On peut aimer un peu, beaucoup, passionnément, à la folie, et même pas du tout Picasso, l'exposition présentée au Grand Palais rappelle l'extraordinaire influence que l'artiste exerça sur son temps et sur les générations suivantes. Exposant quantité d'œuvres d'autres artistes que le maître, Picasso Mania a l'avantage d'offrir un large éventail de styles, miroirs déformants des diverses périodes du génie espagnol dont les thématiques épousent explicitement la chronologie. Après un mur d'interviews vidéo de Laura de Clermont-Tonnerre et Diane Widmaier Picasso où témoignent Adel Abdessemed, John Baldessari, Frank Gehry, Jeff Koons, Bertrand Lavier, Philippe Parreno, Richard Prince, Julian Schnabel, Frank Stella, Sara Sze, Agnès Varda, etc., Salut l'artiste ! accumule les portraits de Picasso réalisés par d'autres (en photo par Maurizio Cattelan et Pei-Ming Yan). Le cubisme, un espace polyfocal ne peut représenter que l'original, puis David Hockney est la première des salles monographiques avec des montages Polaroïd, des toiles inspirées du cubisme et l'installation de 18 films synchronisés The Jugglers...


Grand Palais oblige, Picasso Mania s'attache plus aux artistes plasticiens qu'aux signes du quotidien, mais le cinéma est bien présent grâce à une installation audiovisuelle très godardienne, Le Tricycle de Fabrice Aragno et Jean-Paul Battagggia. Sur trois écrans s'entrechoquent des plans de Basic Instinct, F For Fake, Children of Men, Été précoce, Guernica, Indiscreet, Jules et Jim, Midnight in Paris, La pointe courte, Les plages d'Agnès, Le Mystère Picasso, Les rendez-vous de Paris, Persepolis, Suspicion, Zazie dans le métro et une demi-douzaine de films de Jean-Luc Godard ! Des extraits vidéographiques (Averty, des pubs...) et chorégraphiques (Preiljocaj, Maguy Marin, Martha Graham, Kader Belarbi...) s'y mêlent dans un ballet aléatoire où se réfléchit l'influence kaléidoscopique de Pablo Picasso.


Les demoiselles d'ailleurs décline celles d'Avignon à toutes les sauces, prostituées du monde de l'art. Avec C'est du Picasso ! on reconnaît l'influence de l'art africain dans ses portraits qui, retour à l'envoyeur, inspirent les masques de Romuald Hazoumé. Ambiguïté du post-colonialisme incarné Faith Ringgold, Robert Colescott, Leonce Raphael Pettibone...


Plus loin, Picasso Goes Pop ouvre sur des salles consacrées à Lichtenstein, Oldenburg, Erro, Warhol et aux Quatre saisons de Jasper Johns. La banalisation de l'art moderne passe par Picasso. Son nom seul est devenu le symbole de la création contemporaine, fracas hirsute où les couleurs explosent et où les pointes angulaires crèvent la toile des a-priori. Une installation vidéo de Rineke Dijkstra interroge de jeunes enfants sur La femme qui pleure, contrechamp laissant seulement imaginer le tableau.


Guernica, icône politique est une salle sombre où trônent une projection d'un film de Kusturica, un agglomérat d'animaux naturalisés d'Abdessemed (Who's afraid of the big bad wolf ?) et une monumentale table ronde de Goshka Macuga, sous une photo de la tapisserie ornant les murs du Conseil de sécurité des Nations Unies, où l'on est invité à prendre place, à débattre avec ses voisins puis à envoyer sa photo ou son témoignage au site de La nature de la bête... Après une salle consacrée à un hommage impertinent de Martin Kippenberger et aux "gribouillages" d'Un jeune peintre en Avignon, la dernière s'intitule Bad Painting où sévissent Georg Baselitz, Malcolm Morley, Basquiat, Vincent Corpet, George Condo, Antonio Saura, Julian Scnabel, Thomas Houseago dans une nouvelle figuration, retour de la narration, provocation du réel qui convie le sexe et la mort.


Je plaque des mots, j'accumule des listes, mais franchement c'est à voir !

Picasso Mania, Grand Palais, jusqu'au 29 février 2016