70 septembre 2015 - Jean-Jacques Birgé

Jean-Jacques Birgé

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mercredi 30 septembre 2015

Tonneau à fraises


Il aura suffi de quitter ma grotte pour abandonner, provisoirement, mes chroniques d'objets culturels qui finissent par m'enfermer dans un rôle journalistique me faisant perdre de vue la vie qui s'écoule autour de moi. Le terme est pourtant le même pour culture artistique ou jardinière. Je suis donc aller aux fraises. L'expression signifie d'abord chercher un endroit isolé pour des ébats amoureux. Cela me plaît, La Ciotat répondant parfaitement à notre escapade de quelques jours. Elle peut aussi suggérer que j'erre sans but en battant la campagne, un peu à côté de mes pompes, cherchant midi à quatorze heures, jolie définition des vacances, surtout lorsqu'elles sont courtes !
Quant aux fruits nous attendrons la prochaine récolte. Jean-Claude a confectionné un système pour les cultiver dans un minimum de place et faciles à arroser, sur le modèle d'un tonneau qu'il avait vu lorsqu'il était enfant. Il a découpé à la disqueuse des trous dans un fût, fabriqué des petits balcons avec ses cisailles en repliant les bords de la tôle pour ne pas se couper. On replante ensuite les stolons, ces longues tiges qui ressemblent à un rhizome, en les faisant courir d'une encoche à l'autre. Je devine le parfum des prochaines confitures dont les pots viendront se ranger à côté de ceux d'abricots, figues, prunes, oranges, poires, pommes, coings, nèfles, et mûres du framboisier, mes préférées !

mardi 29 septembre 2015

Tendresse africaine


Musique de nuit, le nouvel album du violoncelliste Vincent Segal et du joueur de kora Ballaké Sissoko, porte bien son nom. Il raconte la magie de la nuit et accompagne nos rêves comme si nous étions allongés à côté des deux musiciens, sur le toit de la maison de Ballaké à Ntomikorobougou, quartier de Bamako, où fut enregistrée la première partie du disque. J'ai souvent pensé que l'on devrait intégrer les sons parasites pendant les séances de studio au lieu de chercher à les nettoyer des signes de la vie. La plupart du temps il ne subsiste que la musique, c'est déjà pas mal, mais la présence humaine fait défaut. J'adore entendre les grincements des doigts sur les cordes d'une guitare, l'enfoncement des boutons de l'accordéon, et ici un mouton, la circulation, un train ou de petits bruits que je ne réussis pas à identifier, mais qui me transportent au Mali au delà du plaisir de l'écoute. On me raconte que ce ont les ailes d'une chauve-souris, un tapis de prière qu'on secoue, une voiture de police... Il était plus de minuit, il faisait probablement chaud, on voyait les étoiles, Vincent et Ballaké étaient entourés de quelques amis, la famille peut-être, alors ils ont joué pour être bien, ensemble. Peu de prises leur ont été nécessaires, car ils se connaissent depuis longtemps. Le reste de l'album a été enregistré pendant une journée au Studio Bogolan fondé par Ali Farka Touré. La griotte Babani Koné s'est jointe à eux sur Diabaro, voix merveilleuse portée par la magie des deux discrets virtuoses...


Autre nouveauté du label NøFørmat, l'album de Blick Bassy possède la même tendresse, mais cette fois c'est plutôt le soir. Le tempo est plus rapide. Les chansons de Akö sont en langue bassa, l'une des 260 langues du Cameroun en voie de disparition. Timbre haut et voilé, rythmes rappelant ceux qu'emportèrent avec eux les esclaves en route vers les Amériques, hommage africain au bluesman Skip James, Blick Bassy s'accompagne à la guitare. Le violoncelle de Clément Petit et le trombone de Fidel Fourneyron (qui vient d'enregistrer un audacieux album solo chez Umlaut et que l'on retrouve invité sur le dernier Papanosh autour de Mingus chez Enja) le soutiennent avec tant de gentillesse. Sur Aké l'harmoniciste jazz Olivier Ker Ourio les rejoint tandis que Nicolas Repac pose ses samples sur Wap do Wap, One Love et Kiki. Musique planante comme nombreuses productions de NøFørmat, il suffit de frotter la lampe sur la platine pour que le tapis s'envole vers des contrées où la terre a gardé toute sa magie...

→ Ballaké Sissoko et Vincent Segal, Musique de nuit, NøFørmat, CD 15€ (bientôt en vinyle)
→ Blick Bassy, Akö, NøFørmat, CD 15€, LP 19€
→ Fidel Fourneyron, High Fidelity, Umlaut (sortie le 12 novembre)
→ Papanosh, ¡ Oh Yeah Ho ! avec Fidel Fourneyron et Roy Nathanson, Yellow Bird/Enja, 16,09€

lundi 28 septembre 2015

La nostalgie au service du futur


Les nostalgiques du temps passé permettent de sauver le patrimoine culturel de l'humanité en célébrant les œuvres qui ont marqué son histoire, sans distinction de style ni de qualité. Les musées en sont les garants comme les musiciens interprétant les répertoires d'ici et d'ailleurs au fil des siècles. La lecture de cette mémoire participe aussi à la création d'œuvres nouvelles qui s'en inspirent ou s'en démarquent. Créateur résolument tourné vers l'avenir, j'essaie d'analyser le plaisir ou la nécessité qu'ont mes camarades à aller écouter King Crimson à l'Olympia ou à jouer des musiques du monde et de toutes les époques comme l'Umlywood Big Band entendu vendredi soir à l'église Saint-Merry dans le cadre du Festival Crak.
Pour jouer le jazz de la côte ouest des États Unis des années 50 l'Umlaut Big Band avait gonflé son effectif de quatorze à trente-huit musiciens, renforçant les vents et la percussion, et ajoutant une section importante de cordes. Ces jeunes interprètes sont d'habitude portés vers les musiques contemporaines et improvisées, mais leur virtuosité tous azimuts et leur ouverture d'esprit leur permettent d'aborder des répertoires loin de leurs terres de prédilection. Pierre-Antoine Badaroux exécute un remarquable travail de déchiffrage à l'écoute des vieilles cires dont il tente de reproduire le son unique. J'aurais probablement plus facilement dansé sur le répertoire swing des années 30 dont l'Umlaut Big Band s'est fait une spécialité. Les années 50 ont une saveur guimauve trop kitsch à mon goût. Je préfère la folie de la jungle au chewing-gum des crooners. Cab Calloway est un des rares musiciens auxquels je ne peux résister, sautant sur place et oubliant mes raideurs lombalgiques ! Les chemises blanches avec cravates ou nœuds pap m'attirent moins que les délires vestimentaires des années 30. Le rock tient probablement son énergie de cette période exubérante où les danseurs s'envoyaient en l'air tandis que le be-bop et le free jazz s'affranchissaient d'une mollesse glamour très hollywoodienne. L'entrain de l'orchestre gagna néanmoins la public se trémoussant joyeusement sur la piste improbable de l'église.


