Comme de nombreux lecteurs encore abonnés à Télérama, il y a longtemps que je ne lis plus que les pages magazine, laissant collées celles consacrées à la télévision. Habitant Paris, je feuillète également le Petit Journal, mais depuis quinze ans j'achète une incroyable quantité de papier dont je n'ai aucun usage, préférant la matière des quotidiens pour allumer le feu dans l'âtre. Cela ne coûterait-il pas moins cher de fabriquer une édition plus mince, moins d'arbres à couper, moins de poids à la Poste ?
Les jeunes ne regardent plus la télévision, préférant le replay sur Internet, mais ce ne sont pas les seuls ! La multiplication des chaînes a joué contre elle : avec les chaînes thématiques s'est constitué un communautarisme des programmes là où dans le passé la pauvreté quantitative de l'offre obligeait à un universalisme de qualité. Internet assume dorénavant cet encyclopédisme œcuménique. Avec la recherche en ligne, le programme quotidien du magazine est devenu également inutile, sauf pour les personnes âgées attachées à leur fauteuil.
Il n'existe à ma connaissance plus beaucoup de magazines culturels embrassant la presque totalité du champ. Les quotidiens comme Le Monde et Libération passés idéologiquement à la réaction sont trop énervants pour que je puisse encore les lire et leur offre culturelle s'est considérablement réduite à force de suivre la loi du marché. Il est étonnant que Télérama ait résisté jusqu'ici au rouleau compresseur du Monde qui a racheté le magazine en 2003, affichant une ouverture d'esprit dans sa tradition catho de gauche, devenue rare aujourd'hui, les pages culturelles du Monde Diplomatique, très anecdotiques, restant bien en dessous de ce que l'on pourrait en espérer.
Me voilà donc surpris d'attendre mercredi pour feuilleter l'actualité artistique de la semaine ou du mois à venir. Profitant de rabatteurs (parmi mes amis) qui m'indiquent de temps en temps des sujets susceptibles d'alimenter mes articles, je fus récemment heureux de découvrir Chinese Man sous la plume de Frédéric Péguillan ou Sons of Kemet sous celle d'Éric Delhaye dans le Petit Journal, deux groupes qui m'avaient échappé et tournent depuis sur ma platine.


Petit a parte sur Sons of Kemet, quartet de jazz anglais dirigé par le saxophoniste Shabaka Hutchings, Londonien d’origine caribéenne, à qui l'on doit deux albums, Burn et Lest We Forget What We Came Here To Do, à la croisée du rock et de la musique africaine avec un jeu de jambes irrépressible venu des îles. Leur côté roots résume la musique à l'indispensable. Accompagné par le tubiste Oren Marshall (ou Theon Cross) et les batteurs Seb Rochford et Tom Skinner, Hutchings joue avec une fougue communicative, au ténor ou à la clarinette, interrogeant l'identité des Caraïbes dans ses compositions. Sans qu'il ressemble à aucun d'eux, je n'ai pu m'empêcher de penser à Dolphy, Rollins, Ayler, Coleman, quand le soleil vient frapper nos peaux décolorées. Hutchings est aussi féru de musique contemporaine et a initié depuis d'autres projets comme le trio, electro free, The Comet Is Coming. Les clips vidéo sont ici !
Retour à Télérama où les articles de société sont toujours intéressants quel que soit le regard critique que l'on porte soi-même sur le monde qui nous entoure. La présentation des sorties cinématographiques est exhaustive. Le choix de certains chroniqueurs est parfois catastrophiquement restrictif lorsqu'il se focalise sur un genre très convenu comme Michel Contat pour le jazz, mais on peut suivre des pistes ici ou là, que ce soit pour les sorties de livres, les expositions, les sorties ou des musiques qui ne sont pas a priori dans notre champ de vision...