70 mars 2015 - Jean-Jacques Birgé

Jean-Jacques Birgé

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mardi 31 mars 2015

Du pipeau


©@ y est. Je c®@que. Je ©ède @ l@ mode féline su® www. Le ©ompteu® v@ ®este® bloqué dans le ®ouge. Soni@ me "®@t ©onte" que le jeu de ©@®tes Exploding Kittens est le p®ojet Ki©kst@®te® qui @ b@ttu tous les ®e©ords : plus de 219 000 ©ont®ibuteu®s, il espé®@it 10 000 doll@®s et en @ obtenu plus de 8,7 millions. Pou® un jeu de ©@®tes !
Nous nous ©ontentons de quelques ©@lins @vec les ©h@ts des ©op@ins pour @tténue® l@ pe®te de S©otch. ©e week-end nous g@®dions Pipe@u. J'igno®e ©omment s'é©®it son nom de ©h@t, m@is ©'est ©omme ©el@ qu'on en joue. En tout c@s lui f@is@it le ©h@®meu® de se®pents en s'@pp®o©h@nt de l@ més@nge n@®©issique qui p@sse des heu®es @ d@nse® dev@nt le mi®oi® posé @u fond du j@®din. Lorsqu'il se lè©he les b@bines je ne s@is p@s s'il @ ®éussi son ©oup pend@ble ou s'il ®êve de l'@veni®. D@ns quelque temps nous @dopte®ons deux ©h@tons pou® qu'ils puissent p@®le® ©h@t ent®e eux. Je me déb®ouille p@s m@l, m@is j'@i un @©©ent épouv@nt@ble...

lundi 30 mars 2015

Lothar and The Hand People


De temps en temps, au gré d'un nom lu ou entendu, la mémoire revient avec son lot d'émotions oubliées. En saisir un petit bout suffit pour dérouler le fil de toute une époque. Un morceau de musique, particulièrement, peut faire remonter les rêves de sa jeunesse, le sens d'une démarche, un engrenage de notre inconscient horloger. J'ai souvent cherché à comprendre comment j'en étais arrivé là, un chemin de traverse me menant très vite aux bases de mon engagement et de l'une de mes passions. Parmi les premiers émois électroniques je me souvenais de la musique tachiste de Michel Magne, des Silver Apples rapportés des USA en 1968, de Luc Ferrari entendu sur France Inter, de White Noise acheté sur sa pochette, de l'époustouflant Walter (Wendy) Carlos, du disque électronique de George Harrison, du Poème électronique de Varèse, mais j'avais oublié Lothar and The Hand People.


Leur second album, Space Hymn, commençait par Today is Yesterday's Tomorrow. Nous appelions cela de la musique spatiale, naviguant entre science-fiction et expériences sensorielles avec ou sans expédients divers. Lothar and the Hand People était le premier groupe de rock à jouer sur scène avec Theremin et synthétiseur Moog.
Réunis en 1965 à Denver, les Hand People sont contemporains des Beach Boys qui utilisèrent à la même époque une sorte de Theremin appelée Tannerin sur I Just Wasn't Made for These Times, Good Vibrations et Wild Honey. Lothar était le nom que les Hand People donnaient à leur Theremin !
Le groupe émigra à New York en 1966, enregistra seulement deux albums, Presenting... Lothar and the Hand People en 1968 et Space Hymn en 1969, et se dissoudra l'année suivante. Les voix rappellent un peu les Beatles, mais leur rock est à la fois psychédélique, folk et totalement azimuté. Lors de quelques séances mémorables, c'est ici que la mémoire refait surface, nous jouions le jeu de Space Hymn, allongés sur de profonds coussins sous la lumière noire. Far out ! Je me servis probablement de cette expérience pour pratiquer l'hypnose sur mes petits camarades de lycée, mais fatigué par l'exercice je ne continuai pas... Du moins l'hypnose. J'abandonnerai aussi les expériences lysergiques, et le dérèglement de tous les sens beaucoup plus tard, toujours pour les mêmes raisons : mon travail exige une fraîcheur que les lendemains matins brumeux empâtent. Progressivement la musique et les mots devinrent une drogue plus efficace que la chimie, fut-elle soigneusement naturelle !

vendredi 27 mars 2015

Berlingot, un disque de papier d'Étienne Brunet


Le dernier disque d'Étienne Brunet est un livre de 130 pages au format A5. Comme chacun de ses précédents albums, Berlingot est porté par un concept fort, ici une écriture rythmée à la manière des poètes de la Beat Generation sur des sujets contemporains. Ça tourne autour de la musique, le style et l'idée, tribulations d'un musicien imaginatif qui se heurte au réel comme une mouche contre la vitre, un cri romantique dans la jungle Internet. Sa course après une mère morte lorsqu'il avait six ans est une ronde où les permutations mènent sans cesse à la chute. Les chapitres sont de courtes pièces, parfois déjà publiées dans différents magazines, mais qui font sens, s'emboîtent et se succèdent comme les mouvements d'un petit opéra. L'impudeur de l'auteur mêle le sang et les larmes, le sperme et la voix, dans une danse parano que la confrontation à notre société du spectacle analyse et valide. Passés au crible du free jazz, les textes rendent hommage à Brion Gysin et à la ville de Berlin, la musique à Wagner, Satie et Cage, le saxophone à Ayler et Coltrane. Des partitions récentes bouclent l'ouvrage qui ravira les amateurs de musiques alternatives. Étienne Brunet est un compositeur trop atypique pour être adoubé par ses pairs. Les électrons libres dérangent la confortable classification des genres. Il a publié son livre à compte d'auteur, ce qui est devenu le lot de la plupart des créateurs inventifs de notre siècle.