Mais c'est en descendant dans la crypte que l'étonnement fut à son comble. Laissant les gargouilles la bouche ouverte, un ensemble de sulfureuses photographies du Colombien Emmanuel Rojas y est exposé dans l'obscurité (vidéo ici). Elles mettent en scène des saynètes que l'on pourrait parfaitement rencontrer dans la Bible, ce livre fabuleux rassemblant tant de tentations cachées et d'histoires scabreuses. Échappant à une pornographie explicite, il distille un parfum érotique où la culpabilité et le remords viennent puiser leurs sources. Saint-Merry fait preuve d'une louable ouverture d'esprit en réactualisant ainsi l'iconographie catholique et en offrant son chœur au pieux sabbat du jazz.

vendredi 25 septembre 2015

Spartacus et Cassandra


Théo est en seconde en section cinéma. C'est chouette ces spécialisations qui ne sont pas téléguidées par le monde de l'entreprise ! À son âge ma fille avait carrément choisi de changer de lycée pour suivre "cirque et études" à Georges Brassens, cirque le matin, lycée l'après-midi, mais avec le même programme que les élèves des autres établissements. On pouvait donc y passer moins de temps pour se livrer à des activités plus épanouissantes ? Après 1968 il y avait juste une fille parmi des milliers de garçons à Claude Bernard parce qu'elle faisait dessin, et un seul garçon à Lafontaine parce qu'il avait choisi musique ! Cela marquait le début de la mixité. Pour les activités extra-scolaires on ne pouvait compter que sur soi. J'allai à la Maison des Jeunes écouter des conférences, des copains avaient créé un ciné-club au lycée, j'y avais organisé le premier concert de rock... Après le bac j'étais rentré à l'Idhec un peu par hasard, réussissant le concours contre toute attente et surtout la mienne. Je ne réalise pas souvent de films, mais le cinéma exerce une influence considérable sur tous mes travaux. Théo m'a donc conseillé de regarder Spartacus et Cassandra qui lui avait beaucoup plu. Le film vient de sortir en DVD.


Spartacus et Cassandra est un vrai documentaire, pas un reportage télé comme on nous en sert trop souvent, de la radio projetée sur grand écran. La banalité donne une image exécrable du documentaire. Pourtant lorsque le sujet suggère sa forme ou qu'un cinéaste, comme ici Ioanis Nuguet, soigne autant le style que le récit le documentaire acquiert ses lettres de noblesse.
Spartacus et Cassandra est un film sur l'enfance et l'adolescence, de celles qui nous habitent et nous font vivre, ou qui nous échappent et nous figent dans des rituels de mort prématurée. Le réalisateur a choisi de ne rien livrer d'autre que ce qui est perçu par son personnage principal, un gamin Rom, retiré à ses parents par la justice et confié avec sa petite sœur à une bonne fée, jeune et dégourdie. Les zones de mystère ne manquent pas de nous interroger, mais l'on sait bien que ces questions viennent nous tarabuster plus tard. Spartacus a déjà fort à faire avec son père à la rue et sa mère complètement paumée. La circassienne Camille dresse un pont entre les gens du voyage et le monde des rêves, offrant aux deux petits Roumains la possibilité d'échapper à la misère et à la délinquance. Nuguet, que l'on suppose intime de la trapéziste, jongle avec sa caméra pour trouver des angles où la fantaisie et l'imagination réfléchissent le réel. Il soulage les moments difficiles où la tristesse et la révolte s'emparent de Spartacus pour fabriquer un conte dont les enfants sont les premiers auteurs, paradoxalement plus sages que leurs deux parents. Tels Les contrebandiers de Moonfleet ou La nuit du chasseur, ce film initiatique apporte aux enfants la lumière en chassant les ombres maléfiques que les adultes agitent en toute inconscience.

→ Ioanis Nuguet, Spartacus et Cassandra, DVD blaq out avec en bonus un entretien avec le réalisateur, l'atelier slam, un cours de trapèze, la poule trapéziste, etc., 18,90€

jeudi 24 septembre 2015

Cellule sort la voix des geôles


Sur son nouvel album, Cellule, le groupe Polymorphie se cogne la tête contre les murs de toutes les geôles. La musique est directe et brutale. Elle est répétitive d'une cellule à l'autre, quel que soit son pensionnaire, Oscar Wilde, Jean Zay, Albertine Sarrazin, Paul Verlaine ou un gars dont personne ne se souvient plus. Il y a 75 000 détenus en France. Martine Pellegrini leur prête sa voix pour qu'ils puissent hurler leur rage. Romain Dugelay a composé les riffs qui encerclent les textes anglais de La ballade de la geôle de Reading et français pour les autres, Souvenirs et solitudes, Poèmes, Un grand sommeil noir. Mais les titres du CD ne portent plus que des initiales ou des prénoms derrière les neuf numéros qui s'enchaînent. Deux sax altos (Dugelay et Clément Edouard), deux claviers (Lucas Garnier et Pelligrini), la guitare baryton (Damien Cluzel) et la batterie (Léo Dumont) sont solidaires devant l'enfermement que représente leur engagement personnel, loin des sentiers battus où les fleurs flânent plus vite que derrière les barreaux. La voix se fait intelligible malgré le chaos organisé de la révolte. La mécanique du rock croise le fer avec la liberté du jazz sans qu'aucun ne cède un pouce de terrain. Les musiciens improvisent dans les limites que les cellules autorisent.


Je n'ai passé qu'une nuit en prison, et je l'avais exigé. Je n'y ai passé qu'un jour parce que Nicolas Frize m'y avait invité. Mais j'ai vécu le siège de Sarajevo et je me suis laissé enfermé par mes propres démons. J'ai connu des matons et des taulards. Il y a toutes sortes de geôles. Pendant la guerre mon père avait connu la différence. Des images se sont imposées à moi : en 1950 Genet tournait muet Un chant d'amour, dix ans plus tard Franju filmait La tête contre les murs dans un hôpital psychiatrique et Jacques Becker s'attaquait au Trou. Rien n'a changé. Ça tourne, ça tourne. Impossible de s'évader avant la fin du disque.

Polymorphie, Cellule, Grolektief, dist. L'autre distribution (sortie le 16 octobre)

mercredi 23 septembre 2015

Les risques du métier


Onze ans de blog quotidien. Je crains de ressasser, de m'égocentrer, de reproduire une pâle copie du réel dans le monde virtuel. Tourner en rond. Alors je chronique. La musique, les films, des expos, des spectacles, mes lectures... Mais se faisant, l'intimité réservée du journal extime se dilue dans une actualité à laquelle j'avais espéré échapper. Où est la sortie ? Lorsque j'évoque mes proches, ma famille, mes amis, les gens avec qui je travaille, je dois faire attention de ne rien dévoiler qui m'ait été confié, le cercle se referme comme un droit à l'image, croche-pattes encourageant la fiction au détriment du document. L'audience s'étant élargie, je suis moins libre de mes confidences, une seconde peau a poussé sur la première sans que je puisse l'empêcher. C'est devenu solide. La fragilité s'est dissoute dans les reflets du miroir où se réfléchissent les évènements extérieurs. Je ne me regarde plus. L'acupunctrice chinoise me le reproche. La peau est moins élastique. Les rides me font moins peur que le gras. On n'y voit pas seulement l'avenir, le passé refait surface. Mon père. Mon grand-père que je n'ai pas connu. Des fantômes encore plus anciens. J'avais décidé de mettre chaque jour des éléments personnels dans l'universel et réciproquement, mais je ne m'y suis pas toujours tenu. Me serais-je oublié ? Rires. C'est pourtant mon impression. J'évoque celles et ceux que les professionnels de la profession négligent. Travail d'investigation chronophage, mais tellement enrichissant. J'ai récemment décidé de m'atteler à un travail que j'avais laissé de côté, un truc perso qui rayonne, manière de joindre les deux bouts. La dialectique m'est vitale. Bouger. J'irai voir ailleurs si j'y suis. Période charnière. Il faut bien se perdre pour se retrouver. Trois mille deux cents articles. En onze ans le Net a tellement changé. L'encyclopédie est devenue une pieuvre étouffante qui a réponse à tout. Nécessité de s'extérioriser ! À moins que cette dérive journalistique me soit imposée par le secret de ce qui est en cours et que je ne puis dévoiler avant terme ? J'ai toujours prétendu que les articles parlent avant tout de leurs auteurs, plutôt que ce dont ils traitent. Aurais-je donc peur de me perdre ? Ou bien vous savez lire entre les lignes et je me fais juste peur parce que le doute est le meilleur des carburants ? J'ai beau varier les angles, je tourne en rond. Faut-il tout détruire pour pouvoir reconstruire ?

