70 mai 2014 - Jean-Jacques Birgé

Jean-Jacques Birgé

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vendredi 30 mai 2014

Pow-wow arlésien in vitro


Les voitures ne volent toujours pas au-dessus du macadam, mais la visiophonie va aujourd'hui bien au delà de nos rêves d'enfant lorsque nous dévorions Jules Verne. Les réunions de travail sur Skype ou assimilés nous permettent de gagner un temps fou. Comme Gila était le seul à avoir branché sa caméra et Valéry Faidherbe s'étant dissimulé derrière un drôle de panneau, j'ai l'impression qu'Olivier Koechlin est devenu ventriloque ! Nous préparons la soirée de clôture de la première semaine des Rencontres de la Photographie au Théâtre antique d'Arles, bouquet final qui fêtera treize années de la direction de François Hébel. Aucun musicien en direct ce samedi 12 juillet, mais un montage sonore savant qui réinvente le passé. Le mardi 8 nous aurons la chance d'avoir le violoncelliste Vincent Courtois avec le photographe Michael Ackerman et Christian Caujolle au Théâtre municipal pour deux représentations. Le lendemain mercredi, retour dans l'hémicycle du Théâtre antique avec le Prix Découverte orchestré par le percussionniste Edward Perraud tandis que l'accordéoniste Michèle Buirette accompagnera Jean-Noël Jeanneney pour Jours de guerre sur les archives photographiques du journal Excelsior. La première guerre mondiale m'occupera aussi personnellement à l'église des Frères-Prêcheurs, ayant composé une partition sonore à seize haut-parleurs pour l'exposition sur les monuments aux morts réalisée sous le parrainage de Raymond Depardon. Il reste encore des incertitudes le jeudi 11 avec Vik Muniz et cette année la Nuit de l'année du vendredi se tiendra boulevard des Lices. Lors de cette réunion de travail chacun semble occuper une pièce d'une maison de poupée vue en coupe. La prochaine fois nous nous retrouverons tous au salon pour projeter nos rêves sur grand écran, château des Carpathes transporté à deux pas des studios montreuillois de Méliès.

jeudi 29 mai 2014

Le couple en bataille


Some Velvet Morning, le dernier film de Neil LaBute est un huis-clos où s'affrontent un homme et une femme dans un rapport de perversité largement plus retors que La Vénus à fourrure de Roman Polansky. Neil LaBute filme la méchanceté des hommes comme personne, dressant toujours un parallèle avec la mise en scène, sorte de mise en abîme des manipulations dont ils sont les auteurs ou les pantins. En compagnie des hommes (In the Company of Men), Entre amis et voisins (Your Friends and Neighbors), Nurse Betty, Fausses Apparences (The Shape of Things), Harcelés (Lakeview Terrace), Panique aux funérailles (Death at a Funeral) sont des portraits grinçants de notre société moderne où les apparences sont le nerf du sujet. Le réalisateur affectionne les coups de théâtre qui font tomber les masques de ces pervers narcissiques dont les victimes sont la matière première de leurs œuvres diaboliques. Également homme de théâtre, il dirige remarquablement ses acteurs aux dialogues toujours acérés (DVD Zone 1, New Video Group).
Filmé entre autres le soir-même de la dernière élection présidentielle, La bataille de Solférino est un tour de force virevoltant où le jeu des comédiens et la caméra portée rappellent les films de Cassavetes sans perdre le style des comédies dramatiques françaises. Justine Triet, dont c'est le premier long métrage, tire un portrait de famille éclaté(e) où le couple en prend pour son grade, la folie de l'époque déstabilisant ces parents immatures avec, comme chez LaBute, un net penchant pour les femmes tout de même moins azimutées que la gente masculine. La réalisatrice manie un humour corrosif dans les situations qui pourraient tourner au vilain, mais sa tendresse évite les jugements manichéens, produisant une distance qui nous laisse libre de penser malgré la vitesse des répliques et une tension longtemps entretenue. L'immersion de la fiction dans des circonstances documentaires rappelle Lelouch sans le côté fleur bleu de l'anecdote. De plus le film bénéficie du recul historique après quelques mois passés, mettant en scène le réel dans des séquences qu'aucune équipe de reportage télé n'a jamais su capter. Habituellement seuls des documentaristes comme Depardon ou Wiseman savent filmer l'envers du décor. Avec le temps qu'exige l'analyse, Justine Triet dévoile les fantasmes des militants qui déchanteront aussi rapidement que le couple dont l'inconscient se devine derrière les corps et les cris (DVD Shellac Sud).

mercredi 28 mai 2014

Hommage-surprise à Olivier Bernard


Dans la vie d'un artiste rares sont les rencontres intelligentes et sensibles avec les institutions ou les programmateurs. Elles se bornent le plus souvent à un système d'évaluation basé sur l'exercice du formulaire ou à des relations sociales hypocrites qui mènent au cynisme. Il arrive pourtant de croiser un interlocuteur attentif et bien intentionné qui ne se retranche pas derrière son pouvoir, mais facilite le rapport douloureux que l'artiste entretient avec le réel.
Le 30 novembre dernier, Olivier Bernard a quitté son poste de responsable de l'action culturelle de la Sacem. Or depuis une quarantaine d'années il incarnait pour moi le rééquilibrage des injustices dont cette société est le fait. Il défendait tous les créateurs sans souci de ce qu'ils rapportent de droits d'auteur. C'est dire ce que lui doivent les compositeurs contemporains, les jazzmen, les improvisateurs et tant d'autres ainsi que les festivals qui les programment ou les centres pédagogiques.
J'ai l'habitude de défendre la Sacem à l'extérieur (j'ai acheté ma maison grâce à mes droits d'auteur), mais de l'attaquer de l'intérieur (car ce fut toujours un combat pour les toucher). Je me souviens d'Alain Izard m'expliquant qu'une des directives de la maison est de ne pas dépenser des francs pour percevoir des sous. Les petits y sont négligés et les gros, comme ailleurs, y sont largement favorisés. Je pense, entre autres, aux irrépartissables distribués au pro-rata de ce que touchent les auteurs. L'action culturelle rééquilibrait ces absurdités immorales en soutenant les projets créatifs, ce qui nous rappelait que cette société privée monopoliste à qui nous avions cédé la gestion de nos droits nous appartient aussi. Avec le départ d'Olivier Bernard de la Sacem il semblerait que le remarquable travail qu'il a développé sans relâche soit saccagé, la sinistre logique du profit l'emportant ici aussi sur l'intelligence et la défense indispensable de la culture, dernier rempart contre la barbarie.
Pour accompagner son départ "en retraite" et saluer celui qui était pour tous devenu un ami, nombreux musiciens ont participé hier soir à une merveilleuse soirée à la Dynamo de Pantin, organisée par sa compagne Marie-Anne Bernard-Roudeix et Henry Fourès à l'insu de l'intéressé ! Malgré l'ampleur de l'entreprise Olivier ne se doutait pas que la convocation qui lui avait été faite n'était qu'un traquenard pour fêter son courage, son intégrité et sa finesse. L'éclectisme sied à ce curieux de toutes les musiques et chacun intervint quelques minutes pour lui rendre hommage.
Se succédèrent ainsi Omar Yagoubi au piano, Claude Samuel commentant en images le Centre Acanthes, François Bayle diffusant un "tango" électro, le contrebassiste Patrice Caratini accompagné de la chanteuse Hildegarde Wanzlawe et du clarinettiste Clément Caratini, ma pomme au Tenori-on, Yanael Quenel interprétant au piano une pièce de Reinhard Flender, rejoint par Françoise Kübler pour une chanson grivoise d'Henry Fourès, Julien Desprez à la fougueuse guitare électrique, David Jisse pour deux tendres chansons, L'Accroche-note en trio avec Kübler et les clarinettistes Armand Angster et Sylvain Kassap, un traditionnel arménien par le violoncelliste Félix Simonian accompagné au piano par sa fille Luciné Simonian, un solo de batterie de Jean-Louis Méchali qui diffusa une vidéo d'un spectacle sud-africain, la flûtiste Keiko Murakami pour une pièce très zen de Joji Yuasa, un petit film sur une pièce pour douze saxophones de Denis Levaillant qui clôturera plus tard la soirée au piano, Krystof Maratka à la flûte harmonique, Alain Louvier au piano avec sa musclée Étude n°7 (pour 6 agresseurs), le tout entrecoupé de quantité de messages enregistrés par les amis absents.
Dans la salle étaient réunis une foule d'amis, compositeurs, musiciens, directeurs de festival, anciens collaborateurs, qui fleurirent cette soirée en un somptueux bouquet à l'image de celui qui continuera de garder une écoute bienveillante dans ses nouvelles activités. Juste avant le concert, Keiko Murakami m'expliqua le sens du nom de mon instrument, le Tenori-on. On signifie le son, mais Tenori est le nom d'un petit oiseau qui vient se poser sur la main. J'invitai donc tous les présents à continuer de tendre la main aux jeunes créateurs qui devront se battre plus que jamais contre la normalisation et le formatage en développant des mondes dont le caractère imaginaire incarne l'espoir d'un réel plus juste, où la beauté dépasse les critères esthétiques pour redonner du sens à nos vies.

