Retrouvailles émouvantes avec Brigitte Fontaine accompagnée mercredi soir par la Campagnie des Musiques à Ouïr dirigée par Denis Charolles. Pour cette seconde soirée du Festival La voix Est Libre et la première au Cirque Électrique, la salle était comble, mais la langue crue de la chanteuse qui ne l'a pas dans sa poche ou un jeunisme absurde poussèrent quelques grappes de spectateurs à quitter la salle avant la fin d'un show magique. Peut-être ces jeunes gens trouvaient-ils indécent qu'une iconoclaste leur crache à la gueule "Je suis vieille et je vous encule !" ? En regardant Brigitte se déhancher et chanter librement j'ai pensé à La vieille dame indigne, formidable premier film de René Allio, avec la comédienne Sylvie. Heureusement la majorité du public venu l'applaudir profita de la défection de Philippe Torreton pour jouir d'une rallonge, heure et demie merveilleuse si ce n'est une sonorisation épouvantable, où les chanteurs Loïc Lantoine (avec sa voix gutturale) et Oriane Lacaille (en créole !) interprétèrent le répertoire de la vieille libellule qui termina en rappel avec La femme à barbe.


Depuis ses duos avec Jacques Higelin ou Areski et l'incontournable Comme à la radio avec l'Art Ensemble of Chicago je suis fan de Brigitte Fontaine, jusqu'à enregistrer avec elle et Bernard Vitet en 1992 la chanson Amore 529 sur l'album d'Un Drame Musical Instantané, Opération Blow Up. Cette date marque le tournant de sa carrière, retour rock qui m'avait déstabilisé dans un premier temps, ayant préparé un morceau fragile qui ne correspondait plus à ses aspirations en nougat. J'avais reprogrammé les machines pendant que Bernard prenait le thé avec elle à la cuisine et Brigitte put chanter "Serait-ce le sillon où se grave la vierge ou le microsillon poussiéreux des concierges ?" sur le rythme qui lui convenait et qui ne l'a plus lâchée ! Depuis, j'ai continué à acheter tous ses disques avec le même ravissement.


Mercredi soir, Denis Charolles à la batterie et au trombone, Claude Delrieu à la guitare et à l'accordéon, la harpiste Aurélie Sataf, les souffleurs Alexandre Authelain et Julien Eil s'en donnèrent à cœur joie pour accompagner les chansons hirsutes de Brigitte Fontaine que toute la troupe entonna, Oriane Lacaille et Loïc Lantoine en avant. Le chapiteau du Cirque Électrique donnait à l'événement une allure circassienne qui convenait à cette meute autant qu'à la soirée suivante où les bêtes de scène la partageraient avec un chat, un perroquet et un cheval. Mais ça c'est une autre histoire.


En première partie Vimala Pons, dépitée d'avoir cassé son double en équilibre sur sa tête, réussit à rattraper ce qu'elle fut seule à considérer comme un ratage, en commettant un effeuillage transgenre, comique et provocateur qui nous mit à poil, nous renvoyant notre propre image en miroir de son numéro d'acrobate.