Berlingot, Longue Traîne Roll, 8,50 + 3 euros de port

jeudi 26 mars 2015

Le côté obscur de la Toile


Internet a généré de nouvelles pratiques, des tics et des tocs dont les usagers ne sont pas toujours conscients. Les anciens détracteurs du zapping télévisuel se retrouvent à surfer des heures ou à passer leurs journées sur FaceBook sans se rendre compte qu'ils ont reproduit ce qu'ils abhorraient. Malgré la mutation des réseaux et l'apparition de nouveaux termes ces usages dérivant des mêmes causes interrogent le labyrinthe névrotique où nous évoluons. Combien d'entre nous sont-ils capables de passer à proximité de leur écran sans checker leurs mails pour la énième fois de la journée ? Idem sur FaceBook, application épouvantablement mal conçue et devenue pourtant incontournable pour une grande partie du milliard et demi d'utilisateurs actifs.
Si les informations affichées sont filtrées et hiérarchisées par FaceBook sans que l'on en comprenne le sens ou que l'on puisse intervenir soi-même dessus, on remarquera qu'elles sont toutes délivrées sur le même plan, paradoxalement comme si elles avaient a priori toutes le même intérêt. C'est pourtant totalement faux, FaceBook se livre aux joies du ranking tout comme Google lorsqu'on lance une recherche. Et si l'on tente de s'y plonger, cet aplatissement de l'information ne semble faire aucun tri d'importance. L'annonce d'une actualité déterminante ne devenant majeure que par la multiplicité des partages, certaines passent à l'as exactement comme avec les médias traditionnels, journaux, radio, télévision. La quantification des "Like" est également très surprenante : sur l'annonce de mon blog où je ne montre que le titre, la première photo et le lien vers l'article complet je constate 70 "Like" et une vingtaine de commentaires sur notre nouvelle cuisine de bobo (merci !) contre à peine une poignée pour mes articles politiques ou culturels (benzalors). Les vidéos de chats remportent un succès déconcertant. La honte m'assaille parfois devant l'absence de poids et mesures. J'imagine que des ethnologues se penchent sur l'impact que ces nouvelles pratiques ont sur notre inconscient et donc sur nos relations quotidiennes.
Il n'est pas plus possible de croire en la véracité des informations sur aucun médium, qu'elles soient institutionnelles ou contradictoires sans mener une enquête approfondie et se demander à qui profite le crime. Quels intérêts financiers ou politiques sont en jeu ? Mais au delà de la foi notre métabolisme est soumis à rude épreuve car notre temps ne se gère plus pareil, découpé en tranches par la navigation sur la Toile chronophage. Le temps certes, mais aussi l'espace, car nous ne sommes presque plus jamais seuls, livrés à nous-mêmes, depuis que nous emportons avec nous un objet nomade, fil à la patte qui nous rend accessibles et dépendants partout et tout le temps.

mercredi 25 mars 2015

Le White Desert Orchestra de Ève Risser


En réunissant le White Desert Orchestra la pianiste-flûtiste Ève Risser réalise l'un de ses rêves, d'autant qu'elle l'a prolongé au delà du réveil. Une quarantaine de très jeunes enfants et une quarantaine de seniors sont venus lui prêter voix fortes pour évoquer la matière que fabrique la nature. Des grands espaces américains à la structure d'une simple pierre, elle a composé des pièces sensibles où la métamorphose joue avec le temps. Le projet pédagogique mené parallèlement à la direction de son tentet lui permet d'assumer plus facilement son rôle de chef dans une entreprise où ce sont d'abord des camarades qui jouent le jeu pour elle. Tous et toutes font partie de ces jeunes affranchis qui font fi des frontières et des genres pour se consacrer à la musique, medium universel par excellence.


Si son Désert Blanc est beaucoup trop chaud pour être celui de l'Antarctique, il pourrait s'agir des White Sands de gypse du Nouveau Mexique, lumière aveuglante des dunes se confondant avec le ciel, sans limites, vertigineuse. Regardez avec les yeux d'une femme et vous entendrez peut-être les timbres magiques qui éclosent de l'orchestre. Sylvaine Hélary (flûte), Sophie Bernado (basson), Antonin-Tri Hoang (sax alto, clarinette, clarinette basse), Benjamin Dousteyssier (sax ténor et baryton), Eivind Lønning (trompette), Fidel Fourneyron (trombone), Julien Desprez (guitare électrique), Ève Risser (piano), Fanny Lasfargues (basse électro-acoustique), Sylvain Darrifourcq (batterie, percussion), Céline Grangey (mise en son) sont les artisans de la transmutation. Pour cette 32ème édition du Festival Banlieues Bleues à La Courneuve, le chœur d'adultes du Conservatoire à Rayonnement Régional d’Aubervilliers-La Courneuve était dirigé par Catherine Simonpietri et les enfants de l’école élémentaire Charlie Chaplin de La Courneuve par Azraël Tomé. Hors les chœurs les mouvements lents rappellent parfois les à-plats mouvants et cuivrés de Carla Bley tandis que les passages rythmiques ont quelque chose de zappien dans l'humour et l'entrain. Mais la pâte est de sa patte.