mardi 27 mai 2014

Idées dans l'air, inspirations et plagiats


À Linz en 2009 Antoine Schmitt évoque l'idée de réaliser une application pour smartphone qui traduise les textes en réalité augmentée. Cinq ans plus tard Quest Visual a rejoint Google pour accoucher de Word Lens, petite appli gratuite pour le moment. Ça fonctionne vraiment n'importe comment, mais le résultat est encore plus poétique que Google Trad et la typo est étonnamment conservée comme ce qu'avait imaginé Antoine. Les idées sont dans l'air et il m'est toujours apparu formidable qu'elles se concrétisent. Autrement dit, chaque fois que je rêve de quelque chose et qu'un autre la réalise quelque part dans le monde je suis fou de joie, c'est cela de moins à faire : faisons ce qui ne se fait pas puisque ce qui est fait n'est plus à faire ! Le champ est large, il nous reste une infinité de possibles tant que l'on travaille du chapeau et que l'on s'y colle en se penchant au-dessus du capot... Mais de même que le public préfère reconnaître que connaître, les artistes sont souvent enclins à se conformer à la norme, ne se risquant pas à l'exclusion que génère l'indépendance. Jeune homme je voulais absolument être original, et Bernard Vitet de me répondre : "plutôt qu'être original, soyons personnel."
Il est gratifiant d'inspirer d'autres artistes qui ont ou pas l'amabilité de vous signifier ce qu'ils vous doivent. Nous en passons tous par là, car il n'existe aucune génération spontanée et nous ne sommes que les héritiers des aînés qui ont défriché le terrain. Il est ainsi satisfaisant de rendre grâce à celles et ceux qui nous ont inspirés. Il est par contre pénible de se faire piller sans que soit rendu à César ce qui appartient à mes zigues. Il ne faut alors pas confondre les idées dans l'air que la norme suscite, les inspirations légitimes dont nous sommes tous pétris et les plagiats systématiques qui tiennent du vol et de l'usurpation.
La reconnaissance relativement récente de mes anticipations m'a permis de calmer certaines contrariétés dans divers domaines artistiques où je suis intervenu, car les suiveurs ignorent souvent l'origine de leur démarche et les plagiaires patentés ont en général un service de communication à la hauteur de leur ambition de notoriété. Les usurpateurs sont en effet meilleurs commerçants que les inventeurs. Question de temps à y consacrer plutôt qu'à son art !


Ainsi le plasticien Antoine Schmitt est victime d'un honteux plagiat de la part de Carsten Nicolaï dont une œuvre récente, l'alpha pulse présentée à Hong Kong, est la copie conforme de City Sleep Light, du concept à la forme jusqu'à l'application iPhone et la photo de promo ! La pièce d'Antoine Schmitt a pourtant tourné dans le monde entier depuis quatre ans, Bruxelles (première et Nuit blanche), Berlin, Helsinki, Linz (pendant Ars Electronica), Madrid, Lyon, Sao Paulo... La notoriété de l'artiste allemand étant relativement considérable l'affaire n'en est que plus rageante, mais lorsque j'ai appris que c'était le véritable nom du musicien Alva Noto je ne m'en suis plus étonné, n'ayant jamais gobé ses mâles démonstrations encensées par une presse plus suiveuse que défricheuse. Sachant ce qu'il doit à Ryoji Ikeda il semblerait également qu'il soit coutumier du fait.
Jacques Perconte faisait remarquer que "la copie est standard dans cette culture de l'inculture, elle ne fait pas école, mais pognon", et tant que les copies sont pâles à côté des originaux il n'y a pas de quoi s'inquiéter outre mesure. L'œuvre conceptuelle pose aussi la question. Comment créer des œuvres incopiables, du moins les œuvres elles-mêmes à défaut de la technique, des ustensiles, des tourneries, des idées ? C'est le danger de l'art contemporain, car ce qui fait l'art c'est justement l'irreproductible, la gaucherie, tout ce qui échappe au savoir faire et à l'académisme... Il est plus difficile de copier les erreurs merveilleuses que les choses trop bien faites, forcément réductrices. Si les chefs d'œuvre se reconnaissent au nombre des interprétations qu'ils suscitent, le marché s'identifie à la quantité d'exemplaires vendus. En art seule la faille fait signe.

lundi 26 mai 2014

Bémol à la paranoïa des chiffres


Dans notre système sociétal désincarné basé essentiellement sur l'évaluation, les chiffres des élections font froid dans le dos que l'on s'y attende ou pas. Nombreux camarades soulignent qu'une personne sur trois ou quatre croisée dans la rue serait un facho. On est pourtant loin du compte. Les 25% du FN sont d'abord un jeu d'écritures. Si quantité de négligents, déprimés, déçus, opposants à la simili-démocratie qu'on nous vend à tout bout de champ ne sont pas allés voter, très rares ceux et celles parmi ces abstentionnistes qui partagent les points de vue de l'extrême-droite. Cela réduit considérablement la proportion de débiles haineux qui ont choisi de se ranger derrière le FN. Il en reste néanmoins un paquet et à partir de un c'est déjà trop !
Et même parmi les votants nombreux ont, par inculture, sanctionné le système politique et les incompétences de nos gouvernements successifs. Ce second phénomène réduit encore le nombre de fachos croisés dans la rue. Si en plus vous habitez comme nous Bagnolet le Front de Gauche est en tête avec 18,41%, les Verts 16,23%, le FN 15,53% et le Parti Socialiste qui y a gagné les Municipales grâce à la trahison d'une faction prétendûment d'extrême gauche en quatrième position avec 14,07%, proportionnelle toujours basée sur les suffrages exprimés ! Encore une fois c'est toujours trop pour l'effet haine, mais cela relativise la vision paranoïaque que vous pourrez lire ça et là dans la presse officielle ou sur les réseaux.
Quant aux raisons qui poussent les victimes à élire presque systématiquement leurs bourreaux (si les individus votaient pour leurs intérêts de classe on n'en serait pas là) elles sont motivées par la peur de l'inconnu, préférant identifier et choisir d'où vient leur souffrance plutôt que d'en risquer une nouvelle. Elles sont également motivées par la haine de l'autre qui est en soi. Enfin, la politique du pire pourrait exiger la victoire des incompétents afin de s'en débarrasser ensuite pour un très long moment !
Les cycles historiques (on les appelle des révolutions) semblent se perpétuer, à moins que nous soyons assez fous pour nous autodétruire en produisant une courbe plate, telle celle qui s'affiche sur nos écrans asservis à la religion du marché qui, quoi qu'il arrive, dictera sa loi aux futurs élus. À moins que nous inventions un autre système, mais ça c'est une autre histoire...