mardi 22 septembre 2015

Mr. Robot hacke jusqu'à sa propre vie


Sur le thème du hacker en révolte contre la société libérale, les trois premiers épisodes de Mr. Robot laissent espérer une série rêvée pour les geeks et les nerds fans d'informatique. Le jeune autiste sniffeur se retrouve prêt à supprimer toute trace de dettes dans une gigantesque entreprise qui tient tout du monstre bancaire. Les trois épisodes suivants glissent hélas vers un thriller banal quand les quatre derniers de cette première saison reprennent des couleurs grâce à un abîme psychanalytique inattendu.


Ces trois tonalités successives s'essoufflent parfois faute de creuser l'anarchie politique que l'équipe de la Fsociety promeut et l'égocentrisme du personnage principal rend superficiel les caractères qui gravitent autour de sa paranoïa. Trouver le ton d'une série n'est pas toujours facile et le conserver est à double tranchant. On s'en lasse autant que l'on s'y habitue. La réussite tient dans un savant équilibre entre l'addiction et le renouvellement, les conventions et les surprises. Cette nouvelle série TV reste néanmoins intéressante grâce au personnage principal interprété par Rami Malek, zorro des zéros et des uns, et un Christian Slater dont la distance évasive se comprend tardivement.

lundi 21 septembre 2015

Les good vibrations de Love & Mercy


Amateur des Beach Boys, mais peu friand des biopics romançant la vie d'artistes, j'ai été bouleversé par Love & Mercy, le film de Bill Pohlad, producteur à succès (Brokeback Mountain, Fur, Into The Wild, Fair game, The Tree of Life, 12 Years a Slave, Wild) dont c'est le second comme réalisateur vingt-cinq ans après Old Explorers. Si l'histoire de Brian Wilson est étonnante et pathétique, j'ai été happé par l'invention de la bande-son, tant par les idées d'arrangement du leader des Beach Boys, que je connaissais déjà, que par la concrétisation 5.1 de ses hallucinations vocales qui le hantent et l'assomment. Les aller et retours entre deux époques de sa vie sont interprétés par John Cusack et, plus jeune, par Paul Dano qui l'incarne de manière fascinante. Sortis des séances de studio (Brian Wilson craignait les tournées) et de ses périodes de dépression qui le torturent jusqu'à le clouer au lit pendant trois ans, nous assistons au duel de sa future (seconde) femme interprétée par Elizabeth Banks et du terrible Dr Landy dont Paul Giamatti endosse parfaitement le rôle de pervers narcissique plus fou et dangereux que son patient.


Brian Wilson est sourd d'une oreille depuis que son père, sévère figure de l'éternel rival incapable de donner l'amour que son fils lui réclame, l'a jeté contre un mur. Son désintérêt pour la stéréo s'en explique très bien. Or la réussite du film tient justement à la personnalité musicale de Brian Wilson, au son qui l'entoure et à celui qu'il entend malgré tout dans sa tête et le fait souffrir. Oreille absolue, précision quasi maladive du détail, recherche de sonorités inouïes, goût pour des instruments peu usités, voire des bruits et cris d'animaux intégrés dans les enregistrements, les sons le font vivre et l'épuisent. Les drogues participant au dérèglement de tous les sens ont aussi leur part dans le délire qui lui fera accoucher du chef d'œuvre des Beach Boys, l'album Pet Sounds. Le film Love & Mercy me donne envie d'écouter The Smile Sessions (5 CD), l'album solo dont il a rêvé longtemps et qu'il n'a finalement publié qu'en 2011, empêché par les rivalités internes au groupe, ainsi que les Pet Sound Sessions (encore 4 CD !), matériel exceptionnel qui a grandement motivé Bill Pohlad. La personnalité complexe de Brian Wilson est à l'image de ses inventions musicales, loin de celle de surfers de la côte ouest que cherchaient à donner ses camarades.

dimanche 20 septembre 2015

Ils sont nos voisins, et nous refusons leur expulsion !

Texte signé par La Ligue des Droits de l'Homme Bagnolet/ Les Lilas, RESF Les Lilas et des citoyens des Lilas, de Bagnolet, et de Montreuil

Le collectif des Baras est composé de travailleurs africains chassés de Libye à cause de la guerre et passés par Lampedusa. Arrivés en France en 2013, ils se sont vus refuser toute demande d’hébergement adressés au préfet et aux mairies. Après avoir passé plusieurs mois à la rue, ils ont habité des bâtiments inoccupés à Montreuil, Bagnolet et tout dernièrement aux Lilas, d’où, à chaque fois, ils ont fini par être expulsés.

Les Baras habitent actuellement le local de l'ancienne antenne de Pôle-Emploi au 72 rue René Alazard à Bagnolet, propriété de la banque Natixis. Ils sont à nouveau menacés d’expulsion à partir de mercredi 23 septembre aux aurores.
Nous citoyens amis des Baras, demandons aux maires de ces villes et plus largement aux élus d'Est Ensemble de bloquer cette expulsion le temps de trouver une solution humaine, et en vertu de la loi sur la réquisition des locaux vacants de mettre à leur disposition un local.
En réquisitionnant un des nombreux bâtiments inoccupés qui se dégradent depuis des lustres (par exemple rue Rapatel à Montreuil, le bâtiment propriété du Conseil Général, ou la tour Telecom à Bagnolet) et en leur confiant de le rénover ils pourraient tous s'y loger et y vivre dignement. Rappelons que les Baras, mot qui signifie travailleurs en bambara, réclament des papiers leur permettant de travailler légalement en France. Parmi eux il y a des terrassiers, des maçons, des plombiers, des électriciens, des serruriers capables de remettre des bâtiments en état ; ils sont également prêts à en partager les charges.
Pour les autorités ils sont des sans-papiers, mais ils ont des papiers de leurs pays et ils ont des papiers délivrés par des pays européens, le plus souvent l'Italie, que la France ne reconnaît pas.
C'est parce que nous sommes convaincus que tous devons nous montrer à la hauteur de la responsabilité qui nous incombe concernant l'accueil de TOUS, migrants et réfugiés, que nous demandons aux maires des Lilas, Daniel Guiraud, de Bagnolet, Tony Di Martino et de Montreuil, Patrice Bessac, aux élus d'Est Ensemble une action d'urgence afin de trouver une solution à cette situation humainement inacceptable.

http://lesexpulsesdeslilas.tumblr.com/

vendredi 18 septembre 2015

La guêpe et Tacet réédités en vinyle


Le Souffle Continu réédite en vinyle deux disques majeurs de 1971 à l'origine sur le label Futura. La vitesse de 45 tours par minute de ces deux 30 centimètres reproduit merveilleusement l'énergie de cette époque magique où l'imagination avait pris le pouvoir.

