Décidément non, on rentre. Prendre l'air a ses limites. Le vent souffle par rafales à des vitesses que personne ne peut vivre sans aller se pulvériser dans la stratosphère. Les courants ascendants sont des brumisateurs de chair. Les glaciers fondant, la rivière enfle et emporte tout sur son passage. L'hôtel s'est vissé sur lui-même. Ici c'est fini. Plus rien à louer. Seule la nature à encenser.
Il faudrait emporter sa maison sur son dos comme les escargots, mais les nomades n'ont pas la cote en cette période pré-fasciste où la lâcheté et l'égoïsme font loi. Je me souviens de Brel racontant qu'il n'y a pas de gens méchants, mais seulement des gens bêtes. Pas particulièrement envie de camper sur un parking ou de se faire expulser par des tordus qui ont commencé par se haïr eux-mêmes. Le racisme est d'abord une haine de l'autre en soi. Ça s'explique, comme dirait justement l'autre.
Il faudra faire le vide. Pas que dans sa tête comme on sait le faire en vacances, mais dans ses habitudes aussi. Tant de trésors accumulés au travers des siècles, ma roulotte est trop lourde à traîner. En sortir un chaque fois qu'un nouveau rentre. Un clou chasse l'autre. Celui du spectacle. Savoir viser. Vraiment marteau. Merveilleuses vacances si la mort ne rôdait à l'affût des vieilles carcasses. Les vautours ne se reconnaissent même pas entre eux. La tristesse ne caresse pas la tendresse dans le sens du poil. On finit chauve.
Cela n'empêche pas les oiseaux de chanter, les grillons de frotter leurs élytres, les grosses bestioles de se faufiler sans bruit et nous de rentrer avec autant de bonheur que nous étions partis.
En passant par, oui.

P.S.: ma copine Brigitte Dornès est partie la nuit dernière. Je suis terriblement triste. Après Bernard ça fait lourd. Je me raccroche aux vivants.