vendredi 23 mai 2014

Duo impromptu avec Jacques Perconte samedi après-midi


Si vous n'avez jamais vu de films de Jacques Perconte voici une excellente occasion ! Dans le cadre de son exposition à la Galerie Charlot (47 rue Charlot, Paris 3e, jusqu'au 7 juin) je le rejoins demain samedi pour un duo improvisé à 16h et 17h30. S'il y expose films génératifs ou linéaires ainsi que des impressions papier sur aluminium, Jacques Perconte transformera en direct ses compressions vidéographiques tandis que je l'accompagnerai en musique. Venez tôt, on sera serrés. J'apporte clavier, Tenori-on, flûtes et trompette à anche.
Jacques sait que je préfère en général partager la scène avec d'autres musiciens plutôt que jouer en solo, mais je ne résiste pas au plaisir de me laisser flotter dans le marais poitevin. Ce sera donc une occasion un peu exceptionnelle. Considérant l'improvisation musicale comme un mode de conversation je dialoguerai cette fois seulement avec les images, m'y fondant en tentant d'éviter d'être illustratif comme je le constate trop souvent dans les spectacles audiovisuels...
Le lendemain dimanche c'est un tout autre sport. Nous nous lèverons très tôt pour participer au vide-grenier à l'intersection de Bagnolet, Les Lilas et Paris, tout en espérant le retour du soleil. Nous nous sommes groupés avec plusieurs amis de manière à passer une journée rigolote. C'est une des plus grandes brocantes parisiennes. Saurez-vous nous trouver ?

jeudi 22 mai 2014

Le fil rouge de l'algorithme de Virginie Rochetti


Virginie Rochetti expose ses broderies déjantées au Triton des Lilas jusqu'au 14 juin. On l'a connue scénographe avec Jacques Rebotier, peintre, illustratrice, ordonnatrice d'installations, la voilà brodeuse. Peu importe le support, les créations de la plasticienne sont toujours aussi impertinentes, contre-champ du monde formaté où les usurpateurs font la loi du marché. Ayant acquis une drôle de machine informatique qui enregistre les mouvements du stylet sur la tablette tactile, Virginie Rochetti réalise de petits tableaux caustiques, duo improvisé entre l'artiste et un outil plus ou moins obéissant. Car là où les imperfections humaines déterminent le style, la machine ne connaît que les bugs. Rochetti en use et en abuse avec délectation, jouant des points, traits incisifs, trames de remplissage, motifs rouges, noirs ou crème, laissant à la machine le soin de piquer. L'imagination reste heureusement la prérogative de l'artiste ! Je dévore le rouge vif des pièces de bœuf, que ma propre machine écrit bouf, rature, coupure, piqûre, les fumeuses impénitentes de Vivre tue, les mutations nucléaires de Respirez légendé Ta mère la planète ! Taré ou son Carnival capital, et ci-dessus Le loup et les rouges. Regret d'Anna Sanchez Génard de n'avoir pu exposer la Tapisserie de Bagnolet, fresque brodée de sept mètres de long, mais les petits formats accrochés partout dans le restaurant nous ravissent. L'aiguille relie les points pour dessiner des traits, les traits se serrent les uns contre les autres pour remplir des surfaces en épaisseur, et le fil du récit déroule l'absurdité du monde, ses plaisirs et ses horreurs, la difficulté d'être femme, sa légèreté, l'humour et la créativité transmutant la vie en art, et l'avis en lard. Saignant.

mercredi 21 mai 2014

Trois petits chats, chats, chats...


Il y a des jours où l'on ne peut rien raconter parce que l'on ne peut rien dire. Projets en cours dont l'annonce est prématurée, la confiance interdit la confidence, la pluie donne envie de se lover sous la couette, la chaleur rejette le drap, l'impatience rompt le silence, et puis rien, un rien envahissant vous empêche d'écrire.
Il aura suffi d'un petit prout pour que la vie s'éveille. C'est ainsi que le travail a commencé. Soixante-dix jours après sa fugue, Gezi a accouché de trois jolis chatons. Le premier ressemble à Prince, un Félix réglisse menthe qui trônait sur le mur du jardin. Les deux autres seront tigrés comme le loubard insistant qui poussait de toutes ses forces sur la porte pour entrer chez la belle. L'accouchement réveille les questions de l'instinct. La poche que la mère ingère, le cordon coupé et les petits aussitôt en quête des tétons gorgés de colostrum. Gezi est incroyablement calme. Elle exige pourtant la présence d'Armagan qui joue les sage-femmes et Françoise filme aussi. Elle s'enquit de qui arrive et repart nourrir sa progéniture qui alterne manger et dormir. Tout comme nos vieux chats flemmards. On dirait trois petites souris, mais ce sont trois p'tits chats, trois p'tits chats, trois p'tits chats, chats, chats... Qui s'en iront déjà dans deux ou trois mois quand ils auront trouvé leurs nouveaux foyers d'accueil. Sur la photo ils n'ont que vingt-quatre heures. À raison de quinze grammes par jour ils vont se transformer à vue d'œil. Ils auront certainement la grâce et la finesse de leur maman, espiègles bestioles qui sauront rapidement apprivoiser leurs nouveaux serviteurs...

mardi 20 mai 2014

USA 1968, version 1.1



Une nouvelle version de mon second roman USA 1968 deux enfants est en ligne sur l'AppleStore. Améliorations ergonomiques et visuelles pour celles et ceux qui l'ont déjà acquis. Si vous désirez faire une expérience inédite dans le domaine de la littérature et du multimédia, faire un cadeau étonnant à l'un de vos proches, c'est le moment, le prix a été baissé à 2,69 euros ! Ce "roman augmenté", conçu exclusivement pour iPad, s’inspire des photographies prises pendant le périple inimaginable aujourd'hui que nous fîmes aux États Unis en 1968, seuls, livrés à nous-mêmes, alors que ma petite sœur avait 13 ans et moi 15 ! Se dessine ainsi une image critique de l’évolution du monde à travers 12 courts métrages insérés dans le récit ainsi que 75 minutes de musique originale et d’effets sonores qui accompagnent la lecture.
Lorsque nous ne trouvons personne pour nous loger, nous voyageons de nuit grâce à un abonnement aux bus Greyhound. Des chutes du Niagara à la frontière mexicaine, de l’Océan Pacifique à la Nouvelle Orléans nous faisons d’incroyables rencontres. Hébergés par un pathologiste à El Paso, un couple d’architectes à Beverly Hills, des hippies et le médecin des Black Panthers à San Francisco, des fascistes dans le Connecticut ou le patron de la Bourse de New York, des familles nous accueillent lors d’un voyage initiatique où je découvrirai ma passion pour la musique après avoir participé aux évènements de mai à Paris deux mois plus tôt. Le journal de ce périple renvoie au passé qui a permis cette fantastique aventure comme à l’avenir qu’il suscitera. Une époque pleine de promesses se dessine avant que la réaction n’enterre les rêves d'une jeunesse qui pensait réinventer le monde.


