Si Philippe Falardeau change de style à chaque nouveau film, il suggère toujours des sujets graves sous l'angle de la comédie. Après son documenteur La moitié gauche du frigo, il avait réalisé Congorama, C'est pas moi je le jure !, Monsieur Lazhar et The Good Lie, tous ces longs métrages valorisant le mensonge comme élément dynamique de l'histoire. Guibord s'en va-t-en guerre ne déroge pas à la règle, puisqu'il met en scène un homme politique, la caricature ne pouvant jamais arriver à la cheville de la réalité, même si son analyse critique est fine et savamment inspirée. L'idéologie est, comme partout aujourd'hui, enfoncée par la stratégie, moteur d'une caste d'ambitieux avides de pouvoir. Steve Guibord, interprété par Patrick Huard, n'est pas un foudre de guerre, simplement le député indépendant de Prescott-Makadewà-Rapides-aux-Outardes, circonscription du nord du Québec, du moins dans le film, car si c'est à l'image du faux site du député Guibord, on aura du mal à la situer sur la carte du Canada. Or Guibord possède l'unique voix qui pourrait faire basculer la Chambre des communes pour ou contre la guerre au Moyen Orient.


La satire québécoise peut sans hésiter s'appliquer à notre propre classe politique, plus encline à se placer sur le marché du travail qu'à défendre un programme cohérent. Les enjeux ne sont pas éloignés des nôtres, et les petits arrangements rivalisent avec les fausses promesses. Entouré d'une femme businesswoman, d'une fille rebelle et d'un stagiaire haïtien citant Jean-Jacques Rousseau à tout bout de champ, le député Guibord doit trouver un terrain d'entente entre les natifs qui montent un barrage sur la route et les bûcherons qui déciment la forêt, tout en mettant les médias dans sa poche. Ne sachant pas quoi penser, il ouvre une "fenêtre de démocratie directe" en interrogeant ses électeurs... N'allez pas croire pour autant que le cinéaste soutienne le "tous pourris", mais il me laisse penser que le tirage au sort pourrait être la meilleure alternative à la bande d'incompétents professionnels à la solde des banques qui nous gouvernent !
Sortie en France le 15 juin 2016