Les journées d'hiver sont bien courtes. Cette première semaine de l'année commence mollement. Les administrations marchent au ralenti. Leurs sites Internet sont en maintenance. Raison de plus pour investir très tôt le studio, avant que le téléphone ait commencé à sonner et d'avoir l'esprit pollué par quoi que ce soit ; tout frais, j'attaque un grand projet personnel entamé il y a une dizaine d'années et les mots de la première chanson me viennent aisément. Les rimes coulent de source. L'après-déjeuner suggère des travaux plus mécaniques comme copier des reportages sonores que j'ai enregistrés sur cassette il y a trente ans ; la corbeille de la Bourse est facilement datable puisqu'elle a été remplacée par des traders devant leurs écrans d'ordinateur en 1987. J'utilise des bandes encore plus anciennes comme la roulette du Casino de Deauville que les élèves croupiers avaient fait tourner pour nous et un soir de 14 juillet qui, associé aux cris du Palais Brongniart, sonne comme une charge de CRS. J'avais déjà calé les voix de mon père et de ma petite sœur rescapées des années 50. Au fur et à mesure de la journée j'avance doucement sur les pièces suivantes, mais quand tombe la nuit je bifurque vers des travaux manuels pour lesquels je n'ai a priori aucune appétence.


Les ouvriers nous faisant poireauter depuis des mois, je passe au bricolage sauvage. Ayant réussi à faire tenir le nouveau radiateur électrique du studio en équilibre sur les anciens supports, je recolle le miroir des toilettes et fabrique un système de fortune pour avoir une lampe agréable derrière soi lorsque l'on souhaite y avoir de saines lectures comme la revue Schnock ou le Manuel de survie. Pendant qu'Armagan et Christophe nous racontent leur séjour en Géorgie je fixe des petits miroirs sur la porte du réfrigérateur avec du ruban adhésif double face très costaud, histoire de pouvoir jeter un coup d'œil à sa silhouette avant d'entamer le repas. Mais est-ce bien raisonnable, alors que je ne le suis pas ?