Comme pour toutes les publications des Inéditeurs, la couverture de ce livre d’un genre nouveau est une œuvre interactive : le light-show évoque les expériences lysergiques du retour en France et la tentative de les représenter aujourd’hui (cinemato)graphiquement afin de retrouver les émotions des projections psychédéliques qui inondaient les concerts de pop music...

lundi 19 mai 2014

Réunion de famille


Maman a 85 ans aujourd'hui, cela ne me rajeunit pas. À part Philippe qui a épousé ma sœur il n'y a que des filles sur la photo. Toute sa vie ma mère s'est plainte de n'avoir que trente cousines et pas de garçon dans la famille. Elle nous enquiquine régulièrement avec ce sujet. Ma petite sœur a fait deux filles et moi une. Aucune n'a encore d'enfant. Ils étaient tellement certains que je serais une fille que mes parents n'avaient pas prévu de prénom de garçon. C'est ainsi que je me suis trouvé affublé d'un prénom composé, préfixe de mon père, suffixe d'un vague cousin qui m'avait devancé. Heureusement il y eut des pièces rapportées, mais j'ai pris l'habitude de vivre au milieu de gynécées. La compagnie des hommes ne m'a jamais autant plu que celle des femmes. Question de dignité. D'époque aussi. Le féminisme avait un parfum révolutionnaire, un attrait pour la nouveauté, une justice attendue. À partir de la génération précédente les femmes de la famille furent actives. J'aime voir Estelle, Chloé et Elsa réunies, fous rires des cousines face à l'étrangeté des anciennes. Mes deux tantes dînent une fois par semaine chez ma mère qui a beaucoup de mal à tenir sur ses jambes. L'aînée, Arlette, artiste plasticienne toujours en activité, marche avec une canne. La cadette, Catherine, est la seule à conduire. Avec Maman on évite les sujets qui fâchent ; elle est restée coincée sur une idée du socialisme qui tient plus des prérogatives de la bourgeoisie que de la tolérance qu'elle nous a enseignée.


Ma sœur Agnès fuit toute discussion profonde en ne racontant que des anecdotes sans aucune conséquence. Ma tante Catherine ne tient pas en place et oublie aussitôt les réponses à ses questions. Arlette ne dit pas un mot, mais elle s'amuse de l'absurdité des situations, me suggérant avec humour de prendre ma mère en photo, cigare au bec, avec Scotch qui s'est glissé derrière elle sur le canapé. Geneviève, c'est ma maman, déteste les animaux, en particulier l'espèce à laquelle elle appartient. Sa misanthropie est pesante, mais chacun, chacune compose avec. Françoise adore les vieilles dames, peut-être parce que leur histoire est une énigme de l'ordre de celles qui alimentent ses films. Les réunions de famille sont des creusets psychanalytiques qui en disent long sur les névroses de chacun/e.

vendredi 16 mai 2014

Welcome to New York, un tour de passe-passe


Gros buzz orchestré par Vincent Maraval, producteur du film d'Abel Ferrara sur DSK rebaptisé Deveraux. Le film est au Festival de Cannes au marché du film et sort exclusivement en VoD demain samedi sans presque aucune projection de presse. En cette époque d'overdose d'informations le secret fonctionne à plein et les fantasmes vont bon train. Le risque est pourtant qu'on n'ait plus rien à dire lorsqu'on aura assisté aux multiples scènes d'orgie et à la reconstitution de l'affaire.
À l'annonce de l'affiche "Vous savez qui je suis ?" il conviendrait de répondre "un simple avatar", énième tour de passe-passe du storytelling qui cache les vrais enjeux... Car si la vie privée des personnages publics s'y réclame de la fiction, l'analyse politique du réalisateur colle forcément à une version officielle qui fait l'impasse sur la réalité du capitalisme et du néolibéralisme pour dessiner un portrait à charge d'un homme de pouvoir que les outrances connues de son entourage, même éloigné, font passer simplement pour un malade, obsédé sexuel qui ne reconnaît plus ses limites. Or le modèle, et il s'agit bien d'un modèle puisque DSK était sur la voie de la présidence de la République, n'est que celui d'une société qui a elle-même perdu ses repères en favorisant une poignée de puissants qui se pensent intouchables au détriment de presque toute la population.


Un soir que je dînais avec un commissaire aux comptes du gouvernement celui-ci nous expliqua que tous les hommes politiques, les députés, les maires, etc. commettent des irrégularités condamnables par la loi. Si la droite pratiquait l'enrichissement personnel, la gauche (pas son actuel semblant qui siège au gouvernement !) en faisait profiter le parti. Le pouvoir des commissaires aux comptes était limité à un coup de règle sur les doigts du contrevenant qui mettait la pédale douce pour trois ou quatre ans. Lorsque son arrogance lui laissait penser qu'il était au-dessus des lois, il tombait. Ils sont rares, mais ces cas sont célèbres. La proposition d'élections au tirage au sort (stochocratie) sera pour l'avenir à prendre avec le plus grand sérieux.


L'affaire du Sofitel est une anecdote scabreuse révélatrice de tout un monde, celui de la finance qui croit pouvoir tout se permettre. Dominique Strauss-Kahn défendait une politique identique à celle que le gouvernement prétendument socialiste nous inflige. Au moment des faits il est directeur général du Fonds monétaire international (FMI), rouage essentiel de l'escroquerie dont les peuples sont actuellement victimes, organisateur de ce qu'il est coutume d'appeler la crise. Ferrara rejoint néanmoins Scorsese et son Loup de Wall Street en mettant en scène le gâchis. Or ce gâchis fascine dangereusement les masses exploitées dont la revanche accoucha dans l'Histoire des pires cauchemars. La société du spectacle aveugle les victimes en leur faisant miroiter l'opulence des bourreaux au lieu de repenser le système sous un angle où le partage et la solidarité permettraient de nous sauver de la catastrophe annoncée.

