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Caravan(e), rencontre de l'Orchestre National de Jazz et de musiciens traditionnels marocains, me rappelle par son titre à la fois le thème de Juan Tizol et Duke Ellington, un de mes standards favoris, et l'exquis opéra-comique de Henri Rabaud, Mârouf, savetier du Caire ! Le magicien qui a permis de faire apparaître cette caravane sur la scène de l'Institut du Monde Arabe samedi soir doit être aux anges. Après une tournée triomphale à Fès, Rabat, Agadir, Marrakech et Tanger que dix mille spectateurs applaudirent elle atteignit Paris pour une dernière étape. Par petits groupes les musiciens de l'ONJ avaient été envoyés en résidence aux quatre coins du Maroc, libre à eux de s'inspirer comme ils le souhaitaient des rencontres tant avec des musiciens locaux qu'avec le pays, ses paysages ou l'air que l'on y respire. Et tous de se retrouver pour une véritable fantasia où les cuivres remplacent les moukhalas, longs fusils à poudre noire, et où les autres musiciens chevauchent cordes et percussions, entraînant l'audience dans une euphorie communicative qui se terminera dans la salle en joyeuse improvisation.

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Si la proposition de Hoang, Laffont et Perchaud me laissa perplexe, trop jazz et retenue à mon goût, la fusion de l'ONJ avec les musiciens marocains qui suivit m'emporta définitivement, transe des rythmes et chants maghrébins amplifiée par un orchestre puissant et coloré. De la confrérie soufie des Hamadcha de Fès inspirant Daniel et Metzger aux Gnaouas Zouhair Affaifal, Abderrahman El Khammal, Taoufik Chuikh qui galvanisèrent tout l'orchestre à la suite de Bardiau, Dumoulin et Serra, la salle fut emportée à son tour. Avec Risser au piano qui finira en dansant comme un cabri, Mienniel se distingua à la flûte et au ney, le seul des Français à avoir revêtu un costume traditionnel, tunique et sarouel, se livrant corps et âme à la magie d'une musique raffinée tandis que Abdelhakim Gagou dessinait des arabesques sur son oud et que le timide Abdellah Haddou s'amusait comme un fou en soufflant dans sa double trompe. Les images du vidéaste Jérôme Witz projetées derrière les musiciens renvoyaient à l'aventure qui avait réuni tout ce beau monde et distillaient des parfums d'épices que ma mémoire n'a jamais effacés.
Cette fête exubérante anticipait The Party, ultime représentation de l'Orchestre National de Jazz de Daniel Yvinec qui aura lieu le 21 décembre à La Ferme du Buisson à Noisiel puisqu'après six ans il laisse la place au nouvel ONJ dirigé par Olivier Benoit dont la distribution prestigieuse est cette fois encore du meilleur augure.