Bernard Vitet avait été le trompettiste soliste de tous les grands de la chanson française, de Montand à Gainsbourg, Barbara à Bardot, Henri Salvador à Christophe, Colette Magny à Brigitte Fontaine, mais il avait démissionné en 1968 de l'orchestre de Claude François avec lequel il tournait depuis plusieurs années pour se consacrer à la révolution musicale qui accompagnait le dépavage du quartier latin. Il avait été considéré comme le meilleur trompettiste de jazz européen, depuis ses premières armes avec Django Reinhardt ou Gus Viseur, son timbre rappelant celui de Miles Davis et ses collaborations avec les plus grands lui ayant fourni la distance aristocratique de son intérêt pour toutes les musiques et tous les autres arts. Il avait cofondé le premier groupe de free jazz en France en 1964 avec François Tusques et participé en 1966 à la première rencontre jazz et électroacoustique pour Jazzex de Bernard Parmegiani. Il avait côtoyé Lester Young, Eric Dolphy, Albert Ayler, Chet Baker, Archie Shepp, Anthony Braxton, Don Cherry, l'Art Ensemble of Chicago, Steve Lacy, Gato Barbieri, Jean-Luc Ponty, Martial Solal, Georges Arvanitas, Sunny Murray, Alan Silva, Alexander von Schlippenbach et tant d'autres avec lesquels il enregistra près de 200 disques. Le label Futura de Gérard Terronès sortit donc La guêpe en 1971 et Vitet formera l'année suivante le célèbre Unit avec Michel Portal qu'il abandonnera finalement pour se consacrer exclusivement à Un Drame Musical Instantané jusqu'à ce que son souffle s'éteigne. Il était mon meilleur ami. De 1976 à 2008 nous avons composé ensemble un millier de pièces, nous voyant ou nous parlant tous les jours pendant ces trente deux ans. J'ai déjà évoqué son intelligence prodigieuse et sa culture polymorphe, ses talents de mélodiste et son goût pour l'harmonie, son sens de la contradiction et ses inconséquences qui nous font rire après coup.

La guêpe qui ressort aujourd'hui en vinyle, dont une superbe édition de luxe sur plastique blanc opaque, est un des rares témoignages sous son seul nom. Bernard se comportait plus souvent en sideman qu'en leader, préférant la composition collective, même lorsqu'il écrivait des chansons puisqu'il m'en confiait le soin d'inventer les paroles et l'orchestration. J'enregistrais et produisais également nos albums, gérant nos affaires communes et entrant les notes sur l'ordinateur sous sa dictée après qu'il ait esquissé ses compositions avec gomme et taille-crayon. En 1976 il enregistra un second disque sous son nom, Mehr Licht !, hélas épuisé et jeté aux oubliettes pour d'imbéciles questions de droits et de fantasmes mercantiles, album solo dont nous avions préparé ensemble la réédition augmentée, mais qui ne verra probablement jamais le jour, mon camarade ayant disparu en 2013 à l'âge de 79 ans.

La guêpe est une œuvre exemplaire, réfléchissant extraordinairement son époque, à cheval entre la musique contemporaine et le free jazz, la composition et l'improvisation, l'instant et sa manipulation post-opératoire. S'appuyant sur un texte déterminant de Francis Ponge chanté par Françoise Achard, il fut enregistré par Dominique Dalmasso dans l'atelier de Bernard, 8 rue Charles Weiss à Paris avec des musiciens qui figuraient tous parmi ses amis. Jean-Paul Rondepierre était le second trompettiste et jouait du marimba, le saxophoniste Jouk Minor s'empara aussi d'un violon et d'une flûte, le pianiste François Tusques dirigea les parties écrites, le contrebassiste Beb Guérin y jouait du piano, Jean Guérin était aux percussions, vibraphone et marimba tandis que Bernard jouait de la trompette, du violon, du cor, du piano et du vibra ! Le dos de la pochette reproduit sa belle écriture manuscrite sur Et Cetera, Balle de fusil et Hyménoptère tandis que Véronique, la fille de Françoise Achard, a dessiné la guêpe du recto, minuscule dessin d'enfant que Bernard a considérablement agrandi comme il aimait le faire en magicien de la photocopieuse. Il avait écrit une partition opératoire pour les premiers morceaux pour les recombiner ensuite dans des organisations diverses, canon asynchronique, quatuor à cordes où les notes étaient progressivement remplacées par des signes graphiques, musique sérielle pour deux trompettes, etc.

On retrouve Bernard, Françoise Achard et Jean-Paul Rondepierre dans Tacet, le disque de Jean Guérin réalisé la même année à partir de la musique que celui-ci avait composée pour Bof, le film de Claude Faraldo. Philippe Maté intervient au ténor sur un morceau, Dieter Gewissler joue du violon et de la contrebasse sur deux autres, mais c'est la même bande de copains que sur La guêpe. Il n'y a pas de secret, cette camaraderie participe beaucoup à la réussite de ces deux albums. L'utilisation de rythmes à la darbouka et au synthétiseur VCS3, très en avance pour l'époque, rend Tacet plus pop que La guêpe. Les manipulations électroacoustiques sont également plus repérables d'autant que Jean Guérin a travaillé sur le concept de gouttes en référence au travail du livreur de vin du film. On reconnaît la célèbre trompette à eau de Bernard qui immergeait son instrument dans une cuvette, sorte de sourdine flasque. Les boucles rappellent aussi la musique répétitive qui n'en était alors qu'à ses débuts. Tacet, depuis très longtemps épuisé, est un autre jalon incontournable de la création en France, prémisse annonçant la liberté dont les Européens s'emparèrent pour s'affranchir de la musique américaine. Ces deux disques sont indispensables à qui veut connaître les racines de ce qui se fait aujourd'hui, tant dans le mariage de la voix et des instruments pour La guêpe que dans celui de l'électronique et de la musique vivante pour les deux. De plus, ils conservent chacun une originalité exposant deux personnalités en marge de tous les courants existant alors, phares de leurs descendances, conscientes ou inconscientes.

→ Bernard Vitet, La guêpe, LP 45 tours 30 cm, Le Souffle Continu, 16,50€ et 18€ avec le disque blanc mat
→ Jean Guérin, Tacet, LP 45 tours 30 cm, Le Souffle Continu, 16,50€ et 18€ avec le disque gris mat
Attention, tirages limités déjà en voie d'épuisement comme presque tous les vinyles du label Le souffle continu...

jeudi 17 septembre 2015

Danser avec le peuple étincelle


Il m'a toujours semblé qu'il y avait deux sortes de musique, celle qui s'écoute et celle qui fait danser. Danser sur celle qui s'écoute vous transforme la plupart du temps en hurluberlu ou en cascadeur tandis que l'on peut toujours jouir de la musicalité de l'autre en faisant banquette. Les chansons occupent une frontière qui offre de bouger bras et jambes tout en prêtant attention aux paroles. Si danser est un exutoire formidable permettant d'échapper au quotidien, l'écoute nous plonge plus profondément dans les tréfonds de l'âme humaine. Y aurait-il alors une musique du corps et une musique de l'esprit, un éloge de la fuite quand l'autre exige le recueillement ? Même s'il existe des danses de salon et d'autres de rue, des modes qui passent et des œuvres éternelles, composer interroge le musicien dans son rapport aux musiques que l'on dit savantes ou populaires, et chacune exige un savoir-faire qu'il serait stupide de dénier à leurs champions. Car il est aussi improbable de créer un tube que tout le monde a sur les lèvres qu'un maillon essentiel de l'histoire de la musique ! Dans tous les cas l'avantage d'avoir un succès à son actif est de laisser penser aux commerçants que son auteur est susceptible, un jour, d'accoucher d'un nouveau. La question restante concerne le renouvellement de son inspiration au risque de décevoir son public, soit la sempiternelle répétition de ce qui a plu à ses admirateurs et -trices. Certains ont astucieusement choisi de danser d'un pied sur l'autre, composant des choses qui nourrissent son homme (ou sa femme) simultanément à des expérimentations confinant l'audience à quelques happy few. Succès public ou succès d'estime, le public est censé s'y reconnaître.