Il y a sept ans pour son Prix au CNSM Ève Risser avait déjà disséminé des comparses parmi le public. Hier soir le premier invité à sortir de l'ombre fut un gamin s'emparant du Theremin suivi d'une petite fille prenant la place d'Ève au piano. Les autres suivirent, dirigés tour à tour par l'une ou l'un d'entre eux. Quant au chœur d'adultes il était divisé en deux, en haut des gradins derrière le public qui encerclait le spectacle. Il n'aurait plus manqué que la salle se mette à chanter comme l'y incite dans ses œuvres Bobby McFerrin, car c'est le genre de pari qui doit titiller Ève Risser depuis belles lurettes ! Le White Desert Orchestra est bien la continuité d'une démarche généreuse.

mardi 24 mars 2015

Nouvelle cuisine


On voit le bout. Il reste quelques retouches et pas mal de rangement, mais c'est terminé. Sacha a fait une photo de la cuisine pour montrer à sa femme. J'étais dans le chant, la bouche ouverte, glissant chaussettes en clef de sol comme si c'était la mer qu'on voit danser. Couleurs chaudes éclairées plein sud. Au fur et à mesure nous prenons de la distance. Je m'efface devant l'espace retrouvé...


La nouvelle cuisine est affaire d'invention, de rencontres inattendues, mais il nous restait encore à rentrer les meubles, accrocher les tableaux, découvrir de nouveaux gestes parce que rien n'est à sa place d'avant. Il faudra du temps pour s'approcher d'après. Maintenant est composé de va-et-vient, d'escalier monté et descendu, remonté, redescendu, de charges lourdes, fragiles ou encombrantes, de poussière aspirée et des mains cent fois relavées. La peau s'est crevassée au coin des ongles et je me suis collé les doigts avec la super-glu faute d'avoir enfilé mes lunettes. Ma sensibilité aux touches noires et blanches est un souvenir. Après, nous nous assiérons sur les chaises du Bon Coin autour du guéridon de bistro en métal brossé trouvé chez Bravo et nous goûterons enfin la nouvelle cuisine. J'ai bourré les tiroirs d'épices rapportées de tous les coins du monde en prévision du moment où j'aurai retrouvé mes sens. Après, je ferai courir mes dix doigts sur le clavier et je me remettrai à penser.

lundi 23 mars 2015

De toutes les couleurs à l'Atelier Patrix


À l'occasion des Portes Ouvertes des ateliers du 6e arrondissement était organisée rue de Vaugirard une petite exposition rétrospective de Georges Patrix, pour fêter les 60 ans de l'Atelier que le peintre avait fondé il y a tout juste 60 ans, aux heures chaudes de Montparnasse. Sur l'un de ses tableaux, dont on aperçoit un bout et qui fut longtemps accroché au Club Saint-Germain, on reconnaît Juliette Greco, Jean-Paul Sartre, Jacques Prévert, Boris Vian, le patron du Flore, Jean Genet et Django Reinhardt ! Ce tableau est un canular signé sous l’allonyme d’Émile Binet, son concierge sourd-muet, d'autant que la plupart de ses œuvres sont abstraites...
Le conteur Abbi Patrix, son fils et frère du graphiste Erik Patrix, joua le maître de cérémonie, entouré de la vibraphoniste Linda Edsjö et de la peintre Valérie Prazeres qui œuvra en temps réel sur une toile tendue derrière eux pendant la performance. Elsa était venue prêter voix forte en l'absence de Michèle Buirette qui avait marché la veille sur un râteau laissé à l'abandon sur un trottoir de Belleville, la faisant reculer sur une peau de banane qui la fit glisser in extremis dans une bouche d'égoût ouverte à tous vents. Cela fait toujours rire, mais la chute fait hélas très mal. De quoi en voir de toutes les couleurs, sujet pourtant de la performance parnassienne. Si nous fumes donc privés d'accordéon, nous y gagnâmes une version inédite de la chanson rouge Gorizia pour voix et vibra, et la primeur en concert de En visa om karlek, tandis qu'Abbi nous faisait voyager du Mont Parnasse au Tibet, en surfant sur l'arc-en-ciel où Valérie trempait ses pinceaux avant de les tendre aux spectateurs ravis de participer à cette débauche colorée...

