En découvrant la super critique de SuperJulie sur MilK Magazine je crains que les évènements récents colorent bizarrement notre application intitulée naïvement BOUM ! Or on ne peut tout de même pas laisser aux assassins et aux guerriers l'exclusivité des explosions quand elles peuvent être de joie et d'enthousiasme. Dans le cadre du Salon de Livre de Jeunesse de Montreuil notre équipe des Inéditeurs présentera d'ailleurs le roman graphique et sonore BOUM ! à des enfants le 3 décembre prochain à 15h30. Le graphiste Mikaël Cixous avait changé le titre initial Au boulot un peu rébarbatif par un BOUM ! moins résigné. Nous voilà donc devoir nous expliquer à l'heure des amalgames paranoïaques alors qu'adolescents, nous appelions boum une surprise-partie devenue la fête !


En revenant du métro dont les rames avaient été stoppées probablement à cause d'un colis suspect je croise ma nièce en colère. La nourrice de sa fille lui a annoncé qu'elle n'irait pas au parc, privant de sortie la gamine de six mois. Elle est aussi en colère contre elle-même d'imaginer le pire au coin de la rue. Tandis que je descendais à toute vitesse l'avenue Gambetta à vélo, puisque les transports en commun sont devenus de moins en moins sûrs, pas à cause des fous de dieu, mais suite aux mouvements de panique et aux précautions sécuritaires, je me suis moi-même demandé ce que je ferais si j'entendais un gros boum. Je me trouve stupide d'avoir de telles pensées, sachant que la probabilité s'est encore réduite avec les attentats de vendredi dernier. Chez de nombreux jeunes gens le sentiment de colère a remplacé la peur.


Tandis que je fais mes courses les commerçants se lamentent de ne voir personne entrer dans leurs magasins. Les rues sont vides. Les théâtres aussi. Terroriser la population est une méthode avérée pour détruire l'économie d'un pays, comme j'avais pu le constater au printemps pendant mon voyage en Tunisie. Or la meilleure façon de répondre à la terreur est de la mépriser, de sortir boire des coups, de se changer les idées dans les salles de spectacle... Je me souviens aussi des Sarajéviens en 1993 pendant le siège : contrairement à ce qu'affichaient les infos télévisées, personne ne courait en traversant la rue, les femmes se maquillaient à outrance pour que les Tchetniks qui les visaient voient de loin qu'elles les narguaient de toute leur beauté... Aujourd'hui dans les lieux publics on impose partout des vigiles qui ne servent évidemment pas à grand chose, mais sont censés rassurer les Parisiens. C'est pourtant en croisant des soldats armés jusqu'aux dents au détour d'une rue que je me sens le plus fragile. La politique débile du gouvernement qui bombarde la Syrie en tuant quantité de civils dont des enfants ne fait que mettre de l'huile sur le feu, et ce pour de honteuses raisons qui touchent plus au porte-feuilles qu'à la morale.


En espérant que de plus en plus de monde s'aperçoive quels sont les intérêts en jeu, et aussi ceux de chaque citoyen, je fais glisser les 104 pages du roman horizontal que j'ai sonorisé. Il faut continuer à rêver, vivre et agir pour que les explosions de joie remplacent le bruit des bombes partout sur la planète. Certes il faut relever les manches, mais avons-nous d'autre choix ?