Que celles et ceux que les histoires de chat énervent passent leur chemin ! En l'appelant Ulysse je savais qu'il allait nous en faire baver des ronds de chapeau. Téméraire comme pas deux, pas froussard pour un sou, trop confiant, le chaton a tout de l'aventurier. Il a l'art de trouver des cachettes incroyables, des trous de souris qui rapetissent de semaine en semaine. À deux mois il grimpait à la cime des arbres. À trois mois et demi il ne rêve que de faire le mur et il a suffi que j'ai le dos tourné pour qu'il se fasse la malle pour de bon. Il y a quelques jours je lui ai mis un collier avec son adresse et mon téléphone, le vétérinaire l'a pucé, mais nous ne pouvons tout de même pas l'empêcher de sortir en construisant un rempart infranchissable avec des miradors. Conclusion, je suis inquiet au point de ne pouvoir penser à rien d'autre que de le retrouver. Lupin et Scat, eux-mêmes des fugueurs, sont toujours revenus, mais Ulysse est vraiment très jeune pour ce genre de sport. Avec ses premières chaleurs, Guézi, que j'avais en garde, était réapparue au bout de six jours. J'espère seulement que le chaton retrouvera son chemin ou que quelqu'un de bien intentionné nous le renverra rapidement.
Comme je ne voulais pas continuer à tourner en rond à la maison je suis allé porter le compost au jardin partagé. Sur le chemin une femme s'est mise à crier "Pénélope !", je me suis retourné comme si c'était pour moi. Elle m'a souri. Hébété, je me suis demandé si j'avais bien entendu. Elle a répété "Pénélope !" en me regardant comme si nous nous connaissions, jusqu'à ce que sa fille déboule en trottinette. J'avais rencontré cette jeune demoiselle plus tôt dans l'après-midi accompagnée d'une copine sur un engin du même type et je leur avais demandé si elles avaient aperçu mon fugueur. Je me suis retenu d'aller dire à cette dame que s'il y avait bien un rôle que je ne voulais pas endosser, c'était bien celui-là. Pas question d'attendre vingt ans que le monstre revienne !
J'ai continué à marcher en sifflant et en faisant claquer ma langue. D'habitude ça marche, Ulysse rapplique aussitôt, mais Elsa me raconte que lorsqu'un chat renifle un chemin il n'a plus d'oreilles. J'ai fait couiner sa souris en tissu sans plus de succès. Il faisait horriblement chaud. En sortant de la douche je continuai malgré tout à appeler son nom depuis la fenêtre du premier étage quand je crus entendre un miaulement. En fait son cri ne ressemble à un miaou que depuis ce matin. Je suis descendu en peignoir dans la rue à grandes enjambées, mais il n'y avait pas âme qui vive. Comme je rentrais j'ai entendu des bruits de feuillages au dessus du plus haut mur. Le minet a dévalé le tronc du tamaris en deux temps trois mouvements. L'inquiétude a fait place à l'assurance : il peut ficher le camp, il sait revenir. Je vais pouvoir profiter de la soirée après un après-midi maudit à rejouer l'Odyssée.
P.S.: le lendemain soir nous avons fêté la victoire du non en Grèce avec Ulysse 😽 il sera donc du voyage !