Le jeune pianiste japonais de 28 ans Koki Nakano avait déjà écrit des pièces pour violoncelle et piano avant de composer pour Vincent Segal. À ses pièces il donne parfois le nom des lieux où il séjourne, manière de tenir son journal de voyage à travers une Europe dont il connaît bien la musique. On reconnaît ici ou là la musique classique française ou allemande, de même que son appétence pour le jazz et la pop lui permettent d'assimiler toutes ses influences dans son monde musical personnel. Certaines pièces sonnent plutôt classiques, d'autres répétitives. Sa diversité fait pourtant unité, entre romantisme décomposé et minimalisme exubérant. La virtuosité n'y cache jamais le lyrisme.


Vendredi soir Nakano et Segal jouaient dans le Grand Foyer du Théâtre du Châtelet dans le cadre du Festival Nø Førmat devant 200 spectateurs vernis. Les concerts acoustiques sans amplification permettent de jouir de la musique dans ses moindres nuances. Je ne comprends pas que des musiciens poussent les décibels comme on joue des muscles. Les systèmes de sonorisation rendent rarement grâce à la musique. Privilégier le volume, c'est sacrifier le timbre.
L'équilibre était parfait. Le pianiste retenait astucieusement le Fazioli et le violoncelliste, tournant les pages de sa partition sur iPad grâce à une pédale, voletait autour et zébrait l'espace avec une précision d'horloger.


Deux heures plus tard, le même soir, Vincent Segal et Ballaké Sissoko interprétaient leur Musique de nuit dans la grande salle bondée du Châtelet. Très légèrement amplifiés, la kora et le violoncelle résonnaient dans une intimité de proximité pour chacun et chacune quelle que soit sa place. Les deux musiciens se connaissent depuis si longtemps qu'ils peuvent improviser autour de leurs compositions, sans avoir besoin de partition, contrairement au concert de 18h où la mise en place rigoureuse des rythmes l'exigeait. Chaque fois le violoncelliste montrait que la musique est avant tout une histoire d'écoute et d'amitié, bien au delà du discours sur le franchissement des frontières musicales et culturelles.

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