jeudi 15 mai 2014

Diabolique


Diabolique, le sablier égrène son sable fin et c'est déjà le soir. Il m'a manqué les minutes nécessaires à penser mon billet. Discipliné, je m'exécute en refusant que l'on me bande les yeux. La salve me cloue sur mon siège. De toute manière je ne sais pas taper sans perdre de vue le champ du clavier. Toute la journée j'ai pédalé, marché, raviné, changé de fauteuil autant de fois que je me suis levé, le travail filait comme sur des roulettes. J'ai travaillé sur les Rencontres d'Arles avec Olivier pour les Monuments aux Morts aux Prêcheurs, enregistré et traité l'intégralité de l'interface sonore de Dig Deep, l'oracle que Sonia a imaginé pour Les Inéditeurs, j'ai cherché des musiciens pour différents spectacles en les appelant d'un continent à l'autre, résolu des problèmes informatiques, soutenu des camarades dans l'embarras quand la lumière dorée du soir m'a appris qu'il était déjà l'heure de m'arrêter. Bonnes nouvelles. Gros appel d'offre gagné pour un projet passionnant avec une équipe en or. Concerts à la rentrée avec Médéric Collignon d'un côté, la reformation du Drame d'un autre, et probablement Rêves et cauchemars. Et la vacance qui se profile pour l'été, loin du bruit et de la fureur. La photo d'un tableau, Le Faune d'Édouard Reynart, prise à La Piscine de Roubaix a simplement guidé mon bras. J'avais commencé la journée en récitant trois fois à voix haute le poème de Mallarmé qui me servira de caution. Un coup de dés jamais n'abolira le hasard. Et l'oracle de me livrer des réponses que je ne comprenais qu'à moitié. La moitié de la moitié c'est encore un quart. Continuons avec un huitième, la moitié de ce quart. Et un seizième s'y ajoutait encore alors que la solution réside probablement dans les derniers octets qui resteront à charger. Je suis suspendu en vol, papillon épinglé sur le ciel apaisé en attendant la lune, pleine, prête à accoucher, mais de qui, de quoi ? L'énigme est diabolique. Je passe. Alors j'ai fait revenir du céleri chinois dans le wok avec de l'ail, des oignons blancs et des piments verts, mélangé le tofu soyeux, arrosé de nuoc-mâm, sauce de soja, vinaigre de riz et huile de sésame, avant d'aller nous vautrer devant un Sidney Lumet de notre rétrospective domestique.

mercredi 14 mai 2014

Rebotier et Perraud, sortie de placards


NOOOOOOON ! N’ouvrez pas ce livre ! Ne le dépliez pas ! Et ne l’affichez pas ! Rentrez placards ! Sortez des murs ! Achevez d’imprimer les libraires ! Supprimez les imprimeurs ! Autodafez les éditueurs ! Avis-à-la-vie-à-la-mort : avisez pas les affiches 350 DPI ! Dévisagez-défigurez ! Visez-vous 2D ! Côt-côt- côt-côt, quat’ de couv’ ! Et sautez lé zôteurs ! Fiche ton camp, ennemi lecteur !
Vendredi Maison de la Poésie, l'écrivain-compositeur Jacques Rebotier avait invité le batteur Edward Perraud à lui donner la réplique pour une performance autour de son livre 22, placards!, prix littéraire des lycéens et apprentis de la région Île-de-France 2014. Plus à l'aise dans la composition que l'improvisation Rebotier trouve en Perraud un complice hors pair, si aiguisé dans l'écoute que le moindre de ses réflexes percussifs semblent anticiper les mots. L'exercice de l'instantané tient de la schizophrénie lorsque le performeur doit frapper, frotter, caresser, lancer tout en écoutant le texte-gigogne qui se déplie devant lui.


Là où le poète pratique le montage en direct le musicien jongle littéralement avec les mots de l'autre, les prolongeant par un timbre approchant, reproduisant la prosodie, traduisant dans l'instant l'humour ravageur en notes de musique. Il marche sur des charbons ardents comme un fildefériste dont on aurait chauffé le fil à blanc. Rebotier appela Saint-Paul et Manuel Valls à la rescousse, le premier en petits papiers pliés jonchant le sol comme des pâquerettes, le second placardé grand écran radotant ses labsus révélateurs.


Cet Out of placards se termina en séance photographique lorsque François Bayle vint saluer les deux compères après concert. Perraud dont la passion pour la photo est égale à son enthousiasme musical est toujours à l'affût de l'image, même démuni de son appareil ! Je m'y suis donc collé allègrement, avec l'idée de réinviter cet été le batteur aux Rencontres d'Arles pour une nouvelle soirée au Théâtre Antique, mais ça c'est une autre histoire...

mardi 13 mai 2014

Jacques Perconte s'attaque aux sommets


Pour son exposition D'est en ouest à la Galerie Charlot (jusqu'au 7 juin), le vidéaste Jacques Perconte, en s'attaquant aux sommets des Alpes et du Massif Central, franchit la frontière qui sépare le XIXe siècle du XXe. Si ses nouveaux paysages maritimes ou du Marais Poitevin rappellent encore sa période impressionniste, il survole aujourd'hui allègrement les abstractions de Kandinsky et Paul Klee, relisant l'histoire de la peinture à la lumière de ses films contemplatifs. Il est de fait à l'abri du néo-réalisme, ses traitements vidéographiques tordant le réel depuis ses débuts grâce à des compressions de plus en plus fines où le pixel remplace le grain du film en celluloïd et la pâte du peintre.


Ses algorithmes s'affinant l'artiste plasticien a fait imprimer des images arrêtées sur papier Fine Art encollé sur aluminium. Calculant la taille exacte qui permet aux pixels de n'être ni trop fin ni trop gros il a ainsi réalisé de très belles impressions numériques de 29x53 cm qui rendent merveilleusement son univers énigmatique où la couleur devient analytique, tour de passe-passe impertinent où la Terre réfléchit la matière qui la compose sous les calculs savants de l'artiste empirique.
Jacques Perconte n'est pas avare des films qu'il pose régulièrement sur Vimeo, 181 au compteur, mais il les vend aussi sous plusieurs formats, boucles sur iPad encadré, projections grand format de films génératifs sur écran vidéo ou mur blanc.
S'il a souvent payé le supplément d'Easy Jet pour un fauteuil côté fenêtre, les nuages l'ont presque toujours empêché de filmer les montagnes. En décembre 2013 le temps clair lui a permis de réaliser l'un de ses rêves. Ainsi Alpi, dicembre est sorti des limbes pour se projeter sur nos propres fantasmes, nous laissant voler à notre tour sur les ailes d'un plus lourd que l'air, voyage improbable que seul l'art procure.


Les films infinis qui ne se répètent jamais, tel aussi Le Sancy (Monts d'Auvergne), trouvent évidemment le plus de grâce à mes yeux. Toute ma vie j'ai cherché à ne jamais me répéter, créant chaque fois qu'il était possible des œuvres en mouvement à même de révéler des interprétations insoupçonnées. En marge de ce que l'on a coutume d'appeler l'improvisation j'ai trouvé en l'informatique les ressources offrant l'illusion de l'éternité. Jacques Perconte en est l'un des maîtres actuels, réconciliant l'art pictural, le cinéma expérimental et la poésie algorithmique.

