Il y a un temps pour tout, et en musique à chaque moment de la journée, en fonction du lieu, selon les conditions climatiques ou nos accompagnements correspond un style, et ce pour chacun. Ainsi le matin, dans la chaleur du sauna, je choisis soit des évocations radiophoniques, soit de la variété internationale. Encore qu'il me soit arrivé de réécouter des CD que j'avais déjà chroniqués comme le White Desert Orchestra d'Ève Risser, le We Free d'Alexandre Saada, le Velvet Revolution de Daniel Erdmann, le duo Nakano-Segal ou Ursus Minor.
Comme j'y sue une vingtaine de minutes je m'y reprends forcément en plusieurs fois pour écouter un disque. Cela tient du feuilleton lorsqu'il s'agit du coffret 10 ans d'essais radiophoniques, du studio au club d'essai de Pierre Schaeffer ou, à moindre durée, de l'ACR France Culture On Nagra : il enregistrera de Yann Paranthoën. Ici, l'histoire d'un magnétophone mythique, là les grandes heures de la radio 1942/1952, dans les deux cas les bases de la création sonore par ses acteurs et ses instruments... La voix y tient un rôle majeur, tant dans la fiction que le documentaire. Schaeffer a découpé sa démonstration en quatre parties (la mise en ondes, le texte et le micro, l'écran sonore, la radio et ses personnages), mais je préfère le titre de certaines sous-parties comme La part du rêve, Le décor sonore, L'homme et les machines, Psychanalyse des voix ou le reportage sur la Libération de Paris en 1944.
Quant à la variété internationale, je profite de mon inactivité pour écouter les albums récents de chanteurs pop/folk comme David Crosby, toujours aussi nostalgique, Leonard Cohen, plus sombre que jamais, Joe Henry, chouette sans jamais égaler son Scar, des trucs plutôt calmes en somme. La chaleur des convecteurs me dissuade d'emporter les livrets que je crains d'abîmer, bien que ce soit une vue de l'esprit, car les infrarouges se moquent du papier. Par contre je gis les yeux fermés, concentré sur ma respiration et sur ce que j'entends...
Ainsi je découvre Bon Iver que m'ont conseillé deux jeunes musiciens contemporains danois qui trouvent ce groupe révolutionnaire ; c'est très bien, comme Radiohead, mais cela n'a rien de "révolutionnaire" à mes oreilles, pas plus que les drones ou la noise. La Monte Young ou l'indus existaient déjà il y a 50 ans ! La nouvelle jeunesse n'a pas de point de comparaison, n'ayant simplement jamais vécu de période renversante telles qu'en produisirent le rock 'n roll, les Beatles, le Flower Power psychédélique, le free jazz du Black Power, les répétitifs américains, le reggae des îles, le rap du ghetto, la techno des raves, les musiques improvisées hors jazz, etc., tous mouvements qui dérangèrent fondamentalement nos habitudes musicales. Ajoutez le printemps 68 sur toute la planète, quand nous espérions sérieusement refaire le monde. L'idée de révolution semble pour eux un concept ancien auquel ils répondent généreusement, par exemple en adhérant à des collectifs DIY. Ils ne croient pas que l'on puisse un jour inventer quelque chose de radicalement différent de ce qui s'est fait jusqu'ici, alors que je rêve de trucs impossibles, préoccupé par mon projet spéculatif sur lequel je reviendrai certainement dans quelques mois ! Il existe des artistes indépendants qui sortent des sentiers battus, mais aucun mouvement nouveau n'a vu le jour depuis des lustres, phénomène lié à la désaffection des majors à prendre le moindre risque... Quoi qu'il en soit, je suis super content d'écouter les trois albums foisonnants de Bon Iver dont j'ignorais tout...