En filmant les Beatles pour A Hard Day's Night Richard Lester réalise un hommage au burlesque qui inaugurera toute une série de films incroyables. Il s'en donne à cœur joie avec ces quatre garçons dans le vent qui pastichent leurs propres rôles en se défoulant de la pression inimaginable que le succès leur impose. Lester multiplie les clins d'œil à Keaton, aux Marx Brothers, à Hellzapoppin et Peter Sellers avec qui il a déjà tourné. Sa docu-fiction possède la fraîcheur d'une fantaisie, entrecoupée de séquences musicales en play-back particulièrement exubérantes et entraînantes, les chansons lui conférant un statut de comédie musicale. La caméra danse dans un noir et blanc rock 'n roll que magnifie le montage rythmé à l'aube du Swinging London.
En plus d'une superbe restauration 4K et mixage 5.1, le DVD / BluRay que publie Carlotta offre 3 heures de suppléments passionnants : commentaires des Beatles eux-mêmes, making of, souvenirs de tournage, analyse du style, étonnante filmographie de Richard Lester, explications des références british qui nous échappent, séquence inédite de You Can't Do That, etc.


J'avais découvert A Hard Day's Night à sa sortie en 1964, dans une ville de province du sud de l'Angleterre, Salisbury. Dans la salle de cinéma bondée les filles hurlaient en s'arrachant les cheveux exactement comme dans le film, comme si les Beatles étaient là en chair et en os ! Fiction et documentaire s'interpénètrent jusqu'à déborder l'écran en envahissant l'orchestre et le balcon. Je n'ai jamais retrouvé une telle hystérie, sauf peut-être lorsque quelques années plus tard je fus en charge de George Harrison de passage à Paris après le concert auquel je participai avec lui chez Maxim's ! J'ai déjà raconté l'harmonium que l'on m'arracha des mains parce que je scandais Hare Krishna au lieu d'assurer sobrement le drône de rigueur, mais ce qui m'impressionna le plus vient des fans qui se couchèrent devant les quatre roues de la voiture pour empêcher le chauffeur de Harrison de démarrer. En Angleterre il y avait toujours deux longs métrages pour le prix d'un et ce n'est pas un hasard si le second film choisi en complément de programme était interprété par les délirants Three Stooges. L'humour anglais, absurde et corrosif, transformait John, Paul, George et Ringo en personnages de dessin animé. C'est ce qu'ils deviendront avec Yellow Submarine, mais avant cela, Lester avec Help continuera de filmer, en couleurs cette fois, les délires des quatre garçons de Liverpool. Mais pas seulement...
Car A Hard Day's Night donne furieusement envie de voir ou revoir les films de la première période, délirante voire psychédélique, de Richard Lester : Le knack ou comment l'avoir (The Knack... and How to Get It), Le Forum en folie (A Funny Thing Happened on the Way to the Forum), Comment j'ai gagné la guerre (How I Won the War), Petulia, The Bed Sitting Room, Les Trois Mousquetaires (The Three Musketeers).

Sortie au cinéma et en Blu-ray, DVD et VOD le 10 décembre 2014