Tant que de différents acteurs de la résistance au Capital continueront à se tirer dans les pattes les chances de convaincre les sceptiques resteront maigres. En dernière page du Monde Diplomatique de mai, Pierre Rimbert et Razmig Keucheyan terminent leur article intitulé "Le carnaval de l'investigation" en soulignant que "la mobilisation politique ouvre plus de perspectives que les révélations médiatiques." Ils ont certainement raison, mais alors pourquoi se fendre de révélations éculées sur le passage d'Edwy Plenel à la direction éditoriale du Monde si ce n'est pour un règlement de comptes dont personne ne sort glorieux ? Le 28 avril dernier, Antony Manuel titrait déjà dans son blog médiapartiste "Monde diplomatique : mesquinerie d'un grand journal". Denis Robert qui avait fait lui-même les frais de ce genre de procès de la part de Plenel en 1996, posait pourtant la bonne question, cité par Rimbert et Keucheyan : "Rien ne change, sauf des noms et des visages. Les cartes se redistribuent. Les journalistes dans mon genre ne seraient-ils pas de simples agents d'autorégulation ?"
À cette valse cynique des hommes au service du pouvoir financier on peut opposer pour les analystes le droit de se tromper et de changer avec le temps. Encore faut-il avoir le courage de le reconnaître. Denis Robert en veut évidemment toujours à Plenel et on peut le comprendre puisqu'il en fut personnellement victime, mais les deux auteurs du Diplo étalent des bévues de Plenel qui datent toutes de plus de dix ans, bien avant la création de Mediapart. Bien qu'assez jeunes, ont-ils eux-mêmes toujours eu les mêmes opinions et leur passé est-il exempt de critiques ? Le paradoxe de leur article tend à prouver le contraire comme à tous ceux qui ont douté du bienfondé de Mediapart dans l'affaire Cahuzac. Jean-Luc Mélenchon a voté oui à Maastricht et il a appartenu trente ans au PS sans que cela jette le doute sur son engagement actuel. De plus, Plenel n'est pas Mediapart comme Mélenchon n'est pas le Front de Gauche et l'on peut espérer que Rimbert et Keucheyan ne sont pas le Diplo.
Cet article, contrairement à ce qu'il annonce en haut de page laissant supposer à tout le moins des révélations sur l'industrie pharmaceutique, n'est donc qu'un vulgaire règlement de comptes qui remonte à des faits anciens. On préférera de loin le travail d'investigation, même si toute enquête s'appuie d'abord sur de bonnes sources, tout en sachant qu'en politique la vérité n'a jamais convaincu personne. Alors plutôt que se complaire en faisant exactement ce que l'on critique, les deux collaborateurs du Monde Diplomatique feraient mieux de consacrer leur précieuses pages, et particulièrement la dernière, techniquement la plus facile à lire, à des propositions constructives en offrant la place à des gens comme Étienne Chouard, Paul Jorion, Myret Zaki, Pierre Rahbi, Michel Collon et tant d'autres personnalités controversées sur de fausses accusations répétées malgré d'incessants démentis. Au lieu de radoter des réponses de cour de maternelle nous devons nous interroger et chercher des solutions à la situation que certains ont tout intérêt à compliquer ou du moins à le faire croire.