lundi 12 mai 2014

Mac Migration


Le combat est pénible, mais je ne doute pas de la victoire. Colossale épreuve que d'acquérir un nouvel ordinateur avec la nécessité de retrouver informations et applications sur un outil tout neuf et survitaminé. Après sept ans de bons et loyaux services mon MacBook Pro exige depuis quelque temps des réparations systématiques du disque dur. J'aurais pu le remplacer, mais lors des concerts je suis embarrassé par la lenteur du processeur. Le disque SSD du petit nouveau accélère la vitesse de chargement de 4 à 10 fois. Comme il était hors de question de me coltiner l'absurdité de Mavericks, système 10.9 livré d'office par Apple, on m'a proposé une bête de concours puissante "reconditionnée", les célèbres "refurbished", appareils d'exposition ou retours quasi neufs, équipée d'un Mountain Lion, soit 10.8. Les mises à jour sont fastidieuses, mais peu d'incompatibilités parmi les logiciels que j'emploie quotidiennement. Préférant réinstaller de zéro ce dont j'ai réellement besoin plutôt que recopier les 470 Go de l'ancien l'opération dure plusieurs jours.
J'ai collé sur le capot le même sticker d'Ella et Pitr où une petite bonne femme combat le monstre, manière de camoufler la pomme qui s'éclaire lorsque je suis en scène. J'ai fait attention de ne pas coller la boxeuse dans la pomme, on aurait pu croire qu'Apple combattait le monstre. Il ne faut pas se tromper d'ennemi, bien qu'il faille composer avec.
J'ai dû me fendre en plus d'un petit graveur DVD indépendant puisqu'il a disparu de la machine, un disque dur rapide en USB3 et trois adaptateurs (FireWire, VGA, HDMI). Les applications sont presque toutes opérationnelles maintenant, les documents persos ne posent évidemment aucun problème, mais je ne sais pas où trouver les mails sur l'ancien ordi pour les récupérer, ni comment gérer mes milliers de photographies pour ne pas encombrer le disque dur avec tout sur iPhoto. Après quelques coups de fil à diverses hotlines je suis proche de la victoire. Elle sera très relative, car la totalité des œuvres que nous avons créées avec Director, les CD-Roms, ne fonctionnent plus avec le nouveau système, un scandale ! Le patrimoine disparaît à moins de trouver un émulateur qui les fasse marcher correctement. N'ayant plus accès à Alphabet, Somnambules, FluxTune, FlyingPuppet, etc., je suis obligé de conserver le vieux portable qui va rejoindre dans les archives un iBook blanc qui autorise la lecture des CD-Roms en OS 9. Heureusement Machiavel fonctionne toujours car son projecteur a été recompilé avec Director 11.5 !
J'ai cru vaincre la bête, alors que l'ère de l'informatique marquera certainement un trou de mémoire colossal dans l'histoire de l'humanité.

vendredi 9 mai 2014

La Great Black Music hors des sentiers battus


Suite à ma lecture du livre de Philippe Robert sur la Great Black Music j'ai commandé plusieurs disques sur Internet en me fiant aux pistes indiquées par l'auteur. Si Full Catastrophe, l'album de Meridiem qui réunit Percy Howard (voix), Vernon Reid (guitare), Trey Gunn (Warr guitare) et Charles Hayward (batterie), sonne trop hard et pas assez funk à mon goût je suis emballé par Incident Seductions avec les mêmes musiciens auxquels se joignent entre autres Steve Sullivan (guitare), John Ettinger (violon) et Bill Laswell (basse). La voix de crooner baryton de Percy Howard dont la monotonie mélancolique peut rappeller Scott Walker ou Nico sied à ses chansons poétiques que les arrangements aériens de l'orchestre n'étouffent jamais. Les extraits de son plus récent, A Pleasant Fiction, semblent de la même veine (chansons complètes en écoute ici).


À coté, Carl Hancock Rux, écrivain, metteur en scène, performeur, fait figure d'activiste. Chroniqueur de la négritude, cet autre baryton chante une soul aux rythmes syncopées empruntant aux rock, blues, jazz, soul, gospel, funk ou hip hop. Le mélange des genres accouche d'une œuvre originale portée par des textes exemplaires. Cette fois, j'entends le timbre de Jimi Hendrix avec les intonations de Gil-Scott Heron, les chœurs d'Attica Blues et les murmures de Massive Attack. Le gosse de Harlem revendique les racines multiples de la Great Black Music et cite Serge Gainsbourg, Coldplay, King Pleasure, 50 Cent, Bill Withers, Arvo Pärt parmi ses inspirations. Sur Apothecary RX figurent le violoniste d'avant-garde Leroy Jenkins, Mark Anthony Thompson dit Chocolate Genius, le guitariste brésilien Vinicius Cantuaria, Rob Hyman des Hooters. Cela me donne envie d'écouter dare-dare les trois autres albums enregistrés par Rux, musique urbaine où le politique et le social croisent le fer avec la spiritualité et la poésie.


Mais la surprise vient du duo de hip-hop expérimental Shabbaz Palaces composé de Ishmael Butler alias Palaceer Lazaro et Tendai Baba Maraire, originaires de Seattle et du Zimbabwe. Contrairement au genre où les alexandrins formatent trop souvent les morceaux en un flow continu sans autre surprise que le récit des rappeurs, ici chaque morceau développe sa propre structure avec des samples choisis venant de tous les horizons, même dans les albums où les enchaînements se réalisent sans temps mort : sons électroniques, sub-basses, instruments traditionnels, ensemble de cors de chasse, section de jazz ou free jazz, mbira (le père de Tendai est Dumisani Maraire), percussions et chœurs africains, bribes de dialogues, bruitages... Si la voix nasale a souvent les intonations du Zappa des premières heures leurs inventions sont aussi hirsutes...


Pour terminer cette revue de disques chaudement recommandés, j'ai choisi Seize The Time de l'ex-Black Panther Elaine Brown dont j'avais entendu The Meeting, l'hymne qu'elle avait composée pour leur parti, sur le générique de fin du remarquable film de William Klein autour de Eldridge Cleaver qu'elle remplaça comme ministre de l'information du parti qu'elle dirigera ensuite de 1974 à 1977. Mais la militante dut se battre également contre le machisme de son organisation. En 1969 elle enregistrait ses chansons avec le pianiste de jazz Horace Tapscott qui a également signé les arrangements, mais je n'ai trouvé nulle part le nom des autres musiciens. Les titres de ce document historique sont éloquents : The Panther, And All Stood By, The End of Silence, Very Black Man, Take It Away, Assassination, Poppa's Come Home...

jeudi 8 mai 2014

A Thousand Toughts, 40 ans de Kronos Quartet


Le Kronos Quartet n'a jamais chômé à raison d'un album par an depuis 1973 sans compter les enregistrements pour des films et les commandes pour divers compositeurs contemporains. Nombreuses des 800 pièces créées n'ont pour autant jamais été publiées comme celles de Steve Lacy, Tom Waits, Mr Bungle, Einstürzende Neubauten, Frank Zappa ou le spectacle multimédia Sun Rings de Terry Riley. S'ils abordent le répertoire contemporain sans aucune frontière, de Monk et Hendrix à Morton Feldman et Zorn leur énergie rappelle le rock 'n roll, direct et électrique. Cela ne les empêche pas de jouer de la musique médiévale aussi bien que les romantiques allemands et autrichiens avec beaucoup de sensibilité, faisant tomber les barrières entre musiques savantes et populaires. Ainsi ils collaborent avec des compositeurs du monde entier, enregistrent en superposition à des bandes magnétiques ou sur leurs propres playbacks, se jouant même du temps en allant chercher de vieilles cires. Les commandes passées ont permis de révéler quantité de compositeurs traditionnels issus de terroirs peu représentés dans les salons bourgeois occidentaux, du Mexique au Japon, de l'Afrique à l'Afghanistan. Leurs albums sont souvent thématiques, programmes pensés pour faire œuvre par les rencontres étonnantes qu'ils se permettent sans a priori géographique, historique ou stylistique.
Grosse machine étatsunienne aussi subventionnée qu'acclamée, le Kronos publie cette fois un coffret, réédition de 5 CD, Pieces of Africa, Requiem for a Dream, Nuevo, Black Angels avec une nouvelle compilation, A Thousand Thoughts, accessible indépendamment. Y figurent des œuvres enregistrées tout au long de leur longue carrière et qui n'avaient pour la plupart pas trouvé place dans les CD précédents. On notera que les violoncellistes ont la vie plus difficile que les trois autres puisque le quatuor en épuisa trois, tous de grand talent. Ici 15 pièces se succèdent sans autre connexion que de faire le tour du globe terrestre et prétendre à l'inédit. N'y avait-il rien d'autre dans leurs tiroirs qui les empêche de rééditer Blind Willie Johnson, Rahul Kuchh Saaman, Omar Souleyman, Terry Riley ou Astor Piazzolla déjà parus ? C'est un peu gruger les amateurs qui comme moi possèdent la quasi intégralité du Kronos que de prétendre ainsi à la nouveauté sans préciser les doublons. Mais comme leurs cordes sonnent toujours d'enfer, on ferme les yeux et l'on réécoute, piochant au hasard n'importe lequel de leurs disques. Cela vaut mieux que la musique pompier à laquelle le quatuor participe, composée par Clint Mansell pour Noé, dernière kitcherie du réalisateur Darren Aronofsky, qui sort simultanément, et de trois ! Décidément le Kronos semble se moquer du temps qui passe, aventurier fringuant s'appropriant toutes les ressources de la planète...