vendredi 20 mars 2015

Le bureau des pleurs


Les travaux à la maison équivalent à un décervelage complet. Pas moyen de réfléchir à quoi que ce soit d'autre. Mon blog est devenu un compte-rendu de chantier où les avancées entament ma santé chaque jour un peu plus. Une douloureuse sciatique a pris le relais d'une cruralgie handicapante. Le kiné dit qu'elle va passer rapidement, mais je ne sens rien, rien d'autre qu'une rage de dents localisée dans la cuisse. Je dormais peu, mais là mes nuits ressemblent à une histoire de zombies. Je fais des rêves abracadabrants qui mêlent quantité de personnages de ma vie à différentes époques sans que cela ressemble à un véritable cauchemar. Simplement le chaos. Je m'accroche aux rangements, espérant rééquilibrer la confusion. La poussière m'a toujours fait cet effet, allergie à la clef. J'en ai profité pour construire de nouvelles étagères pour les disques alors que je m'étais juré de n'en rien faire, ayant décidé qu'un disque ou un livre devait sortir lorsqu'un nouveau faisait son apparition. C'était sans compter les fantômes que le remue-ménage fait apparaître ou disparaître. Il n'empêche qu'il faut absolument que je donne des livres que je pense ne plus jamais relire et des disques qui me barbent. J'ai conservé trop de choses pensant qu'un jour, etc., mais les années s'accumulant il devient évident que je n'aurai plus le temps d'y revenir. Le tri est un exercice impensable, mais je dois m'y résoudre. De toute manière il va être temps pour de nouvelles résolutions, comme après chaque nouvelle œuvre d'importance. Après un mois le nez dans le guidon je me demande ce qui nous attend. Certains potes prétendent que j'ai toujours quelque chose lorsqu'on me demande comment ça va. Ma blague juive préférée : une mère demande à son fils au téléphone comment il va, le fiston répond que ça va bien ; alors la mère : "ah, tu n'es pas tout seul, je te rappelle plus tard..."

jeudi 19 mars 2015

Des vestes


Depuis un mois les travaux nous ont refoulés à la cave ou dans les étages. Cette fois la peinture du sol nous chasse carrément puisqu'elle s'étend de haut en bas dans l'escalier en s'étalant sur toute la surface du rez-de-chaussée. Nous avons tout de même accès au studio en traversant le garage et le jardin, voie bis recommandée en cas d'encombrement. J'ai accroché quelques vestes de scène devant les dossiers qui ont migré vers mon espace de travail et qui risquent d'y rester quand nous aurons repris possession de la maison. De gauche à droite deux créations de Raymond Sarti, la première pour Crasse-Tignasse, la seconde pour une soirée romaine. Suivent un puzzle de matière plastique années 80 acheté dans une friperie de New York et une sorte de bibendum rouge satiné importable sauf en plein air par -15°C. Lorsque j'ouvre les placards les couleurs vives m'éclaboussent, Issey Miyake pour plus de la moitié, pour le reste braderies de jeunes créateurs, vêtements de travail, souvenirs exotiques... Mais ces jours-ci la mode bagnoletaise est au jean blanchi aux genoux, aux codes troués du gilet et aux Crocs poudreuses avec ou sans moumoute.

mercredi 18 mars 2015

Les souris dansent


Scotch est parti. Grande tristesse. Son cancer du nez s'était propagé. Responsabilité : croquettes or not croquettes ? Que de questions laissées en suspens. Le croquemort connait-il vraiment la nature des produits fourgués par les lobbys alimentaires ? On ne sait plus à quel saint se vouer. Veto and not véto ? Donner à manger la même nourriture qu'à leurs serviteurs humains est-il préférable que ce que les vétérinaires conseillent comme repas équilibrés ? Scotch avait treize ans et demi. Sa truffe a poussé comme s'il nous avait menti sur sa santé, continuant sa vie de chat collant, sans rien dire. Pas un mot, à peine un miaulement. C'était le plus gentil des chats, jamais une bêtise, une crème ! Il jouait encore comme un chaton, mais ne pouvait plus respirer. La maison a perdu son âme, mon violon ne sonne plus. La mort des proches nous renvoie à notre éphémérité. On raconte aussi que les chats ont sept vies, mais peut-être est-ce nous qui avons sept chats dans notre vie ?

mardi 17 mars 2015

J'ai tué l'amour


Si J’ai tué l’amour est le titre du projet franco-suédois sur les amours biscornues de Linda Edsjö (voix, vibraphone, percussions) et Elsa Birgé (voix, percussions), n'allez pas croire que c'est celui de la musique ! Les deux filles ont mis en ligne cinq chansons bouleversantes sur la page SoundCloud de Linda, cinq chansons tragiques que leur interprétation habitée transforme en saynètes à vous briser le cœur ou à vous faire rire. L'accompagnement instrumental minimal est un écrin où brillent les voix précieuses des deux musiciennes...

La belle qui fait la morte, chanson féministe avant la lettre puisqu'elle date du XVIIe siècle !



Sur J'ai tué l'amour le jazzo-flûte et le clavier de cloches viennent soutenir le vibraphone sur cette chanson méconnue de Barbara, musique de Jean Poissonnier...



En visa om karlek, chanson traditionnelle suédoise d'un autre amour désabusé...



Mon homme, version très personnelle du tube d'Albert Willemetz et Jacques-Charles sur une musique de Maurice Yvain, rendue célèbre par Mistinguett et Édith Piaf...



Le marchand de velours est tout de même plus gai et carrément grivois, avec un superbe arrangement a capella de ce traditionnel breton...


Par ces chansons aux accents graves rappelant la situation aiguë des femmes dans l'Histoire, Elsa et Linda évoquent l'émancipation indispensable dont les femmes ont dû faire preuve pour s'affranchir de la domination masculine et du carcan social qui les ont souvent rendues complices en acceptant leur soumission. L'interprétation critique et les associations qu'elle suscite retournent comme un gant le sens des paroles initiales quel que soit leur lieu d'origine ou l'époque. On attend avec impatience le spectacle et l'album complet !

lundi 16 mars 2015

Bientôt la quille !


