Certaines mamans disent que leur bébé leur a laissé un petit cadeau lorsque leur progéniture a fait caca dans ses couches. Loin de moi l'idée d'analyser les tenants et aboutissants freudiens de cette remarque charmante, mais je me demande tout de même à quoi pensent les artistes Ella & Pitr lorsqu'ils nous envoient pour les fêtes une superbe crotte téléguidée ? Est-ce une critique ou un hommage à l'art conceptuel de Piero Manzoni avec ses 90 boîtes de conserve, à l'étron gonflable de Paul McCarthy, à la machine à caca de Wim Delvoye, à l'auto-portrait de merde du photographe Andres Serrano, aux peintures de Jacques Liziène, à la Shit Fountain de Jerzy S. Kenar, à la Vénus de Milo en caca de panda de Zhu Cheng, aux toiles de Christopher Ofili en caca d'éléphant, à celles en béton de Kamiel Verschuren, à The Home-Coming of Navel Strings de Noritoshi Hirakawa, au collectif Sprinkle Brigade, au street artist Gold Poo et tous les anomymes à avoir recouvert l'étron de peinture dorée ? L'idée était tentante, il est vrai.
Comme je fais avancer, reculer, tourner Cacatelec pour le plus grand bonheur des scatologistes de mes amis je repense au gag du porte-feuilles attaché à un fil invisible que l'on tire lorsqu'un passant essaie de le ramasser. Mais qui irait ramasser une crotte qui ne lui appartient pas ? Déjà que la plupart des propriétaires de chiens de mon quartier laissent leurs bêtes chier sur le trottoir avant de filer à l'anglaise... Ella et Pitr ont l'habitude de fabriquer toutes sortes d'objets dérivés à partir de leurs affiches, et c'est probablement dans leurs carnets intimes où ils croquent leur vie quotidienne avec leurs deux enfants qu'il faut chercher la référence à leur amusante provocation. J'ai entendu dire qu'ils pourraient produire bientôt quelques unes de ces drôles de machines qui interrogent néanmoins fondamentalement nos objets de consommation, et notre consommation tout court. Pas question pour autant de marcher dessus du pied gauche sans la casser ! Mon père écrivait W6496 qu'il retournait dans le miroir, on jurait en commençant par M... que l'on terminait par "... ercredi prochain !", ma grand-mère avait coutume de me dire "merde !" avant chaque composition, mais il ne fallait surtout pas répondre "merci" pour que cela porte bonheur... Cette histoire me laisse perplexe, car je n'ai ni roulettes pour filer, ni télécommande qui oriente ma réflexion, ni rien, mais rien du tout, c'est juste la merde à l'image de l'année qui vient de se terminer !

N.B.: dans un tout autre esprit que Cacatelec (rue du faubourg Saint-Honoré oblige !), ce soir jeudi à la Galerie Lefeuvre a lieu le vernissage de l'exposition collective Paper ℗arty 3 avec Paul Insect, Mist, Pixel Pancho, Daniel Muñoz 'San') où Ella et Pitr signeront leur nouveau livre Baiser d'encre, recueil de dessins de leurs carnets intimes (attention, même titre que le film que Françoise Romand leur a consacré, DVD également disponible sur Superbalais).

P.S.: puisqu'on en est là je recommande très sérieusement la lecture passionnante du livre Le charme discret de l'intestin de Giulia Enders chez Actes Sud, somme fabuleuse d'informations sur notre second cerveau racontée avec humour et perspicacité !