mercredi 7 mai 2014

Istanbul Market


Je suis toujours curieux de cuisines exotiques qui me font voyager par le goût et l'odorat. Ainsi, lorsque mes amis m'ont prévenu qu'ils partaient faire leurs courses au supermarché turc de Noisy-le-Sec je n'ai fait ni une ni deux, sautant dans mes chaussures pour les rejoindre illico presto. Armagan avait plusieurs fois évoqué Istanbul Market en apportant loukoums, keftas, gâteaux de semoule et petits plats qu'elle avait concoctés elle-même avec des épices succulentes. Bien entendu elle trouve que ce n'est jamais aussi bon que dans son pays, mais elle retrouve les saveurs de son enfance dans les rayons du magasin situé au 150 rue de Paris. Vous allez tout droit depuis la Porte de Pantin et lorsque vous voyez l'A86 surplomber la route vous êtes arrivés ! Pour moi c'est Topkapi et le grand bazar réunis. Je parcours les rayons comestibles comme si je visitais un musée où l'on peut toucher et emporter chez soi les œuvres exposées. Mon panier est juste assez grand pour contenir loukoums à la pistache, bonbons de sucre coton, mûres du framboisier séchées, légumes au sel, prunes crues à mélanger à la salade, fromage de yoghourt au thym, huile d'olive, etc. Pour m'achever nous nous arrêtons au retour à la pâtisserie du Sérail au 165 avenue Jean Lolive à Pantin. Leurs blaklavas aux noix ou à la pistache qui dégoulinent de sirop de sucre égratignent délicieusement mon régime !

mardi 6 mai 2014

Odeia au Lavoir Moderne Parisien


La première fois qu'Elsa se lança sur son trapèze avec La Caravane Passe, c'était il y a dix ans au Lavoir Moderne Parisien. Retour aux sources. Anniversaire. Pour aujourd'hui, fêter la sortie du CD du groupe Odeia distribué par L'Autre Distribution. La dernière fois que je les ai vus, c'était en novembre à Montreuil dans l'Usine Frapal où Judith Gueyfier, illustratrice de leur album Escales, les accueillait. Clément Alfonso a récemment réalisé deux clips avec le quatuor.
Le premier, Liouba, est chanté en tsigane russe. Noir et blanc, écrans multiples, les gestes apparemment simples reflètent des situations complexes, sous les doigts des musiciens les tranches de vie deviennent des tranches de gâteau, l'image découpe le quotidien comme si le jour ne devait jamais se lever, pourquoi les Slaves doivent-ils toujours souffrir et sublimer leurs âmes meurtries dans des mélodies aussi craquantes ?


Le second film, plus classique, est une chanson de Mouloudji sur une musique de Georges Van Parys. "Un jour tu verras, on se rencontrera, quelque part, n'importe où, guidés par le hasard..." Lorsque Odeia voyage ils nous emportent dans leurs bagages. Nous partons pour Athènes, Syracuse, Gorizia ou Caracas sans quitter nos fauteuils, planant au-dessus de la houle du large, portés par les envolées lyriques du violon de Lucien Alfonso, flèches légères qui filent droit vers les nuages, par les inventions harmoniques de Karsten Hochapfel au violoncelle ou à la guitare, folle boussole dont l'attraction terrestre est plus grave qu'il n'en a l'air, par l'assurance de la contrebasse de Pierre-Yves Lejeune dont le manche est un gouvernail permettant à l'orchestre d'arriver à bon port. S'il est une fille dans chacun, Elsa Birgé les incarne toutes. Polyglotte, elle peut être la bonne étoile qui guide les marins ou le feu des naufrageurs qui les damne à jamais. Tessiture incroyable, basses profondes qui vous retournent le ventre, aigus angéliques qui vous tirent les larmes, sa voix réfléchit la lumière.


Leurs arrangements d'une rare délicatesse confèrent à Odeia une grâce légère qui tranche avec les mixtures écœurantes de la world music. Chaque note est à sa place sur le compas de ces navigateurs infatigables dont le voyage ne fait que commencer. Sorti il y a une semaine, leur disque Escales est déjà Coup de cœur BFM-TV et Élu Citizen Jazz. Ils sont ce soir à 20h30 au Lavoir Moderne Parisien, 35 rue Léon dans le 18ème (12/10€).

lundi 5 mai 2014

Hypocondriaque


Lorsqu'un ami me demande si je vais bien j'ai la naïveté de croire que ce n'est pas une formule de politesse et lui réponds honnêtement sur l'état de ma santé avant de m'enquérir de la sienne. Il n'en faut pas plus pour que certains me collent sur le dos le costume d'un hypocondriaque, glissement sémiologique qui a le don de m'attrister, mais pas jusqu'à me rendre malade ! J'aurais tout aussi bien pu répondre sur l'état de mes selles pour respecter l'étymologie de la question, mais je risquerais d'être aussi vite traité de scatologue. À noter que les hypocondres sont justement deux régions de l'abdomen situées "sous le diaphragme", toujours l'étymologie ! Les quiproquos de ce genre ne manquent pas dans les relations sociales. On est rapidement catalogué suite à une phrase ou un geste maladroits. Le pire est que ces qualificatifs vous collent illico à la peau, leur émission réductrice étant facilement reprise par l'ensemble d'une communauté. Cela devient alors un travail de titan de s'en défaire. Je me souviens pourtant d'une histoire amusante concernant ma santé : j'ai pratiquement arrêté d'être malade le jour où l'ami médecin qui habitait dans mon immeuble a déménagé. Si j'emporte une trousse de médicaments lorsque je voyage dans des pays lointains où les conditions sanitaires sont quasi inexistantes, je n'utilise que ceux qui sont magiques, à l'efficacité absolue, et n'ai jusqu'ici jamais eu recours à la moindre hospitalisation. En général seuls le rhume des foins, l'asthme et les douleurs lombaires justifient que j'ai recours à la pharmacopée, préférant prévenir que guérir en ayant la vie la plus saine possible. Mon anxiété n'a donc rien de typiquement médical, car mon inquiétude s'exprime sur tous les terrains. J'aurais en effet plus de mal à nier être un inquiet. Frère aîné responsable depuis mon plus jeune âge, j'ai perpétué ce sens du devoir et détestant être pris au dépourvu je préfère anticiper, évitant souvent ainsi les emmerdements. Du moins les miens, pas forcément ceux des autres, bien qu'en personne responsable je me crois devoir soulager leurs maux si j'en ai le pouvoir. Et si j'ai mal, j'ai mal à l'homme, mais cette considération qui concerne l'humanité tout entière est strictement philosophique !