Nous entamons notre quatrième semaine. J'ignore si cela tient du pari stupide ou d'un sport de l'extrême, mais nous sommes sur les genoux. Je combats la fatigue en redoublant d'effort. Ne jamais faire un pas les mains vides. Je vis gainé. Effectuer des travaux dans une maison pendant qu'on y habite est une épreuve que j'avais jusqu'ici évitée. Déménager avait été chaque fois préférable ! En l'état il ne devrait plus y avoir de nouvelle poussière, mais l'ancienne refait surface dès que l'on déplace le moindre objet. J'ai rangé la bibliothèque et nous avons rempli les placards de la nouvelle cuisine. Il faut encore changer les brûleurs pour du gaz Butane, faire les joints de l'évier et de la plaque cinq feux, couper quelques planches et poncer le plan de travail. Après quantité de petites retouches, seconde couche et finitions qui n'en finiront probablement pas, il restera à ragréer et peindre le sol avec de la résine conçue pour les parkings. On couchera dehors. Je fais semblant de savoir où nous allons, mais chaque jour réserve ses surprises. Ma To-Do List est en perpétuelle mutation, c'est son propos, mais je suis trop fatigué pour m'en apercevoir. Je m'endors sur le clavier, incapable de faire autre chose que de m'occuper du chantier.
Ce soir nous irons fêter le septième anniversaire de Mediapart, histoire de rompre le rythme infernal et hypnotique qui nous aspire... Samedi, nous sommes allés au Triton voir Ma grande histoire du rock'n'roll de Evelyne Pieiller avec les comédiens Jacques Pieiller, Jean-Marc Hérouin et le groupe Rise People, Rise! composé de Lucas de Geyter qui chante en jouant de la batterie, Frédéric Talbot à la basse, Johan Toulgoat à la guitare. C'est aussi une histoire de famille, un passage de témoin, le refus de rendre les armes. Très beau texte tranchant comme un coupe-papier, démarquage musical électrisant qui sait jouer discrètement des références en mettant la gomme, inextinguible allumage des comédiens refusant de jeter l'ancre, une rage de jouer communicative...
De temps en temps des amis nous invitent à manger pour nous éviter le catering au fond du garage ou le pique-nique sur le divan du salon. Mais à cette heure-ci je rêve d'un brancard qui me porte jusqu'à mon lit.

vendredi 13 mars 2015

Idir et Johnny Clegg a capella


Plus de vingt ans après sa réalisation je me suis décidé à mettre en ligne le film que j'avais réalisé dans le cadre de la série Vis à Vis. J'ai raconté ici la genèse de Idir et Johnny Clegg a capella. En 1993 ce film marquait mon retour à la réalisation, vingt ans après La nuit du phoque, publié en DVD avec le disque Défense de d'abord chez Mio puis réédité chez Wah-Wah. Œuvre de commande, Idir et Johnny Clegg a capella n'en est pas moins un jalon dont je suis fier. J'y reconnais mes préoccupations tant sur la question de la création musicale que mon point de vue sur le documentaire en général.


On pourra être surpris par le choix des musiciens, mais mes goûts sont éclectiques et les questions posées dépassent les classifications qu'impose le marché. Au delà des genres je me suis toujours intéressé au processus de la création, en commençant par ses origines généalogiques et psychanalytiques...
Il y a quelque temps j'avais monté les rushes mettant en scène Johnny Clegg fabriquant un arc musical depuis la coupe des bambous au fond de son jardin jusqu'à la musique...

jeudi 12 mars 2015

Reprise de couleurs


Le ponçage terminé, nous conservons la poussière récente sans en rajouter. La maison reprend des couleurs, mais nous ne sommes pas sortis du trou. Nous en sommes à l'étape peinture et montage de meubles. Autant dire que nous en avons encore pour un bout de temps. Pour la cuisine les conseillers d'Ikéa ne nous ont pas facilité le travail. Le premier, désagréable et omnubilé par la symétrie et les nuances de gris, nous a raconté n'importe quoi. Le lendemain, le second, plus aimable, nous a vendu des éléments indisponibles. Il a fallu courir dans une autre succursale, se faire rembourser de ce qui ne convenait pas, etc. Le troisième, très affable, a complété par ce qui semblait manquer, mais, partis sur de fausses bases, nous nous sommes retrouvés avec des tas de trucs inutiles qu'il faut maintenant rapporter et d'autres qui évidemment manquent pour terminer la cuisine. Nous en sommes à la cinquième visite, ce qui, paraît-il, est un exploit !
L'incompétence est forcément liée aux conditions de travail. Elle gagne progressivement tous les secteurs de notre société. Manque de formation, exploitation salariale, flicage sur la rentabilité, etc. Jeu de cubes pyramidal, la direction impose ses tares à tous les niveaux de l'entreprise. L'enseigne suédoise n'échappe pas à cette règle imbécile, malgré les astuces de ses ingénieurs en matière de conception et de réalisation. Les concurrents ne valent guère mieux, plus chers pour une qualité moindre ou égale, et l'artisanat en la matière est devenu inabordable financièrement.
La bonne nouvelle, c'est que chaque jour nous approchons du but.