Le saxophoniste François Corneloup, qui jouait sur notre ¡Vivan las Utopias! avec Un Drame Musical Instantané, a su diversifier les fronts sur lesquels il se bat, jazzant avec les uns, funkant avec les autres, expérimentant ou folklorisant quand cela lui chante. S'il swingue à mort au baryton lorsqu'il assure la basse d'Ursus Minor, il a choisi le lyrique soprano pour mélodiser dans son groupe de bal, Le Peuple Étincelle, qui rassemble Fabrice Viera (guitares, cavaquinho, chant, porte-voix), Éric Duboscq (guitares basse), Michaël Geyre (accordéon) et Fawzi Berger (zabumba, pandeiro, percussions, appeaux). Formé à l'école de la Compagnie Lubat, il connaît la fête et sait la faire partager à son auditoire, composant un répertoire varié de biguines, rumbas, scottish et polkas qui sentent bon les produits du terroir. Les convives ne s'y trompent pas, tournant et virevoltant sur cette musique de bal jouée par des virtuoses qui en connaissent les ressorts. C'est peut-être l'écueil du disque de ne pouvoir rendre l'euphorie que leurs concerts génèrent, car je me vois mal jouer les dervishes seul dans ma salle à manger à l'écoute de ces ritournelles où la répétition fait plus tourner la tête que les guiboles, escalades tonales qui sentent la sueur et dissipent dans l'allégresse les dernières vapeurs d'alcool.

Le Peuple Étincelle, CD label daquí, 14,99€ (9,99€ en mp3)

mercredi 16 septembre 2015

Darwin en vue, Darwin en sons


Malgré l'incendie à la Cité des Sciences et de l'Industrie le 20 août à Paris, Sacha Gattino et moi continuons à sonoriser la future exposition qui y sera consacrée à Darwin. Nous fabriquons des sons abstraits à partir de cris d'animaux et de bruits végétaux pour ses différentes installations interactives : choix des langues, validations, ouverture et fermeture de fenêtres, rotations, glissés, molettes, mouvements devant les kinekts, réussites et échecs, etc. Nous ignorons les dates de la réouverture de la Cité, mais nous brûlons d'impatience.
L'un des quatre cubes qui la composent était en travaux avant son inauguration qui n'avait encore jamais eu lieu depuis le lancement de la Cité en 1986, centre commercial de Vill’Up comprenant un complexe cinéma de 16 salles et une cinquantaine de boutiques et restaurants. Or des milliers de mètres carrés sont partie en fumée. Une armoire électrique serait à l'origine de l'incendie. À l'occasion de ce sinistre, la Cité a l'intelligence de mettre en ligne une page à destination des Juniors intitulée Le feu, c'est pas un jeu ! En attendant, elle conseille de visiter la Géode et le Palais de la Découverte qui présente XYZT Jouer avec la lumière jusqu'au 3 janvier, installations de la compagnie Adrien M. / Claire B.

mardi 15 septembre 2015

Calques de Novembre, déjà et enfin


Il y a déjà quatre ans le jeune saxophoniste Antonin-Tri Hoang rêvait d'enregistrer avec le quartet Novembre, mais son producteur d'alors lui conseilla de commencer par un duo avec un pianiste, de préférence confirmé ! Ainsi naquit le délicat et subtil Aéroplanes, une petite merveille d'intelligence avec Benoît Delbecq au piano (souvent) préparé.
Calques sort enfin, musique d'ensemble réunissant Antonin-Tri Hoang au sax alto, Romain Clerc-Renaud au piano, Thibault Cellier à la contrebasse et Elie Duris à la batterie. Or les débuts discographiques de Novembre sonnent incroyablement matures, voire une sorte de chant du cygne du jazz comme si son histoire était arrivée à son terme. Heureusement, comme sous la plume et les anches d'un Ornette Coleman, le dragon renaît de ses cendres pour donner naissance à une musique nouvelle où la composition musicale organise et cadre les complices improvisations d'un quartet si soudé qu'il frise l'explosion. Le dynamitage des structures passe en effet par un astucieux jeu de miroirs où les images se décomposent en pièces d'un puzzle sans cesse reconstitué. Au gré des jours et des nuits les couches se superposent, se frottent et se fendent pour former une matière quasi indestructible, agglomérat d'une intensité incroyable où les mélodies et les rythmes s'entremêlent et s'assemblent comme les atomes d'une nouvelle molécule à laquelle ils ont donné le nom de Novembre.

Novembre, CD Calques, pochette cousue main avec calques de couleur par Lison de Ridder, Label Vibrant LV013 (contact)

lundi 14 septembre 2015

Mechanics de Sylvain Rifflet


En illustrant la pochette de son nouvel album Mechanics avec un dessin de François Schuiten, le saxophoniste-clarinettiste Sylvain Rifflet pointe son travail d'architecte, mécanicien du temps obnubilé par une horlogerie démente que la virtuosité des musiciens d'aujourd'hui rend enfin accessible. Ses musiciens font swinguer cette petite mécanique bien réglée en choisissant des timbres et des modes de jeu qui rappellent les roues dentées, les ressorts spiraux et les cliquets avec pour remontoir la platine du CD qui le passe et repasse jour après jour. Déjà présents sur les albums Alphabet et Perpetual Motion le percussionniste Benjamin Flament façonne ses métaux en orfèvre, le flûtiste Jocelyn Mienniel fait vibrer sa kalimba lorsqu'il ne slape ni ne flatterzunge, le guitariste Philippe Gordiani pince ses cordes comme des aiguilles tandis que Sylvain Rifflet s'est confectionné une boîte à musique à sa mesure.


Rifflet réussit à ranimer la musique répétitive des minimalistes américains en insufflant un jazz aux accents de musique française qui oscille entre une exubérance joviale et une nostalgie tournée vers le futur. Son adaptation pour saxophone ténor de Tout dit de la chanteuse Camille est une petite merveille comme ses interprétations de Moondog et ses compositions qui le font se tortiller sur scène d'un pied sur l'autre. Ici souffler c'est bien joué !

