bien d'autres médias elle incarne généralement la mort mieux qu'aucun autre, donnant chair à cette indestructible dualité, engageant les limites du corps face aux intempéries du temps, du rêve et du réel. La rétrospective de Beaubourg illustre ainsi et malgré elle la perte que les œuvres d'art rendent immortelle. L'enregistrement des émotions peut alors produire une tristesse aussi forte que l'euphorie des énergies déployées par les danseurs. Certains luttent avec l'espace, d'autres l'embrassent, mais tous et toutes le prennent à bras le corps.


En tableaux (Matisse, Nolde, Kirchner, Sonia Delaunay, Warhol, Rauschenberg, Klein, Pollock...), sculptures (Rodin, Calder, Schöffer...), costumes (le Ballet triadique d'Oskar Schlemmer que je cherchais à voir depuis longtemps), archives et créations vidéographiques sur petits et grands écrans (Entr'acte, Daria Martin...), installations avec parfois des performeurs vivants (solo de Tino Sehgal, go-go dancer de Felix Gonzalez-Torres), nous traversons tous les grands courants de la danse moderne et contemporaine, ballets russes, Rudolf von Laban et Mary Wigman, Martha Graham, William Forsythe, Alwin Nikolais, Merce Cunningham, Trisha Brown, Pina Bausch, Steve Paxton, Lucinda Childs, Anne Teresa de Keersmaeker, sans négliger les avant-gardes du XXe siècle (cubisme, futurisme, orphisme, De Stijl, Dada, Bauhaus, constructivisme russe, Fluxus...), la contorsion circassienne, ou la danse populaire (Josephine Baker, Ange Leccia, Jérôme Bel...) dont le vertige fait oublier les crises sociales.

Illustrations : Lavinia Schulz & Walter Holdt, Toboggan Frau, 1923 / Thierry de Mey filme Anne Teresa de Keersmaeker, In Silence et Water, 2000.