Le corniste Nicolas Chedmail a inventé un instrument diabolique qui aurait plu à mon camarade Bernard Vitet. Début 2001 Chedmail, spécialiste du cor naturel, soit un cor sans pistons utilisé en musique baroque où l'on sélectionne les notes en enfonçant la main dans le pavillon, a l'idée de fabriquer un instrument à plusieurs pavillons qui dirige l'air par un système d'aiguillage contrôlé par les pistons de son cor d'harmonie. En 2003 il décide de monter un orchestre basé sur ce principe, ce sera le Spat'sonore. Trente ans plus tôt on avait vu Vitet jouer d'un cor multiphonique à trois pavillons sur la scène du Festival de Châteauvallon avec le Portal Unit, mais cette fois ce sont huit musiciens et un écheveau de tubes qui place le public au centre de l'orchestre.
Le cor spatialisé de Chedmail possède quatre pavillons, l’un à deux mètres à droite, un autre à deux mètres à gauche, un à deux mètres devant en douche au dessus du public. Sur ce principe sont construits de nouveaux spat' à partir du saxophone, du trombone, du tuba et même du banjo et des percussions ! Les musiciens peuvent transformer les sons habituels, toujours purement acoustiquement, sans aucune amplification, avec différents accessoires, anches doubles, anches battantes, sourdines à eau, appeaux, ballons de baudruche, etc., multipliant les possibilités timbrales de leurs instruments. Sur le principe du jeu d'orgue les tirettes sont remplacées par les pistons.


La pénurie de partitions contemporaines pour le cor a incité Chedmail à inventer son propre instrumentarium après un séminaire avec le compositeur et trombone Vinko Globokar invité au CNSMD de Lyon par Jacques DiDonato. La magie des concerts du Spat'sonore tient à la multiphonie acoustique qui encercle et surplombe le public assis au centre de la pieuvre. Le dispositif rappelle un peu le Zwei-Mann-Orchester de Maurizio Kagel (il y a également trente ans !) pour la loufoquerie de cette nouvelle lutherie, mais avec, en plus, l'immersion acoustique où fermer les yeux emporte ici les auditeurs dans un paysage musical totalement inouï. Les compositions offrent des plages d'improvisation aux musiciens, de même que chaque lieu implique des ajustements pour les faire sonner. En s'adjoignant un chanteur de hardcore des années 80, Jean-Michel Pupin (ex GI Love), la musique, éminemment collective interprétée avec Thomas Beaudelin, Philippe Bord, Giani Caserotto, Julien Desprez, Roméo Monteiro, Maxime Morel et Joris Rühl, place une cerise sur le gâteau ! Alors offrez-vous, comme disait Jean Renoir, mieux qu'une tranche de vie, une tranche de gâteau !

Jeudi 8 octobre le Spat'sonore est à L'Archipel, 26bis rue de Saint-Petersbourg à Paris (séances à 18h, 18h55 et 20h45) dans le cadre du Festival "Le Classique c'est pour les Vieux") pour Des madeleines dans la galaxie.
Puis vendredi 9 (séances à 18h30 et 20h) et samedi 10 (séances à 15h, 16h30 et 18h) les huit musiciens seront au squat L'amour, 24 rue Molière à Bagnolet.