→ Sylvain Rifflet, CD Mechanics, Jazz Village, dist. Harmonia Mundi

vendredi 11 septembre 2015

TV, chap.2 : Cinéastes de notre temps


Cinéastes de notre temps (1964-1972) produite par Janine Bazin et André S. Labarthe offrait la meilleure des émissions jamais réalisées sur la cinéma, avec en réalisateurs Jacques Rozier (pour Vigo), Eric Rohmer (pour Dreyer et Le celluloïd et le marbre), Jacques Rivette (pour Renoir avec Eustache au montage), Claude de Givray (pour Jacques Becker et Guitry), Jean-Louis Comolli (sur les cinémas québécois et hongrois, pour Perrault avec Labarthe), Noël Burch et Jean-André Fieschi (La Première Vague, Delluc et Cie, L'Herbier), Fieschi solo (pour Pasolini l'enragé, Rouch), Labarthe lui-même (pour Pagnol, Ford, von Sternberg, Jerry Lewis, Melville, Autant-Lara, McLaren, Le dinosaure et le bébé avec Godard face à Fritz Lang, pour King Vidor, Cassavetes, Cukor, Berkeley avec Hubert Knapp, pour Robbe-Grillet et Shirley Clarke avec Burch), Michel Mitrani (pour Ophüls), François Weyergans (pour Bresson), Jean Douchet (pour Astruc) et Astruc (pour Murnau), Jacques Baratier (pour René Clair), etc., la liste complète compte 45 épisodes dont Buñuel, Gance, Stroheim, Truffaut, Walsh, Hitchcock
La sélection de la seconde saison (1989-2001) intitulée Cinéma de notre temps ne m'enthousiasma pas autant, même si les réalisateurs sont Claire Denis (pour Rivette), Ackerman (sur elle-même), Assayas (pour Hou Hsiao-Hsien), Marker (pour Tarkovski), Limosin (pour Cavalier), Pedro Costa (pour Straub et Huillet), Julie Bertucelli (pour Iosseliani), etc., collection néanmoins aussi exceptionnelle et absolument indispensable (un coffret DVD est paru, mais la plupart des films sont bloqués pour des raisons de droits, car ils abritent quantité d'extraits). Y figurent encore Lynch, Scorsese, Kiarostrami, Cissé, Chabrol, Oliveira, Loach, Cronenberg, Moullet… Alors commencez par suivre les liens ;-)
Le principe initial était de réaliser les sujets dans le style des cinéastes abordés, et des auteurs comme Labarthe faisait preuve d'une imagination incroyable, qui n'existe plus aujourd'hui que sur une petite chaîne confidentielle (où enfin des femmes réalisent !). Son Bleu comme une orange aborde la question de la couleur face au noir et blanc avec en solistes Soulage, Franju, Averty, Warhol, Brassaï, Charbonnier, Trauner, Varda et Klein, excusez du peu ! Pour illustrer le son dans son Samuel Fuller il termine avec 1'30 d'une fusillade où l'image n'affiche qu'un carton : "le son".
L'INA numérise ses archives à tours de bras, mais sans en regarder sérieusement le contenu ! L'Institut National de l'Audiovisuel dort sur un trésor. La plupart des 70 documentalistes travaillent machinalement, désinvestis par une hiérarchie absurde. Pendant ce temps et tandis que le numérique (pratique, mais fragile) envahit tous les secteurs audiovisuels les studios américains sauvent leur patrimoine sur une pellicule argentique 35 mm Kodak spéciale. Ce n'est pas une blague, mais la longévité du vieux support est le seul garanti !

jeudi 10 septembre 2015

TV, chap.1 : Quand la pluralité appauvrit le paysage


Du temps où n'existait en France qu'une seule chaîne, les téléspectateurs assistaient à une programmation extrêmement variée qui ne méprisait pas son public, ne reléguant pas les uns au sport et aux divertissements, les autres aux magazines d'actualité ou aux rediffusions répétitives des mêmes films. Le pouvoir ne contrôlait effectivement que les informations, laissant les dramatiques aux cinéastes souvent de gauche, communistes pour la plupart. En 1981 les socialistes prenant les rênes du pays et connaissant la puissance de la culture mettent fin à cette période faste. Mitterrand ira jusqu'à vendre La 5 à Berlusconi. La seule frontière était celle du carré blanc, logo indiquant les programmes susceptibles de choquer les enfants (nos parents étaient plus choqués par le carré blanc que par ce qu'il stigmatisait, donc on avait le droit de tout voir !). L'offre se multipliant avec l'avènement du satellite les chaînes deviennent de plus en plus spécialisées, cantonnant le public dans des cases ciblées.
En revoyant quantité d'émissions des années glorieuses de la télévision française on sera surpris de leur qualité exceptionnelle. Des cinéastes comme William Klein ou Michel Mitrani participaient au magazine de référence 5 colonnes à la une… Jean-Daniel Pollet, Ange Casta, Claude Goretta signaient des sujets incroyables de Dim Dam DomLes Shadoks passaient juste avant le Journal de 2O heures. Il faudrait absolument rééditer les films de José Maria Berzosa, Roger Leenhardt, Noël Burch, etc. Des téléastes comme Jean-Christophe Averty, Raoul Sangla, Claude Santelli… mériteraient que l'INA se bouge pour rediffuser leurs œuvres plutôt que les chaînes nationales ressassent toujours les mêmes films. L'idéal serait de dispatcher le fonds historique exceptionnel sur toutes les chaînes thématiques et généralistes, ou au pire créer une chaîne spécialisée dans la télévision du passé, du temps où elle était vraiment créative, car aujourd'hui même Arte obéit au diktat de l'audimat, réduisant considérablement ses ambitions.

mercredi 9 septembre 2015

Trois disques de la rentrée


Parmi la quantité de CD échoués dans ma boîte aux lettres en cette fin d'été trois albums m'ont donné envie de les rejouer plusieurs fois sur la platine.
Improvisions est un nouveau solo de piano de Bernard Lubat, plus libre qu'il ne l'a jamais été, du moins dans ses publications discographiques. Son swing légendaire vient caresser des mécaniques déferlantes proches de Conlon Nancarrow en d'éblouissantes improvisations que l'on mettra du temps à cerner.
Pour avoir vu sur scène Petite Moutarde, quartet du violoniste Théo Ceccaldi avec la saxophoniste Alexandra Grimal, le contrebassiste Ivan Gélugne et le batteur Florian Satche, je retrouve l'entrain de ces jeunes musiciens dont les facéties font référence à quantité de styles sans en adopter aucun, si ce n'est le leur. Grimal a élargi considérablement sa palette depuis qu'elle a ajouté le sopranino au ténor et au soprano, mais son chant excite encore plus ma curiosité. Comme leurs titres le suggèrent les morceaux de Ceccaldi sont tous pimentés, petits raifort, d'Espelette, wasabi, de sichuan, chipotle, harissa, gingembre, ingrédients qui font partie de ma panoplie tant culinaire qu'instrumentale. C'est du jazz français d'excellente qualité, ce qui dans ma bouche signifie que ce n'est pas du jazz, mais une recette innommable fortement recommandée !
Après la musique improvisée hexagonale, le jazz anglais rigolo, le funk minesottien et quantité de choses inventives et transgenres que l'on ne peut affubler d'aucune étiquette réductrice, le label nato semble s'intéresser sérieusement à la musique bretonne. Il est certain que le Breizh peut être à la France ce que le jazz est aux États Unis, une musique populaire, lyrique et dansante, vivante et en perpétuelle mouvement. Le bénéfice du doute, composé de l'accordéoniste Timothée Le Net et du harpiste celtique Mael Lhopiteau, est né sur la ZAD de Notre Dame des Landes au milieu des gaz lacrymogènes. Cela ne les empêche pas de jouer une musique tendre et campagnarde qui coule comme une rivière. Elle s'écoute sans faim et sans fin. Les superbes dessins de Stéphane Cattaneo ornent le petit livret, nuages de notes qui flottent, figées entre marée haute et marée basse, le ciboulot enflammé par ces substances sonores hallucinogènes.