mercredi 11 mars 2015

Intimidation


Ce n'est pas la première fois qu'une tentative d'intimidation nous est envoyée par un tiers prétendant avoir des droits sur une vidéo ou une musique diffusée par nos soins sur YouTube.
L'année dernière quatre différentes sociétés prétendaient que nous avions mis en ligne des musiques leur appartenant (la même d'après les quatre pour l'un des films, ce qui est d'autant plus cocasse !) pour accompagner plusieurs des 23 films de la collection Révélations, une odyssée numérique dans la peinture. Or d'une part j'en étais le compositeur avec dépôt en bonne et due forme à la Sacem et d'autre part il s'agissait, pour plusieurs réclamations, d'un enregistrement de petits oiseaux que j'avais réalisé moi-même ! Notre contestation suffit à faire taire les vautours probablement spécialisés dans ce type d'arnaque.
Avec la sonorisation du film L'homme à la caméra de Dziga Vertov par Un Drame Musical Instantané créé en public en 1983 la contestation fut cette fois refusée par les prétendus ayants-droits, bloquant mon compte YouTube en plus de l'effacement du fichier jugé hors-la-loi. C'est relativement grave, d'autant qu'au troisième avertissement le compte peut être totalement éradiqué. Il était étrange qu'une dizaine d'autres sonorisations intégrales du film, toutes postérieures à la nôtre, ne subissaient pas cet abus de pouvoir, ni la diffamation et le préjudice dont nous nous retrouvions victimes.
N'ayant aucun contact avec la société indépendante prétendument spécialisée dans la chasse aux pirates, j'avais répondu par un formulaire à YouTube que l'on ne peut joindre autrement : "La copie qui nous a été fournie par La Cinémathèque Française en 1982 ne peut certainement pas appartenir à Mental Overdrive (ce nom apparaissait en lien du premier mail envoyé par YouTube, avant trois suffixes intrigants dont -sport !) qui est un compositeur norvégien né en 1966 (il avait alors 16 ans). Nous comprenons qu'il souhaite s'arroger l'exclusivité de la partition, mais nous sommes très nombreux à avoir mis en musique ce film muet. Un Drame Musical Instantané furent les premiers avant Biosphere, The Cinematic Orchestra, Gilles Tynaire, Yann Le Long, Pierre Henry (depuis, j'ai trouvé également celles de l'Alloy Orchestra, de Michael Nyman, Daniele Pozzovio, White Night Riga, El Sagrado Familión, Document 02, du Corvini Bros Estemporaneo Band, etc. et constaté que le site Archive.org le considère comme appartenant au domaine public). Voyez d'ailleurs Wikipédia… En outre notre partition a fait l'objet d'un LP en 1983 diffusé dans le monde entier…"
Comme nous étions surpris de la réclamation je cherchai à joindre, hélas sans succès, des spécialistes de Vertov comme Bernard Eisenschitz, mais entre temps je reçus un nouveau mail : "Bonne nouvelle ! Votre contestation n'a pas été examinée dans un délai de 30 jours, ce qui signifie que DeepMiningCorpAssoc a retiré la réclamation pour atteinte aux droits d'auteur concernant votre vidéo YouTube." J'avoue n'y rien comprendre, mais je suis soulagé que mon compte soit rétabli, même si à l'heure actuelle notre version que nombreux critiques considèrent comme la plus inventive, donc la plus cohérente avec le film réalisé par l'inventeur du Laboratoire de l'Ouïe, ne soit toujours pas revenue en ligne. J'ai également remarqué que je ne suis pas le seul scandalisé par cette société sur laquelle plane plus d'un soupçon sur sa démarche consistant à clamer des droits qui ne lui appartiennent nullement. YouTube ferait mieux de s'intéresser à tous ces vampires du Net qui tentent le coup tant que l'on ne se rebelle pas. Cela me fait penser aux spécialistes du dépôt de noms de domaines qui trustent le dictionnaire pour revendre ensuite très cher leur investissement honteux, sorte de marché noir du virtuel.


Post-scriptum avec nos remerciements à la concurrence ;-)

mardi 10 mars 2015

Françoise


Voilà plus de treize ans que nous vivons ensemble pour mon plus grand bonheur. Notre rencontre représente ma quatrième naissance après ma venue au monde, mai 68 et le siège de Sarajevo. Je n'avais jamais vécu telle complicité, confiance réciproque qui nous fait grandir à en toucher le plafond. Nos araignées qui y ont pris leurs quartiers chantent et dansent jour et nuit. Nous avons appris à trier nos petits grains de l'ivraie, et cela ne se fait jamais sans mal. Tu es à l'image de tes films, pleine de fantaisie et d'invention. Tu es aussi à l'image du travail qu'ils te donnent pour correspondre à tes désirs, remettant sans cesse l'ouvrage sur le métier, repoussant l'échéance tant que tu n'es pas satisfaite. J'admire ton infatigable engagement politique qui se manifeste au quotidien, compassion pour les personnages de tes documentaires et de tes fictions, soutien des plus fragiles et utopies insatiables pour lesquelles tu te bats comme une diablesse. J'adore ton petit minois rieur et la douceur de ta peau. Joyeux anniversaire, mon amour !

