L'ajout récent d'une seconde salle a donné aux propriétaires du Triton des idées délirantes de spectacles s'appuyant sur les ressources uniques de ce lieu principalement dédié à la musique. Jacques Vivante a imaginé un dispositif qui permet de faire communiquer le son, mais aussi les images d'une salle vers l'autre et réciproquement. Tant et si bien que des musiciens dans une salle peuvent jouer avec ceux de l'autre salle, ou accompagner une chorégraphie interprétée dans la pièce à côté !


Les participants au festival chorégraphique Dodécadanse s'en sont donnés à cœur joie. Vendredi soir, c'était au tour de la chanteuse Élise Caron, du batteur Edward Perraud et des danseurs Marlène Rostaing et Julyen Hamilton de glisser d'une scène à l'autre comme un changement de décor sur le plateau d'un théâtre. Le numéro de jonglage le plus acrobatique revenait aux techniciens contrôlant la lumière et les flux migratoires des coulisses en plus du son et de la vidéo. La partition des musiciens et des danseurs transformait les musiciens en danseurs, les danseurs se servant à leur tour de la voix pour évoquer la difficulté d'être ou commenter l'action. Ce jeu de vases communicants proposait aux spectateurs de chaque salle d'en changer à l'entr'acte. La permutation nous rappelait Lapin chasseur des Deschiens dont le décor représentait un restaurant côté salle et côté cuisine avec le public découvrant l'envers du décor à mi-parcours, la même scène rejouant deux fois.


Bitter Sweets, le CD d'Élise Caron et Edward Perraud paru chez Quark (L'autre distribution), m'avait énormément plu, kaléidoscope de saynètes pop déjantées. Si la chanteuse à facettes est une excellente comédienne, elle joue aussi remarquablement de la flûte. Quant au percussionniste il avale régulièrement son micro contact branché sur une application iPhone dont les sons trafiqués par un vieux KaosPad élargit sa palette orchestrale. Ainsi hameçonné il fait voler ses lignes au-dessus de sa tête tandis que la cantatrice virtuose incarne de multiples personnages, tel Alec Guiness dans Noblesse oblige. Sur scènes, Julyen Hamilton ne dédaigne pas non plus l'humour et Marlène Rostaing virevolte en s'appropriant les surfaces qu'elle rencontre sur son passage. La partie carrée s'improvise alors selon le planning des couples qui se font et se défont.