→ Bernard Lubat, Improvisions, Cristal Records, dist. Harmonia Mundi
→ Théo Ceccaldi, Petite Moutarde, Tricollectif / ONJAZZ, dist. L'autre distribution
Le bénéfice du doute, nato, dist. L'autre distribution

mardi 8 septembre 2015

Carnet d'Arménie, 1915-1918


À force de remettre au lendemain les tâches les plus enquiquinantes on laisse s'accumuler quantité de papiers que l'on oublie jusqu'à ce que quelqu'un un jour les découvre ou les fiche à la poubelle. Lors de l'un de ces ménages salutaires où l'on finit par trier les affaires de celles et ceux qui nous ont quittés, Anny Romand, la sœur aînée de Françoise, a trouvé un vieux carnet écrit d'une belle écriture calligraphiée. Témoignage formidable d'une époque douloureuse, il avait appartenu à leur grand-mère arménienne qui avait fui et survécu au génocide de 1915. Il y avait aussi des pages rédigées en français et d'autres en grec ! Cent ans plus tard, le déchiffrage permet de comprendre qu'il accompagna la jeune femme lors de sa marche forcée de 1915 à 1918. Ainsi Serpouhi Kapamadjian née Hovaghian décrit la barbarie dont elle est témoin et victime sur les routes d'Anatolie, comment sa famille disparaît et grâce à quelles péripéties elle échappe au massacre. Trois ans après avoir confié à des paysans turcs son fils de quatre ans, seul rescapé avec elle, elle le retrouvera par miracle grâce à l'armée russe. Réfugiée en France, elle accouchera mystérieusement d'une nouvelle fille, Rosette, qui donnera naissance à son tour à Anny et Françoise. Anny alterne les pages du carnet et ses propres souvenirs sous sa plume de petite fille de huit ans pour reconstituer le portrait étonnant de sa grand-mère, s'enfonçant dans l'Histoire au point d'investir ce passé qu'elle n'a pas vécu, mais qui hante tous les descendants des martyrs. La littérature permettant tous les sauts temporels, nous sommes à notre tour transportés par ce témoignage exemplaire, 120 pages illustrées de petites photos que j'ai dévorées d'une traite, évocation plus réussie que tant de cinéastes s'étant essayés récemment à évoquer le sujet (Henri Verneuil, Atom Egoyan, Robert Guédiguian, les frères Taviani, Fatih Akin), alourdis par un pathos que l'auteure évite pour se concentrer sur l'amour qu'elle portait à sa grand'mère d'Arménie et leur complicité.

→ Anny Romand, Ma grand'mère d'Arménie, Ed. Michel de Maule, coll. Je me souviens..., 9 €

lundi 7 septembre 2015

Congrès des Podemos à Paris


Passionnante rencontre de jeunes de Podemos à Paris le week-end dernier. Les difficultés économiques poussent quantité de jeunes Espagnols à quitter leur pays pour trouver du travail ailleurs. Une amie très impliquée dans le mouvement nous a demandé d'en loger pendant ces deux jours où ils viennent discuter ensemble des conditions de leur émigration internationale lors du Forum pour un vrai changement démocratique en Espagne et en Europe (Foro Por El Cambio Desde El Exterior) au Réfectoire des Cordeliers. Panxo organise le cercle d'Oslo et l'idée est de sensibiliser les indignés partout sur la planète, pas seulement les Espagnols ! Les grandes lignes de leur programme telles que résumées sur Wikipédia font rêver :
Redresser l'économie en renforçant le contrôle public, en réduisant la pauvreté et en instaurant la dignité sociale via un revenu de base pour tous. Cela comprend le contrôle des lobbys et de l'évasion fiscale des grandes entreprises et multinationales, ainsi que le soutien aux petites entreprises.
Promouvoir la liberté, l'égalité et la fraternité en abattant les barrières à travers l'Europe et en permettant la coopération entre les personnes sans collecte de renseignements ou inhibitions sociales, qui sont selon Podemos des formes d'antiterrorisme.
Redéfinir la souveraineté en révoquant ou en troquant le Traité de Lisbonne, en abondant les mémorandums d'entente, en retirant l'Espagne de certaines zones de libre-échange et en promouvant le référendum pour toutes les réformes constitutionnelles majeures.
Récupérer la terre en réduisant la consommation de combustibles fossiles, en promouvant les transports en commun et les Énergies renouvelables, en réduisant les cultures de rente industrielles et en stimulant la production agricole locale par de petites et moyennes entreprises.
Le principe est de laisser les citoyens s'emparer du pouvoir et non le confier à des politiciens professionnels. Panxo nous raconte que dans les pays nordiques les femmes ayant les mêmes responsabilités que les hommes, la société est plus riche et se porte mieux. En Finlande, par exemple, l'éducation jouit d'un budget considérable permettant la transformation des mentalités. Ce n'est pas un hasard si c'est le premier pays à envisager sérieusement le revenu de base...
Panxo ressent le désir et la nécessité de partager leurs expériences avec ses camarades venus de Mexico ou de New York plutôt que d'écouter les discours qu'il retrouve sur YouTube ou dans le journal. Les leaders ont tout à apprendre de leur base. En discutant avec lui l'espoir de changement revient parce que l'imagination ne s'embarrasse jamais de l'impossible qui nous est sans cesse opposé.

vendredi 4 septembre 2015

Show Me A Hero, mini-série du créateur de The Wire


Bien qu'elle relate un événement historique Show Me A Hero, la nouvelle mini-série de David Simon, est d'une actualité brûlante, tant aux États-Unis qu'en Europe, puisqu'elle met en scène le racisme ordinaire. Dans un quartier nord de New York un jeune maire doit appliquer la loi en faisant construire 200 logements HLM répartis dans une communauté blanche de classe très moyenne. La levée de boucliers débouchera sur une situation absurde : la municipalité, étranglée par des amendes énormes pour ne pas suivre les arrêtés de la Justice, est menacée de banqueroute. Les tractations et les coups bas rappellent furieusement ce dont j'ai été témoin pendant les dernières élections municipales où nous nous étions investis Françoise et moi ! Si les plus honnêtes y laissent des plumes, les egos dirigent le jeu. La vie des habitants de la cité en est considérablement affectée. Comme précédemment pour The Wire (Sur écoute), Generation Kill et Treme, l'étude de caractères vériste, le respect des accents, le moindre détail sont si bien analysés que les différences de classe éclatent sur l'écran en une leçon politique, suffisamment fine pour échapper aux balourdises explicatives du cinéma où seuls adhèrent ceux et celles qui sont déjà convaincus.


