Pratiquant à la ville comme à la scène "le discours de la méthode" depuis 1980, date de la création du spectacle Rideau !, j'ai toujours adoré les œuvres qui se réfèrent à leur support. Le compositeur Vincent Epplay me comble avec ses travaux de reconstruction sonores où il mixe, filtre, enveloppe, amplifie des disques pédagogiques ou scientifiques, de bruitages et d'illustrations musicales pour créer des œuvres électroacoustiques, créations radiophoniques qui s'écoutent affalé dans un bon fauteuil, la lumière tamisée, avec la boisson de votre choix. Après le 33 tours 30cm Sound Effects (Movie in your head Vol1) et le vinyle 25 cm Le disque contre l'insomnie (Hypnose), le label PPT Stembogem publie Audio Technic Catalog (Notices Methodes & Pédagogies), 33T 30cm augmenté d'un DVD où figurent quatre films .....


Six teasers annonçaient la sortie de l'élégant objet, troisième de la série Sound Library. Epplay s'approprie des disques de test et des manuels audio de règlage de votre chaîne hi-fi, mêlant textes et musique.


L'album est incopiable, car la pochette fait partie du concept, double volet mis en page dans le style des objets originaux. S'il est annoncé qu'il a été "réalisé à 99% avec des disques éducatifs et techniques", des glissements progressifs du plaisir viennent pervertir leur uniformité et leur environnement stérile.


Un ton froid et humoristique colore cette somme de conseils que le temps passé décale au point d'en faire une sorte de voyage dans le temps. Notre fauteuil devient celui d'un voyageur de l'espace. Des tubes nous poussent tandis que l'aiguille creuse son sillon sur la platine...


Les quatre films du DVD qui accompagne le vinyle évoquent le rapport espace-temps. Les courts métrages Rotation, Luxation, Station, Ondulation se réfèrent à la perspective spatiale comme remède universel, à la prévention des accidents du travail, à l'union de l'audiovisuel avec le cosmos et de la fidélité des oscilloscopes. Vincent Epplay effectue là un travail électroacoustique plus flagrant qu'en audio. Il recompose les bandes son comme il le fit avec Moby Dick de Huston, Nanook de Flaherty ou les films de Pierre Clémenti. Pour celles et ceux qui ne possèdent pas de tourne-disques les deux faces du vinyle sont également reproduites sur la petite galette argentée.


Je possède moi-même une collection de vinyles 45T et 33T, disques de démonstration comme ceux utilisés par Vincent Epplay, disques souples promotionnels, cartes postales avec gravure phonographique incorporée à l'image, évocations romanesques, etc. que j'utilisai en scène dès 1970, dont un mémorable concert avec le groupe Dagon à la Fac Dauphine où je trafiquais des publicités en temps réel. J'optai ensuite pour des radiophonies, montages cut joués au bouton de pause d'un cassettophone, sans retraitement ni collage ultérieurs, faisant apparaître l'environnement social sous les paysages sonores extrêmement courts. Ma dernière intervention dans ce domaine est la Mascarade Machine conçue et réalisée avec Antoine Schmitt, avec qui Epplay cosigna son premier enregistrement discographique, un disque infini. Mascarade est une application numérique me permettant par exemple de transformer le flux radiophonique en mélodie en contrôlant l'ordinateur sans le toucher, par des gestes de marionnettiste captée par la webcam intégrée. Mais ce qui compte avant tout est le propos que l'on entend divulguer au public... En 1998, Machiavel était un scratch interactif de 111 boucles vidéo réalisé avec Antoine Schmitt, objet comportemental réagissant au plaisir et à l'ennui, zapping symphonique de bruits et de musiques, mais surtout regard critique et sensible sur la planète...


Digne héritier des expériences de plusieurs générations, Vincent Epplay se retrouve à la croisée de la musique électroacoustique telle que pratiquée au GRM depuis les années 50, des dérivés technoïdes de sa jeunesse et des élucubrations humoristiques des bidouilleurs provocateurs qui savent se moquer de leurs lubies obsessionnelles. En s'étoffant son œuvre se précise, fractale sémiologique où la théorie devient l'enjeu d'une pratique.