vendredi 2 mai 2014

Le rêve d'Armagan


Après le cauchemar d'Edward Perraud intitulé L'Afrique fantôme, voici le rêve d'une spectatrice, Armagan Uslu est une vidéaste turque vivant à Paris, qui a accepté l'invitation lancée au public de venir raconter le sien sur la scène de La Java avant que nous l'interprétions tous ensemble (5'47). Quelle ne fut pas notre surprise lorsque Alexandra Grimal s'en inspira pour improviser une petite histoire avant de reprendre son saxophone ! Comme tous les rêves et cauchemars filmés ce 14 avril par Françoise Romand les séquences vidéographiques que j'ai montées ne représentent pas l'intégralité des rêves tels que nous les avons joués en direct, mais sont de simples témoignages de la naissance d'un nouveau groupe !


Jean-Jacques BIRGÉ - clavier, Tenori-on
Alexandra GRIMAL - voix, sax ténor
Antonin-Tri HOANG - sax alto
Fanny LASFARGUES - basse électro-acoustique
Edward PERRAUD - batterie

jeudi 1 mai 2014

Revue du Cube #6 sur le thème du partage


Lors des dernières élections municipales je proposai de créer à l'échelle de la ville un collectif de compétences pour créer du lien social entre les différentes communautés, générations et professions. Il s'agit d'échanger tant le savoir que la pratique en contournant les divers systèmes tous aussi inéquitables qu'inefficaces, dictés au pouvoir politique par les lois du marché, charge à lui de les imposer ensuite à (presque) tous les citoyens par tous les moyens sous couvert d'une démocratie qui n'en a plus que le nom. Passé les considérations catastrophiques qui, plus que probables, pourraient s'avérer démobilisatrices, J'aimerais croire en l'avenir, ma participation au nouveau numéro de La Revue du Cube, va évidemment dans le sens d'un partage total indispensable...

Dans son édito de la revue du Cube Nils Aziosmanoff pose clairement les enjeux de ce numéro 6 consacré au partage. Si certains contributeurs récapitulent simplement ses formes en vogue, d'autres refusent de capituler en revendiquant ou en imaginant les formes indispensables que partager devraient induire aujourd'hui pour espérer un avenir à l'humanité, et même à toute espèce vivant sur notre planète. Face au sujet, les femmes, dont je regrettais la sous-représentativité dans les premiers numéros de la revue, ont une approche parfois spécifique comme Muriel de Saint-Sauveur avec la parité, mais Véronique Anger-de-Friberg, Marie-Anne Mariot, Janique Laudouar, Carol-Ann Braun, Gloria Origgi, Miki Braniste sont au même régime que Maxime Gueugneau, Francis Demoz, Hervé Azoulay, tous désirant dépasser un horizon à courte vue, hélas pourtant réduits à un vœu pieux. J'en fais évidemment partie. Et Philippe Cayol et Marta Grech d'écrire à quatre mains en prônant l'ensemblage pour éviter les déviances de certains partages ! À côté de celles d'Étienne Armand Amato et Jacques Lombard les quatre autres (presque) fictions me semblent s'éloigner de notre préoccupation, pauses agréables face à nos cerveaux qui s'échauffent, avant l'entretien avec Sylvain Kern, le débat (bientôt en ligne) et un panorama du web. Carlos Moreno, Hortense Gauthier, Olivier Auber, Clément Vidal, Franck Ancel, Étienne Krieger, Cécile Bourne-Farrel, Emmanuel Ferrand, Jean-Christophe Baillie, Simon Borel, Nicolas Dehorter, Michaël Cros, Serge Soudoplatoff, Philippe Chollet, Éric Sadin participent également à la revue, mais leurs approches m'empêchent de partager leurs vues aussi facilement...

J'aimerais croire en l'avenir

J'aimerais croire en l'avenir. Avons-nous d'autre choix que de nous battre pour que nos enfants puissent un jour prendre le relais ? Contre quoi, contre qui se bat-on ? Pan sur le nez ! L'homme est si orgueilleux qu'il pense pouvoir tout contrôler, climat, démographie, production, pollution, révoltes, la vie et la mort elles-mêmes. Comme si nous étions les maîtres du monde alors que nous sommes imperceptibles à l'échelle de l'univers, et sur un autre système de repères les véhicules inconscients de gênes et de bactéries qui nous manipulent. Des marionnettes en somme !
Nous créons des rites qui nous rassurent. Ils prennent la couleur du temps. Nous produisons de l'énergie pour nos totems. Deus ex machina ? À quoi bon ? Nous n’avons jamais cessé d’être Dieu, l’ayant créé à notre image, dans la limite de notre imagination. Que l'on soit dupes ou pas de la mascarade nous en avons toujours été, chacun, chacune, les organisateurs et les complices. La seule perspective qui nous sauverait porterait le nom de progrès ? Ceux qui se préparent à s'envoler dans l’espace misent sur la sélection par l'argent, les autres devraient savoir qu'il n’existe d'autre solution que dans le partage. Les révolutions se font ensemble. Les monstres d’égoïsme seront lapidés par la foule. Un peu de patience ! Le programme s’accélère. L'humanité n'assimile que les grandes catastrophes.
Les Trotskistes pensaient que la révolution serait internationale ou ne serait pas. Elle le fut, mais elle portait les couleurs morbides et cyniques du libéralisme. Le Capital était devenu marxiste. Tout se joue de plus en plus loin. La démocratie est un paravent derrière lequel s'agitent à peine une centaine de nantis tirant les frêles ficelles de l'exploitation planétaire. Il suffit de quelques degrés pour que la Terre chavire, provoquant des flux migratoires, vers le gouffre ou les cimes.
Le numérique n'est qu'un outil comme le silex en son temps. Les savants cherchent des solutions qui seront récupérées par l’armée. D’abord on fait du feu, ensuite on fait des flèches. Nous sommes terriblement décevants. Et pourtant…
Pourtant la Terre pourrait alimenter toute sa population, toutes espèces confondues. Nous pourrions partager l’eau, l’air, la terre et le feu à condition d’enrayer le gâchis. Chaque individu pourrait toucher l’équivalent d’un revenu de base permettant à chacun de s’épanouir dans son travail. Les élections se feraient par tirage au sort. Les inégalités entre riches et pauvres seraient considérablement limitées. Les communautés partageraient leurs richesses, culturelles, minières, agricoles, etc. Les anciens apprendraient aux jeunes et les jeunes aux anciens, un échange des connaissances serait aussi mis en partage entre communautés, entre les hommes et les femmes, tous vivant en bonne intelligence avec les autres espèces. Partage remplacerait de fait Liberté Égalité Fraternité au fronton des édifices publics. D’ailleurs tout serait public, puisque rien n’appartiendrait plus à personne. C’est à ce prix, qui n’a rien de symbolique, que nous serons à même d’envisager l’avenir, dans la paix et l’allégresse.

Capture-écran extraite de la couverture interactive du roman augmenté USA 1968 deux enfants (Les inéditeurs)