Le rôle principal est tenu par Oscar Isaac déjà apprécié dans le formidable polar The Most Violent Year et la distribution comprend aussi Bob Balaban (en outre réalisateur de l'excellent et méconnu Parents), Jim Belushi, Catherine Keener, Wynona Ryder, etc. Les chansons de Bruce Springsteen et le rap qui accompagnent la mini-série sont la plupart du temps diffusées in situ, elles ne viennent pas des cintres ! Au moment où l'État français bloque les réfugiés qu'il appelle sans papiers pour ne pas accepter de leur en délivrer, les empêchant ainsi de vivre dans des endroits décents (sans papiers, pas de feuilles de salaire - sans feuilles de salaire, pas de logement), la projection de ces six épisodes est salutaire.

jeudi 3 septembre 2015

Transparent


Le préfixe trans permet quantité de jeux de mots depuis que le mouvement LGBT a fait son coming out. Les titres pulluleront probablement à l'instar de l'excellent film Transamerica réalisé il y a déjà dix ans par Duncan Tucker avec Felicity Huffman. Cette fois la nouvelle série télévisée, fine et caustique, se nomme Transparent en référence à la saga familiale dont le patriarche change de sexe dès le premier épisode. Ses trois enfants ont des vies bien barrées, mais en y réfléchissant sérieusement ne sommes-nous pas tous et toutes dans ce cas ? La famille (et j'm la faille) est une source intarissable de névroses que l'on réussit plus ou moins bien à gérer.


La première saison de 10 épisodes de 26 minutes est drôle, provocante et donne vraiment envie de voir la prochaine. Jill Soloway, sa scénariste et réalisatrice féministe qui a fait ses armes entre autres avec Six Feet Under, s'est inspirée de la vie de son propre père, mais je ne peux m'empêcher de comparer le pitch avec Appelez-moi Madame, le savoureux documentaire réalisé par Françoise Romand en 1986 et qui connut un succès considérable aux États-Unis. Au thème du genre particulièrement en vogue, l'humour juif rajoute une couche de comédie qui ravira les amateurs.

Diffusion en France sur OCS City.

mercredi 2 septembre 2015

Pistes (sonores) en montagne


Pendant les jours où nous étions entourés d'un brouillard à couper au couteau l'ordinateur diffusait une sélection musicale et passait en mode cinéma quand l'obscurité fatiguait nos yeux usés par des lectures assidues.
Mélodies veloutées, Yael Naim (She Was a Boy et Older qui a ma préférence) et Robert Wyatt (la double compilation Different Every Time) remportèrent tous les suffrages. D'autres voix résonnèrent avec succès dans la grande pièce faisant face à ce qui reste de neiges éternelles : Cathy Berberian (chantant Walton, Monteverdi, Debussy, Stravinski, Cage, Gershwin, Purcell), Jeanne Moreau (double compilation Jacques Canetti) et Barbara (double en public), le Live in Dublin de Leonard Cohen, Ute Lemper (en particulier Punishing Kiss où elle chante Nick Cave, Tom Waits, Elvis Costello, Neil Hannon et surtout Scott Walker)… Pour du musclé, moins adapté à notre retraite, coupé d'Internet et du téléphone, je diffusai Kendrick Lamar (To Pimp A Butterfly) et Dr Dre (Compton), plus politiques que je ne m'y attendais, bonne surprise… Ou encore Omar Souleyman (tous les albums se valent plus ou moins et Bahdeni Nami n'échappe pa s à la règle), Myriam Makeba et une grande sélection d'extraits de films de Bollywood avec Asha Bhosle, Kishore Kuma, Lata Mangeshkar… Je n'avais pas écouté Annette Peacock depuis des années et je redécouvris avec plaisir les nordiques, dont la Suédoise Jeanette Lindström, la CanadienneKyrie Kristmanson, la Norvégienne Sidsel Endresen et surtout la violoniste belge Liesa Van der Aa
N'ayant emporté aucun CD je me cantonnai aux mp3 entassés sur un petit disque dur. La flopée du label Tzadik ne risquait pas de nous laisser en panne sur le bord de la route ! Je sélectionnai les trucs les plus lyriques comme les hommages collectifs à Sasha Argov, Burt Bacharach, Marc Bolan, Tom Cora et Gainsbourg, ou encore David Krakauer, Cyro Baptista...). Nous avions aussi des albums de Roland Kirk, Quincy Jones, Michael Mantler, Barney Wilen (je réécoute inlassablement Moshi) et l'excellent Sheik Yer Zappa de Stefano Bollani, adaptation jazz très personnelle enregistrée en public en 2011. Le pianiste milanais y est accompagné par Jason Adasiewicz au vibraphone, Josh Roseman au trombone, Larry Grenadier à la contrebasse et Jim Black à la batterie. L'esprit de Zappa est parfaitement rendu, mais les improvisations s'éloignent heureusement des versions trop révérencieuses habituelles.


Pour faire le pont avec des êtres chers en vacances en Bretagne, Lors Jouin et Annie Ebrel, l'Acoustic Quartet de Jacky Molard étaient tout indiqués. Côté tango j'avais emporté Horacio Salgán. Ne pouvant me passer difficilement de quatuors à cordes, j'avais tous les derniers enregistrements du Kronos Quartet. Je voulais aussi réécouter des compositions de Julia Wolfe qui a cofondé le groupe de musique contemporaine Bang On a Can.
J'écoute de tout, les assemblages paysagers de Chassol, les mix formidables de Den Sorte Skole, les impros au synthé de Charles Cohen qui me rappellent furieusement ma période ARP 2600, Donald Berman jouant du Ives, Dudamel à la tête du Los Angeles Philharmonic Orchestra (mais le mp3 sied mal au classique), le solo de piano préparé d'Ève Risser, les 52 reprises de Katerine avec Francis et ses Peintres, triple CD de reprises passé presque inaperçu alors qu'il révèle de pures joyaux passés à la moulinette féroce du chanteur critique, Une saison en enfer conté en anglais par Carl Prekopp avec la musique remarquablement en phase d'Elizabeth Purnell, mélange d'orchestre, de field recording, d'électronique et de poèmes chantés en français par Robert Wyatt pour la BBC en 2009…
En tapant cette chronique je suis tout à coup saisi par des acouphènes qui me paniquent. Je coupe les haut-parleurs dont le timbre est probablement trop agressif. Je sors sur la terrasse, entouré par les pics pyrénéens. Le sifflement diphonique est passé doucement en écoutant les rapaces tourner autour d'un animal mort, et puis le silence est revenu. Silence impossible, composé des bruits infimes de la nature.

mardi 1 septembre 2015

Quel clafoutis !


J'avais prévu de commencer en douceur la reprise du blog après un mois de vacance ! C'était sans compter l'activité de notre quartier où hier matin la police a évacué de force et illégalement un squat occupé par des travailleurs africains chassés de Libye suite à la guerre entreprise par la France. Je reviens aujourd'hui avec un article plus gentil, puisque mon blog reste généraliste, malgré certaines tendances appuyées. Après l'action, un petit réconfort culinaire est donc le bienvenu !
Françoise a adapté la recette de clafoutis d'Olivia à tous les fruits de saison sous toutes les latitudes. Prunes, mirabelles, poires, pêches, abricots, framboises, cerises, myrtilles, ananas ont été noyés à tour de rôle sous la pâte légère. J'ignore pourquoi les clafoutis ressemblent souvent à des étouffe-chrétiens alors qu'ils peuvent enchanter nos papilles sans être le moins du monde bourratifs.
Beurrez un plat, saupoudrez un voile de sucre sur le beurre et placez les fruits. Mélangez au fouet manuel 3 cuillères à soupe de farine, 3 cuillères à soupe de sucre, 3 œufs, une pincée de sel, un demi-sachet de levure et un berlingot de crème fleurette. Recouvrez les fruits. Enfournez au four 50 minutes à 165-170°C. C'est tout. Vous m'en direz des nouvelles !