Malgré le choix absurde de la plupart des votants qui n'ont pas compris le tour de passe-passe de garder les mêmes en changeant de nom (En Marche remplaçant le PS avec les mêmes et une politique qui glisse, qui glisse toujours plus à droite), nous sommes heureux d'avoir ravi trois circonscriptions au PS en élisant Alexis Corbière (Montreuil, Bagnolet), Sabine Rubin (Les Lilas, Romainville, Noisy-le-Sec, une partie de Bondy), Bastien Lachaud (Pantin), candidats de la France Insoumise. Dans notre bastion de résistance du 93 (sept circonscriptions sur douze avec Marie-Georges Buffet du PCF et Clémentine Autain d'Ensemble), nous respirerons peut-être un air local un peu plus sain. La soirée était déjà plutôt sympathique lorsque Franpi Barriaux a publié, dans l'édition de la semaine commençante, un bel article sur l'album Long Time No Sea de notre trio EL STRØM en l'honorant d'un ÉLU CITIZEN JAZZ, un disque rouge comme notre banlieue !

"Tenir entre ses mains un disque de Jean-Jacques Birgé enregistré depuis le début de ce siècle est déjà un événement en soi. Non que l’iconoclaste explorateur du chant des machines et du son des objets n’ait pas enregistré durant cette longue période. Nous l’avions noté, il y a quelques années dans un dossier qui lui était consacré, la majeure partie de sa discographie est désormais en ligne : quatre albums en 2016, et des dizaines de références. Parmi celles-ci, on retrouve la chanteuse danoise Birgitte Lyregaard, dont Jean-Jacques avait parlé ici même et le percussionniste et électronicien Sacha Gattino. Ils forment avec Birgé le trio El Strøm, le courant en danois, curiosité qui mêle la poésie, les langues, les images, les collages sonores dans une lente divagation qui se réclame d’une liberté farouche, où l’humour n’est jamais loin… Long Time No Sea, jeu de mot qui donne le titre au disque rappelle également que si courant il y a, il ne ressemble en rien à un long fleuve tranquille.
Ainsi « Paris », courte description déconstruite en forme de tentative d’épuisement d’un lieu témoigne à la fois d’une grande attention collective et d’une légèreté revendiquée. La voix très souple de Lyregaard, qui peut passer du babil à une scansion parfaite en quelques instants, est le fil d’Ariane d’un voyage imaginaire mise en scène avec soin. Le cinéma pour les oreilles est indubitablement l’une des obsessions de Birgé. Ici, à force de sons acides, de voix troublées quand elles ne sont troublantes, on s’identifie à une superproduction. Les petites virgules colorées exécutées tant par des trompettes à anches et des potentiomètres que par des idiophones et autres tambours, créent un contexte féerique et surnaturel qui s’exprime à merveille dans le long « Sound Castles » qui ouvre l’album. Ce n’est pas anodin ; la pochette où s’étale une rougeoyante flèche en néon est une invitation pressante à passer de l’autre côté du miroir, où l’étrangeté règne sur une étendue de grincements cristallins et de voix mutantes. On pénètre toujours plus loin dans un taillis touffu de tintements, ténébreux mais rarement inquiétant. C’est une chute au ralenti dans l’inconnu avec la certitude d’un atterrissage sans dommages.
Jamais peut-être depuis Un Drame Musical Instantané Jean-Jacques Birgé n’avait fait montre d’une telle gourmandise pour la narration. Il le doit à ses deux compagnons qui marchent du même pas. Lorsque sur « Mécanique Cantiques », Lyregaard souffle un poème aux creux de nos ouïes assaillies d’harmonicas et d’instruments-jouets, il flotte sur Long Time No Sea une douceur enfantine qui se traduit par un goût insatiable pour le jeu, le hasard et le fortuit. Mélangé à quelques parti-pris ésotériques qui ne sombrent pas dans le mysticisme (« Dark Waters », et ses percussions pleines d’écho), il en résulte une œuvre ensorcelante comme un sortilège qu’on ne voudrait rompre sous aucun prétexte. Un monde parallèle dont nul fâcheux prince charmant n’aurait la mauvaise idée de vouloir nous délivrer. C’est impossible, d’ailleurs : le courant est trop fort."
(Franpi Barriaux, Citizen Jazz)

→ El Strøm, Long Time No Sea, CD avec Jean-Jacques Birgé (cla, fx, reed tp, hrm, objets), Birgitte Lyregaard (voc), Sacha Gattino (perc, dms, hrm, objets), Disques GRRR, dist. Orkhêstra, 15,50€