Deux disques enregistrés à onze ans d'intervalle réunissent ces Canzoni della Cupa. Aux chansons de Poussière répondent celles de l'Ombre. Les premières sentent la terre d'Italie, la sueur du travail au soleil, l'exploitation des paysans. La Lune éclaire les secondes, révélant ses fantômes, bêtes imaginaires de contes cruels, qu'une seule personne à la fois peut contempler. Chaque auditeur en fera l'expérience. Le premier disque respire l'authenticité de la musique traditionnelle du sud de l'Italie, pleine d'entrain, syllabes aux consonantes rapidement articulées qui donne le courage de moissonner et l'envie de danser. Le second a traversé l'Atlantique à la manière d'un Sergio Leone. Il Treno rend d'ailleurs hommage à la musique d'Ennio Morricone...


Si j'étais séduit par les chants à gorge déployée qui doivent s'affranchir de la poussière, je tombe sous le charme de la voix devenue grave de la rock star considérée comme le "Tom Waits italien", Vinicio Capossela, qui l'a posée pour tout bagage sur la nouvelle terre, rappelant le velours envoûtant d'un Leonard Cohen. Une autre côte orientale éloignée de la mer, un autre sud. En Californie la musique s'est enrichie de la proximité du Mexique et du désert texan. La nuit a succédé au jour. Le bestiaire s'est élargi à des animaux imaginaires ou du moins à leur incarnation païenne. Après ce voyage dans le temps et dans l'espace, comme tout immigré j'ai aimé revenir aux origines, là où l'inconscient va puiser son inspiration, là où naissent les légendes que s'approprient les poètes. Je navigue ainsi d'un disque à l'autre, selon l'heure et l'humeur.
L'album manquant d'un livret conséquent, on peut trouver toutes les informations sue le site de Capossela, en particulier un copieux livret en anglais et en italien avec les paroles des chansons, la longue liste des musiciens, des index des créatures, des lieux et des personnages qui hantent ce magnifique double album.

→ Vinicio Capossela, Canzoni della Cupa, 2 CD Accords Croisés / Pias, sortie le 26 août 2017