Photo de Françoise Romand par Steve Ujlaki, Los Angeles, 2014

En travaux


Le journal extime est un exercice périlleux et difficile.

lundi 9 mars 2015

Monomaniaque


Je le savais. J'avais annoncé la couleur. Les travaux à la maison m'empêchent de travailler. Il m'est impossible de penser à quoi que ce soit d'autre. Nous vivons depuis quinze jours dans la poussière, repliés dans les étages pour nous reposer (bien que je sois levé dès 6 heures) et dans le garage qui sert de catring où nous n'avons nulle part où nous asseoir. Nous y avons installé le micro-ondes, la bouilloire électrique et le grill-pain. Lorsque nous ne prenons pas des mesures avec le mètre nous courons les magasins pour acheter du carrelage, des luminaires et, le plus douloureux financièrement, les meubles de cuisine. L'addition est évidemment beaucoup plus salée que prévue, mais ce sera beau et probablement plus pratique.
Il a fallu des jours pour trouver une solution qui nous satisfasse tous les deux pour dessiner le plan de la cuisine. Elle sera donc en U, agrandissant l'espace du salon, sur toute la hauteur sur un seul des trois murs. Même chose avec les couleurs qui ne seront pas très différentes des choix d'il y a quinze ans. La cuisine reste dans les tons chauds du jaune à l'orange avec une remontée saignante du rouge, les toilettes seront encore plus vertes qu'avant puisqu'à l'extérieur autant qu'à l'intérieur, mais nous conservons quasiment les mêmes nuances comme pour le sol bleu canard et les marches de l'escalier bleu ciel avec la rampe et les plinthes noires. Le volume nous impose la direction scénaristique. On marche sur l'eau et s'envole vers les nuages, nous chions dans l'herbe et mangeons au soleil ! Même si je devrais conjuguer tous ces verbes au futur, car il nous reste bien encore quinze jours avant de regagner nos pénates.

vendredi 6 mars 2015

Carnage, Un d.m.i. 2014


Après Trop d'adrénaline nuit, Rideau !, À travail égal salaire égal, nous avons improvisé des évocations d'autres albums d'Un Drame Musical Instantané. Hélène Sage a chanté L'invitation au voyage (Baudelaire-Duparc, 1857) que Bernard interprétait sur Les bons contes font les bons amis, Le roi de Thulé (Barbier-Gounod, 1859) et Carton (Birgé-Vitet, 1997). La violoncelliste Hélène Bass a ouvert L'homme à la caméra et avec Francis Gorgé et Hélène Sage aux freins (contrebasses à tension variable) ils ont formé un trio à cordes en référence à l'album Qui vive ? dont je diffusai une radiophonie. Au tour du percussionniste Francisco Cossavella d'attaquer Urgent Meeting. Sans oublier Carnage où l'on retrouve le saxophoniste Antonin-Tri Hoang, toujours à propos, qu'il mélodise, rythme ou sorte des sons inouïs de ses instruments :


Nous avons terminé par Opération Blow Up en rappel, onzième vidéo de ce concert unique au Théâtre Berthelot à Montreuil le 12 décembre 2014. Les liens dirigent vers chacune des captations vidéo dont les caméras étaient tenues par Alain Longuet, Françoise Romand et Armagan Uslu.

Photo N&B : Christian Taillemite (Citizen Jazz)

jeudi 5 mars 2015

Tiens-toi droite


Sorti en novembre, le film de Katia Lewkowicz avec Marina Foïs, Noémie Lvovsky, Laura Smet aurait dû faire bondir la critique. La plupart des journalistes sont passés à côté de cette comédie dramatique originale qui dessine un portrait des femmes oppressées par notre société, des poupées qui se révolteront à force de répéter des lieux communs. Tiens-toi droite est un film godardien qui ne doit rien à Jean-Luc Godard parce qu'il invente ses propres références en les sortant, comme lui, d'un réel qui n'a rien d'imaginaire. L'éclatement du récit sous l'apparence d'un film choral chaotique déstabilise de prime abord pour mieux exposer les tirs tendus que le quotidien assène façon puzzle, détruisant systématiquement les velléités des femmes à s'épanouir sans obéir aux lois patriarcales. Le travail de montage exceptionnel recompose les pièces que la fantaisie de la réalisatrice explose en un feu d'artifices où les décalages entre le son et l'image ne sont jamais conventionnels. Le moindre détail fait sens et leur profusion accouche d'une dialectique où l'humour rivalise avec l'absurde. Dans cette usine à poupées la cruauté et la provocation sont franches et gonflées. Ni l'affiche ni les bandes-annonces ne réfléchissent hélas ce film remarquable qui ne ressemble à aucun autre.

→ DVD Wild Bunch Distribution, sortie le 1er avril

mercredi 4 mars 2015

"C'est Beyrouth !?"


Les analogies fleurissent sur les gravats de la cuisine. La comparer à Beyrouth est exagéré, d'abord parce que c'est censé durer seulement quelques jours, ensuite c'est ignorer les éclats d'obus qui vérolaient les façades comme un gruyère rassis. De plus, il pleuvait lorsque je suis arrivé dans la capitale libanaise et la boue qui colle aux semelles est très différente de la poussière sèche du ponçage. Depuis quinze ans j'avais réussi à repousser les tranchées et les coups de masse. C'était sans compter l'opiniâtreté de Françoise qui me travaille au corps depuis une décennie pour que nous aménagions différemment la cuisine. Tout a commencé par un passage au blanc du premier étage. J'espérais que ce traitement appliqué au rez-de-chaussée suffirait à calmer ma compagne. Que nenni ! Les toilettes martiennes où vivaient des Lilliputiens vert pomme sont transférées dans les archives pour bénéficier d'une fenêtre donnant sur l'allée des sorcières et le bar a sauté, agrandissant considérablement le séjour. Notre espace de création culinaire prend ses aises tout en accrochant la lumière. Nous ne sommes pas au bout de nos peines. Le plan de bataille du mobilier cuisine reste à établir. En attendant, nous nous sommes repliés vers les étages et le garage où nous avons installé un four micro-ondes. J'envoie ces notes depuis le camp retranché du studio de musique où Scotch a pris ses quartiers.

