Après La naissance des pieuvres et Tomboy, Céline Sciamma réussit encore son troisième long métrage en filmant les jeunes filles noires des quartiers en proie au machisme. Si la réalisatrice choisit des sujets rarement montrés au cinéma elle n'en a pas moins une vision ouverte laissant les spectateurs libres d'imaginer leur propre interprétation, même si elles collent hélas toutes à la réalité du terrain. Quelles perspectives ont ces jeunes filles entre devenir femme de ménage, mère de famille obéissante, pute ou dealeuse ? La réponse à cette douloureuse question diffère selon l'humeur et l'expérience de chacun ou chacune.


Les actrices et acteurs de Bande de filles sont épatants, dirigés avec le tact qui sied à ce genre d'immersion dans une communauté fragile et parfois brutale. La complicité des quatre héroïnes rappelle la tendresse d'un Cassavetes, les portraits de tous les protagonistes proposant un éventail des possibles un peu plus ambigu que les poncifs en vigueur, même si les dialogues restent trop superficiels. Les silences sont aussi éloquents et productifs que dans les précédents films de Sciamma. La musique répétitive fortement inspirée de Steve Reich joue d'un habile crescendo, passant progressivement de la mono au 5.1. Les cartons noirs de plusieurs secondes qui ponctuent le montage sont à la fois des ellipses, des temps de réflexion, qui rappellent le découpage des séries télé articulant l'action en scènes parfaitement identifiables. Cette référence se remarque dès l'ouverture où deux équipes féminines de football américain s'affrontent, presque toutes des filles noires, sans que cette scène ait directement à voir avec le reste du film si ce n'est métaphoriquement. Et le film de se refermer sur une question comme si la suite appartenait à une nouvelle saison, celle de la maturité.
Sortie en salles le 22 octobre.