Prenez votre courage à deux mains, un marathon nous attend. Une amie octogénaire devait se faire opérer à l'Hôpital Ambroise Paré de Marseille, mais jumelé avec l'Hôpital Paul-Desbief, les deux sont remplacés par l'Hôpital Européen, un établissement privé qui serait en voie de cotation boursière. Avis donc aux spéculateurs de tout poil !

Notre amie appelle pour prendre rendez-vous, tapez 1, musique, tapez 1, sique, tapez 3, etc. , le standard est saturé, impossible de joindre le nouvel hôpital. Bien qu'elle soit handicapée avec son pacemaker, elle se résout à traverser la ville pour qu'en définitive on lui remette un simple questionnaire médical. Rentrée chez elle, elle épluche la page 1, la 2, la 3, tiens ça saute directement à la page 5 ! Il manque une page. Le lendemain elle reprend le chemin du métro. On lui donne un nouveau questionnaire avec, cette fois, le fascicule de conseils, ça peut toujours servir !

Convoquée un dimanche entre 15h20 et 15h30 en vue d'une opération sévère, c'est qu'elle est anxieuse et cardiaque, l'un peut expliquer l'autre, elle monte à l'accueil situé au quatrième étage. En l'absence de ticket d'arrivée numéroté, c'est la foire d'empoigne : il n'y a qu'une seule personne au guichet pour deux salles d'attente bondées et une quarantaine de personnes débordant dans le hall. Le personnel est dévoué, mais pas assez nombreux. Une infirmière explique qu'elle fait 8h-20h, soit douze heures d'affilée sans aucune pause ! Arrivée en avance, anxieuse de la précision de la convocation, notre amie est enfin reçue à 17h. Comme c'est le bordel intégral elle se fait engueuler par des patients qui pensent qu'elle grille la queue. La tension est extrême.

On lui explique que l'hôpital étant non conventionné sa mutuelle couvrira néanmoins le complément pour une chambre simple. Comme les chambres ont deux lits on lui facture donc le double puisqu'elle y sera seule ! 80 euros, mais pour ce prix-là vous n'avez pas vue sur la mer. Les prix sont variables selon les prestations. Pas de téléphone branché et le portable ne passe pas, c'est pratique. Sa feuille de soins précise qu'elle ne doit manger ni crudités ni laitage, on lui sert donc une quiche aux poireaux, du fromage blanc et une salade verte ! On lui explique que l'anesthésiste qui la réveillera ne sera pas le même que celui qu'elle a rencontré...

Son opération est prévue le lendemain à 8h au bloc. On vient la chercher à 10h. Le temps passe. Vers 14h, direction la salle de réveil. Cela ne veut pas dire que ce soit terminé, pas du tout, ils vont pouvoir commencer. Il est prévu qu'elle soit sortie d'opération à 17h30, ses amis attendent le chirurgien qui se pointe à 19h30. Comme il était prévu qu'elle soit opérée tôt le matin, qu'elle ne répond pas au téléphone et qu'ils n'ont pu avoir aucune information ils sont persuadés que cela a mal tourné et qu'elle est morte à cette heure-là ! Mais non, tout s'est bien passé. Je dois être mauvaise langue. On peut pourtant s'attendre à tout. Une amie médecin avait trouvé plus prudent d'écrire directement au feutre sur sa peau "Ceci n'est pas la hanche à opérer" et sur l'autre "C'est la hanche à opérer". On ne sait jamais.

Enfin, ce n'est pas terminé. Un ami qui l'attend décide de retourner à sa voiture. Les couloirs semblent longs de 200 mètres. Il faut descendre au rez-de-chaussée. Il appuie sur le 0 de l'ascenseur, les portes se ferment, la cabine ne bouge pas. Il insiste. Une information s'allume : "appel désactivé". Il tente d'appuyer sur 2e étage ! Rien. Il ne reste plus que l'alarme, mais ça la fiche mal dans un hôpital. Appuyons sans forcer. Rien. Personne. Il insiste de plus en plus. Vraiment personne ? Bloqué, il tente le 1, le 2, le 3, le 4. "Appel désactivé" s'affiche chaque fois. Enfin quelqu'un répond pour lui poser des questions préalables d'une urgence extrême : votre nom ? Votre numéro de portable ? À 81 ans cela n'a rien d'extraordinaire de ne pas s'en souvenir. Il attend patiemment le technicien. Tout à coup les lumières s'éteignent. Dans l'obscurité totale il finit par s'asseoir par terre. Au bout de 45 minutes la porte s'ouvre enfin. C'est le neveu de notre amie qui vient d'appeler l'ascenseur : "Mais tu es encore là ?" Explications rapides... Ils prennent évidemment un autre ascenseur et appuient sur le 0 : "appel désactivé". Notre ami exténué a le temps de crier : "Sors vite !" Les voilà tous les deux dans l'escalier de service. Labyrinthe de couloirs et de salles désertes. Ils croisent enfin quelqu'un. C'est un très vieux monsieur qui s'est perdu. Plus loin des membres de l'hôpital : le personnel ne sait pas où est la sortie !? Nos deux héros finiront tout de même par la trouver. Il ne faudrait pas que j'abuse de votre patience, ça commence à être long !

Comme j'ai l'habitude de vérifier mes sources je googlise l'Hôpital Européen, ce complexe de 600 lits, pour avoir la surprise de trouver aucun site web sous les liens indiqués. C'est incroyable, mais leur site est en panne ou n'est pas terminé. Je vous laisse conclure.