mardi 3 mars 2015

Pas de deux


Parmi nos collaborations chorégraphiques ce n'est qu'avec Lulla Card (aujourd'hui Lulla Chourlin) que nous trouvâmes l'accord parfait. Nous avons monté ensemble le spectacle Zappeurs-Pompiers, regard critique sur le monde de la télévision et sur la (télé)vision du monde. J'y zappais les chaînes satellite en direct sur grand écran pour composer une fiction que Francis et Bernard accompagnaient musicalement. Dans sa première version (1987) le comédien Éric Houzelot prêtait main forte à Lulla, dans la seconde (1989) le clown Guy Pannequin des Macloma donnait la réplique à la chorégraphe suspendue à un fil ou filmant avec une paluche des paysages incroyables sculptés sur sa robe. Même plaisir partagé avec le danseur Didier Silhol qui intervint lors des performances inaugurant les CD-audio/rom Carton et Machiavel.

Comment en sommes-nous arrivés à représenter un ballet sur France Culture ?

Notre aventure chorégraphique avait commencé avec Karine Saporta que Hélène Sage nous avait présentée en nous précisant que ce n'était pas un cadeau ! Le GRCOP (Groupe de Recherche Chorégraphique de l'Opéra de Paris) avait commandé une pièce à la chorégraphe. Sur Manèges (1985) la collaboration s'était plutôt bien passée, mais la création suivante fut un supplice. C'est la seule fois de ma vie où je tendis la bande d'une main pendant que je saisissais le chèque de l'autre. Sans avoir été prévenus, Bernard Vitet, Francis Gorgé et moi découvrîmes à la première du Cœur métamorphosé (1986), dans la grande salle du Théâtre de la Ville, une minute, extraite de notre partition d'une heure, répétée soixante fois avec un métronome posé par dessus. Nous avons sifflé notre musique et le ratage kitsch et, préférant penser à l'avenir plutôt que faire jouer nos droits, nous allâmes boire un coup. Sage décision nous permettant de nous souvenir essentiellement de la joie d'avoir été joués au Palais Garnier !

De prime abord, travailler avec le chorégraphe Jean Gaudin semblait plus fructueux, mais on ne dirige pas des musiciens comme des danseurs, et quantité de compositeurs ont vécu des histoires difficiles dans ce contexte. Dans le passé le ballet était le fruit de la collaboration de trois artistes : le librettiste, le chorégraphe et le musicien. Vous pouvez ajouter le décorateur lorsqu'il s'agit de Picasso ou Picabia. Depuis plus de trente ans le chorégraphe a pris le pouvoir sur les autres corps de métier en pensant se substituer au librettiste et en manipulant les musiciens comme si c'était de la terre glaise. On entend ainsi les mêmes musiques, souvent saucissonnées, et l'on assiste à la énième version du discours amoureux de Barthes. Imaginez-vous que le musicien engagé par un chorégraphe puisse arguer que ce n'est pas la musique qui est trop longue, mais la pièce elle-même, ou du moins sa structure ? Le résultat nous parut pourtant suffisamment enthousiasmant pour en proposer une version radiophonique à France Culture dont les programmes musicaux étaient alors dirigés par Charlotte Latigrat...


C'est cette création intitulée Écarlate (1988) que nous proposons aujourd'hui en écoute et téléchargement gratuits.

lundi 2 mars 2015

Partie carrée entre majeur et mineur


L'Ukrainien Oleg Berg et sa fille Diana se sont amusés à convertir quantité de chansons en mode mineur vers le mode majeur, et réciproquement. Les résultats sont évidemment passionnants, surtout lorsque l'on connaît par cœur les œuvres transformées.


Le mode majeur est généralement réputé chaud, joyeux et lumineux tandis que le mode mineur serait plutôt sombre, triste et profond. Évidemment tout cela est fait à la truelle, gauche et maladroit, mais la démonstration est éloquente. Ici Hey Jude est passé en mode mineur et la Ve de Beethoven en majeur pour l'exemple, mais il y en a plein d'autres sur la chaîne YouTube d'Oleg Berg.


Les deux iconoclastes ont probablement utilisé un logiciel du type Celemony Melodyne auquel j'ai parfois recours pour faire subir à un fichier audio ce qu'il est coutume de réaliser avec la norme midi. Les limites qualitatives de la conversion audio sont encore très repérables alors que l'on peut transformer allègrement un fichier midi dans tous les sens. Rappelons que le midi ne véhicule que des informations de hauteur, durée, intensité, mais qu'il n'intervient pas directement sur le timbre ou les formants. Les instruments virtuels s'y prêtent bien, mais les sons réels sont plus problématiques à tripatouiller, en particulier la voix humaine.
Heureusement errare humanum est. Le vivant reste beaucoup plus attachant, ses maladresses façonnant le style, que les dysfonctionnements stériles de la machine qui n'accouche que de bugs.