Oh la la, ça bouge tout le temps ! Pas seulement l'application iPad, œuvre interactive de Nicolas Clauss et de ma pomme, mais, arrivés à la première version βéta de La machine à rêves de Leonardo da Vinci, nous sommes tentés d'effectuer des modifications artistiques maintenant que tout fonctionne à peu près bien. Il reste évidemment quelques petits bugs que Nicolas Buquet corrige, et Sonia Cruchon se penche sur tout ce qui accompagnera la sortie de notre travail, générique, site Internet, tests, etc.
La quatrième et dernière étape de l'œuvre canalise l'un des rêves de Leonardo au travers du hublot dessiné par Mikaël Cixous, à la fois microscope et télescope selon le bout par lequel on l'attrape ou comme on l'entend. Le cercle s'échappant du rectangle de l'écran matérialise la machine en devenant la palette du peintre propulsé au XXIe siècle. À l'utilisateur de s'en saisir ! Cette fenêtre sur le monde intérieur est aussi une ouverture sur le cosmos, deux extrémités radicales et abstraites de notre imaginaire. Les instruments du peintre sont le pinch (zoom et dézoom), la rotation (également à deux doigts), les déplacements horizontaux et verticaux et le double-tap. Les effets vont du flou gaussien au pivot sur un axe, les éléments graphiques et vidéographiques se zappant au gré de chacun.


Côté son, si l'ensemble à cordes qui donne sa couleur à l'ensemble de l'œuvre occupe l'espace en volutes successives, la boîte à musique rappelle la vitrine que cachent les couvercles au début du jeu. D'autre part la variété des sons électroniques renvoie à l'étonnante diversité des domaines abordés par Leonardo da Vinci, en particulier aux machines. Hier j'ai jeté la banque de flûtes dont les mélodies étaient trop sucrées, peu fidèle à la vie du grand homme, la remplaçant par d'étranges cris animaliers. Leonardo, qui était végétarien, écrivit entre autres : "Qui n'attache pas de prix à la vie, ne la mérite pas." Le hublot pointait d'emblée les grands mammifères marins et les recherches sur le vol faisaient chanter les oiseaux. Si tous devaient sonner dans la tonalité de l'orchestration, j'ai encore choisi des bestioles dont le timbre est mystérieux, des vagissements du crocodile aux hurlements du gibbon. Mais c'est lorsque je me suis souvenu de l'analyse de Sigmund Freud d'Un souvenir d'enfance de Léonard de Vinci, son rêve de vautour (ou de milan, traduction plus exacte de nibio), que tout a soudain pris sa place, y compris les ailes qui ressemblent à s'y méprendre au bruit d'un drap. Sans dévoiler ici son intimité partagée, le voilà donc qui donne symboliquement de la voix, les bruits de la nature redonnant un peu d'humanité à notre machine paradisiaque.