Depuis quelques semaines j'illustre de temps en temps mes articles avec des images psychédéliques, captures-écran de la couverture interactive qui ouvre mon nouveau roman, USA 1968 deux enfants, conçu pour iPad. Après avoir terminé la mise en forme du récit j'ai rêvé de recréer l'un de nos light-shows du début des années 70 avec les moyens qui nous sont offerts aujourd'hui.

Cette évocation est la conséquence directe du voyage initiatique entrepris avec ma petite sœur lorsque nous avions 13 et 15 ans, soit trois mois d'un périple extraordinaire autour des États-Unis en 1968, seuls, livrés à nous-mêmes. Je brûlais, grattais, peignais des diapositives sous-exposées depuis déjà trois ans lorsque j'assistai au spectacle du Fillmore West à San Francisco avec le Grateful Dead. En revenant à Paris je fondai H Lights avec quelques amis du Lycée Claude Bernard, raison pour laquelle j'appelai Retour en France cet épisode qui, ouvrant paradoxalement le roman, porte un numéro négatif comme tous ceux qui précèdent notre départ pour New York. S'il figure tout autant l'épisode 37 qui clôt l'aventure il renvoie le récit principal à un immense flash-back.

H Lights projetait des diapositives, des liquides en ébullition, des images cinétiques ou polarisées sur des groupes pop de l'époque tels Gong (Daevid Allen), Red Noise (Patrick Vian), Crouille-Marteaux (Pierre Clémenti, Jean-Pierre Kalfon), Melmoth (Dashiell Hedayat), Dagon (les frères Lentin), Epimanondas (mon premier groupe avec Francis Gorgé), etc. Il s'agissait de reproduire sur grand écran les expériences hallucinogènes que les substances illicites nous avaient laissés entrevoir. Ici le plaisir est offert au lecteur qui, en touchant d'un doigt l'écran de l'iPad, contemple un spectacle infini tant les médias et les combinaisons sont nombreuses. Sonia Cruchon a récupéré des extraits de mes films qu'elle a mis en boucle et filmé les effets de matière tandis que Mathias Franck fabriquait le moteur de l'œuvre interactive. Au simple tap il a ajouté la programmation des glissés pour changer les filtres et un double-tap pour envoyer les images capturées en direct à l'album-photos de l'iPad de manière à ce que chacun puisse immortaliser les tableaux qu'il ou elle aura générées.

Dans un premier temps j'avais créé une partition musicale également interactive, mais l'objet était devenu trop complexe. Aussi ai-je choisi des musiques présentes dans le récit proprement dit tant et si bien que le lecteur se retrouve dans la position où nous étions lorsque nous improvisions le jeu des images d'après la musique. De la même façon que la couverture du roman est différente à chaque lancement de l'application la musique est piochée aléatoirement dans le corpus sonore, produisant ainsi des effets de sens toujours différents.
Excités par le résultat, nous avons décidé que les créations numériques pour tablette publiées à l'avenir par Les inéditeurs porteraient toutes une couverture interactive !