Le Pôle de Coopération pour les Musiques Actuelles en Pays de Loire en partenariat avec Le Petit Faucheux, Fraca-Ma et Le Jazz est Là publie un quatre pages d'une enquête sur la situation des musiciens du secteur des musiques actuelles se produisant sur scène, professionnels on non.
J'ai toujours des réserves sur ce genre d'enquête réalisée à partir d'un questionnaire et aboutissant à des pourcentages a priori représentatifs pour son formatage excluant quantité de cas particuliers n'entrant pas dans les cases, de précisions personnelles qui éclaireraient autrement les résultats. L'an passé je m'entretins moi-même avec nombre de musiciens, producteurs de disques, directeurs de salles et de festivals, disquaires, distributeurs, journalistes en vue de réaliser un long article commandé à l'origine par Le Monde Diplomatique. Les raisons qui me firent abandonner, du moins provisoirement, en tout cas dans la cadre de ce mensuel, ne sont pas extérieures aux témoignages reçus, ceux-ci réfléchissant les difficultés, absurdités et scandales de ce milieu professionnel, somme toute assez proche des autres mondes du travail. Je reviendrai sur cette douloureuse affaire un de ces jours en espérant avoir le courage de mettre noir sur blanc le résultat des vingt heures d'interviews déjà réalisées. C'est dire que l'enquête coordonnée par Claire Hannecart m'intéresse vivement malgré les réserves exposées plus haut.
Elle note d'abord que 88% des musiciens de jazz et musiques improvisées sont des hommes, un peu moins que la moyenne nationale des 33 400 musiciens et chanteurs intermittents dont seulement 23% sont des femmes. Bien qu'ils multiplient les projets, jouant aussi bien en leaders qu'en sidemen, leur statut d'intermittent est fragile, 80% d'entre eux n'étant pas certains d'avoir leurs heures à échéance de leurs droits. Les deux tiers d'entre eux ont suivi un enseignement de plus de dix ans. Le même pourcentage s'applique à ceux qui vivent de la musique, mais 83% perçoivent moins de 25 000 € par an. Les trois quarts s'impliquent dans une association et 39% investissent personnellement plus de 500 € dans la production discographique. Le tiers d'entre eux voyagent à l'étranger. En entrant dans les détails on lit qu'il y a 41% d'intermittents contre 25% ne remplissant pas les conditions nécessaires, les 34% restants sont des amateurs. Le quart vit essentiellement d'activités pédagogiques, mais 58% y ont recours en complément. L'âge moyen du musicien de jazz étant de 36 ans, on comprend que beaucoup lâchent en marchant. Ils sont sinon obligés de participer à des projets musicaux qui n'ont rien à voir avec leur passion. Les répétitions sont rarement payées, soi-disant 24% et 40% des intermittents mais avec seulement une répétition rétribuée sur cinq, chiffre dont je doute franchement, car si l'on compte le temps d'entretien personnel le chiffre global devrait s'approcher plutôt de zéro ! Il y aurait énormément de choses à dire sur ces chiffres, qui sont d'ailleurs plus détaillés dans le document PDF.
Par exemple sur le statut et le rôle des femmes dans les orchestres, sur le parcours des autodidactes, sur le grand écart d'une musique à l'autre dans cette catégorie du jazz et des musiques improvisées, terme aussi vague que celui de musiques actuelles, sur les conditions monstrueuses que proposent certains clubs, sur l'économie secrète qu'ils entretiennent, sur la paresse des programmateurs, sur la misère de la presse spécialisée... Il faudrait comparer avec les musiciens étrangers, ici et dans leurs pays, évaluer l'impact des mises de fond, révéler les attributions de subventions et la répartition des droits d'auteur puisque nombreux sont aussi compositeurs, etc.