Je suis tombé par hasard sur un disque qui m'avait échappé, duo de deux grands chanteurs bretons, Lors Jouin et Annie Ebrel, mais ce qui m'a titillé ce sont les ambiances qui tapissent le décor de certaines des pièces, quelques gouttes de pluie, une cantine (fest noz ?), des murmures... Resituer ainsi les histoires chantées nous transportent dans une réalité qui rappelle les illusions du cinématographe ou de la littérature. Il est surprenant que les responsables artistiques n'y aient pas plus souvent recours. Je prêche évidemment pour ma paroisse, ayant plus d'une fois intégré des bruits réels et des ambiances paysagères à des albums dont j'avais la direction.
Pour le disque Tost Ha Pell les deux joyeux drilles jouent à se disputer et se répondre, le plus souvent a capella. Je n'y comprends pas grand chose, car tout est en breton, mais le livret offre la traduction de ces duos typiques : un paysan et un marin, une mère et sa fille, un Cornouaillais et un Trégorois, voire le coq du clocher et l'horloge ! La dispute ou diskourioù est un genre vocal un peu oublié bien qu'il reflète les us et coutumes d'une société. (Coop Breizh)


Si vous n'êtes pas Breton ou n'avez jamais passé du temps dans le nez de l'Hexagone, bout de la Terre avant plongeon dans l'immensité de l'océan, vous serez surpris d'entendre cette langue vivante dans l'extrait vidéo ci-dessus. Un jour que Lors Jouin m'avait emmené chez les frères Morvan et que je trempais comme eux un petit beurre dans le vin rouge, l'un des vieux chanteurs s'excusa de ne pas parler français devant qui n'en travais que pouic. Comme je lui répondais que cela ne me gênait pas du tout et que je les écoutais comme si c'était de la musique, il s'esclaffa : "À quoi cela servirait que je parle français avec mes vaches ?!".


J'ai toujours été un grand fan de Lors Jouin, qu'il chante de tristes gwerzioù ou de gaies chansons à répondre. Comédien hilarant dans le registre de Jacques Villeret, il interprète Le Barde avec un mordant qui en troubla plus d'un dans son pays. Je l'avais filmé chantant l'inénarrable Général De Gaulle, une chanson qui remonte à la Seconde Guerre Mondiale. Dans le second extrait vidéo il est avec l'exquise Annie Ebrel, accompagnés par d'extraordinaires musiciens, le violoniste Jacky Molard, Ronan Pellen au bouzouki et la contrebassiste Hélène Labarrière de plus en plus "trad" depuis qu'elle vit en Bretagne !