Lorsqu'une chronique de disque est payée 5 euros le journaliste professionnel n'a d'autre solution que de bâcler pour gagner sa vie. Lorsque le blogueur bénévole s'attèle à la tâche il ne le fait que par passion et y passe le temps qu'il faut. Si en plus le pro voit son texte réécrit, coupé, agencé, défiguré par sa hiérarchie, la différence de 5 euros vaut-elle l'enjeu ? À de rares exceptions cette presse est condamnée.
Lorsque les revues spécialisées font leur une sur des stars disparues et négligent les jeunes artistes émergents elles se coupent du nouveau lectorat qui grandit avec les artistes de sa génération. Cette presse est condamnée.
Le papier coûte cher à fabriquer, distribuer, envoyer. Il n'a d'avantage que sa conservation. Internet offre une actualisation immédiate. Passé quelques jours, les quotidiens et les hebdomadaires qui collent à l'actualité font de bons allume-feu, au sens propre, encore que Le Monde prend moins bien que Libé. Cette presse est condamnée.
Les journaux appartiennent pour la plupart à des banquiers et des marchands d'armes, eux-mêmes liés au gouvernement qui leur fournit la plupart de leurs informations politiques et économiques. S'ils ruent dans les brancards on leur coupe les tuyaux qui les alimentent. Ils dépendent aussi des annonceurs par la publicité. Mêmes conséquences. L'information qu'ils délivrent est forcément gauchie par le système qui les tient en vie, sous perfusion. Cette presse est condamnée.
Seule pourra survivre et se développer une presse libre et indépendante, soutenue par son lectorat et par celles et ceux qui se sentent réellement investis dans leur action investigatrice, analytique ou critique. La participation des citoyens est également déterminante, on le constate dans des modèles tel Wikipédia qui a relégué l'Encyclopedia Universalis aux oubliettes. Dans ce cas particulier on pouvait trouver les articles passionnants lorsqu'on n'y connaissait rien, mais ils devenaient ridicules et truffés d'erreurs pour un spécialiste. Le participatif permet de corriger instantanément les à-peu-près, même s'il est perfectible. L'amateurisme, issu étymologiquement du verbe aimer, gagnera les professionnels qui retrouveront les raisons qui leur firent choisir cette voie lorsqu'ils débutèrent. Il faudra leur donner les moyens de travailler correctement en les rétribuant conformément à leur apport. L'investigation prend du temps, une bonne photo comme un bon article dépendent aussi du style. Formater les articles selon les règles apprises dans les écoles de journalisme ne produit pas toujours les meilleurs résultats. Cette presse est condamnée.
Tout reste à inventer, et la solution réside toujours dans l'énoncé de la question. Il faut remonter aux sources. Se souvenir du pourquoi et affiner le comment. Cette presse a de beaux jours devant elle.