Que pouvons-nous espérer de la photographie ? En attend-on une vision nouvelle ou la reconnaissance de ce que nous pressentions déjà ? Devons-nous immanquablement faire le grand écart entre nous rassurer d'un "ah c'est bien lui !" ou nous exclamer "c'est incroyable !" ? Quel rôle entend jouer le photographe par sa présence sur les lieux du crime ? Là où l'afro-américain Gordon Parks reprenait le pouvoir volé à son peuple en affirmant magistralement son identité, le chilien Alfredo Jaar joue sur les deux tableaux, dénonçant la responsabilité de sa profession tout en insistant sur le pathos que ses clichés produisent. Le collectionneur Erik Kessels s'interroge sur les millions d'images produites par le passé et sur leur exponentielle prolifération ; les imperfections qu'il traque sur les marchés aux puces sont le lot des amateurs, étymologiquement ceux qui aiment, et sa psychanalyse de l'absence, de l'effacement, des taches ou du flou en dit plus long que toutes les légendes justificatrices. Les autoportraits de Gilbert Garcin forment un recueil de fables surréalistes dont la morale est laissée au spectateur et Guy Bourdin savait que la mode réfléchit les facéties de son temps tandis que le regard de Sergio Larrain aiguise notre troisième œil pour saisir les causes sociales de ce que nous pensons connaître. Partout dans Arles l'accrochage est particulièrement réussi cette année, les labyrinthes révèlent des trésors cachés et nous n'en sommes qu'au premier jour.


Si les revendications politiques, très présentes dans cette nouvelle édition des Rencontres de la Photographie, ont la pertinence de l'urgence, les vues de Mars bouleversent notre rapport à l'univers, bien au delà de la mort. Ici comme ailleurs les visions à long terme laissent poindre l'espoir. La délicate partition de Dominique Besson nous met en condition pour admirer les invraisemblables images de la planète rouge, ici photographiée en noir et blanc, Arles in Black oblige, et rassemblées par Xavier Barral. Du cristal du vent et des crépitements de l'eau émerge finalement un éclair métallique. Est-ce la sonde de la Nasa passant à 300 km au-dessus de ces matières dont la taille serait difficilement évaluable (infiniment petite ou grande ?) si l'on ne savait que chaque image projetée a une base de 6 km ? La variété et le détail des paysages, leur profondeur, leurs cicatrices, laissent entrevoir une histoire insoupçonnée.


Le plus beau voyage de cette longue journée dont je ne peux énumérer toutes les stations sans devenir fastidieux, mais qui se poursuivra jusqu'au 22 septembre, et pour nous qui nous occupons des Soirées au Théâtre antique jusqu'à samedi.

Illustrations : 1. Erik Kessels, 24h de photographies (détail) 2. Mars (4 écrans) 3. Barkhanes dans une zone de cratère. Avec l’aimable autorisation des éditions Xavier Barral/NASA/JPL/University of Arizona