4h45. Les oiseaux n'ont pas encore commencé leur concert matinal que Hélène Collon met en ligne un petit extrait de notre enrobage de la soirée du Grand Réinventaire au Triton le 18 avril dernier. Lorsque Raymond Macherel me proposa de jouer ce soir-là j'acceptai à condition que ce soit "freestyle" et de pouvoir accompagner les orateurs de façon aussi impertinente que pertinente. L'option festive des défilés et meetings me semblait inadéquate avec le niveau élevé des sujets abordés par tous les intervenants soutenant le Front de Gauche. Trouver une forme qui convienne au fond fait partie du travail du compositeur lorsqu'il s'agit de mettre la musique au service d'un projet quel qu'il soit. Devenu art appliqué, elle se confond aussitôt avec l'organisation de la soirée, son architecture, son ton et les surprises qu'elle doit générer pour que les trois heures de débat passent comme une lettre à la poste.
Clémentine Autain assura brillamment le rôle de meneuse de revue, MC improvisée ravissant l'auditoire. Pour soutenir les interventions parlées avec tact et élégance il fallait rassembler des musiciens incisifs qui sachent réagir au quart de seconde à un mot, le propre du Grand Réinventaire, de faire oublier les longueurs, d'oser un trait d'humour sans craindre de froisser, d'insister sur une sentence et de s'imposer sans ne jamais faire perdre le sens de la soirée éminemment politique. La pianiste Ève Risser et le saxophoniste Antonin-Tri Hoang furent des compagnons de jeu idéaux pour ce marathon dont la durée s'oublia ainsi grâce aux ponctuations discrètes et aux sept courts intermèdes permettant au public de reprendre sa respiration avant que sa concentration soit à nouveau sollicitée. Antonin passa à la clarinette basse pour les questions graves, Ève joua de l'électrophone tel que l'humour soit toujours présent dans notre exercice d'ameublement critique, ceux deux-là s'entendant à merveille comme lors de leur splendide duo intitulé Le Grand Bazar. J'avais déjà joué avec l'une et l'autre, mais nous n'avions jamais encore formé trio. Nous y avons pris goût. Pour cette chaude soirée je m'habillai léger, passant allègrement du Tenori-on rythmiquement audiovisuel à la trompette à anche sévère, d'un harmonica tendre aux mots articulés dans la guimbarde.


Pourtant notre principale intervention consista le plus souvent à ne rien faire, l'attention permanente nous ordonnant de pratiquer le silence pour que notre présence s'efface devant la rigueur des propos filmés par Alain Siciliano et Raymond Macherel et ceux tenus dans la salle du Triton. Les deux petits extraits capturés par Hélène Collon font partie des intermèdes mettant en valeur les cinq thématiques : crise du capitalisme, écologie et partage, justice et égalité, luttes sociales, culture et politique.
Les événements politiques méritent d'être traités comme il se doit, soit autrement ! Brisant avec le ronron de la télévision manipulatrice, Jacques Rebotier propose ce soir au Triton un nouvel épisode de sa Revue de Presse, cette fois avec Joëlle Léandre. Jeanne Added assure la première partie en solo. Le 7 juin je serai à mon tour le dernier invité de Rebotier.