Le quartier se transforme, mais on n'y gagne pas au change. Nos charmants voisins africains ont été expulsés par de sinistres brutes. On me dit que le nouveau propriétaire du bâtiment occupé depuis trois ans par ces travailleurs "sans papiers français" voudrait en faire un centre de remise en forme. Il est certain qu'après tout ce temps et dans les conditions spartiates où ils étaient relégués les Baras en auraient bien besoin ! Comble d'humour noir, en agrandissant l'une des photos prises hier matin, je m'aperçois qu'avenue Gambetta à Bagnolet les CRS à la poursuite des récalcitrants s'échauffaient justement devant un autre de ces centres...


Je continue à jouer à Blow Up avec mes photos de l'intervention musclée de la police qui n'a pas seulement viré les Baras de la rue rené Alazard, mais qui les a pourchassés jusqu'à la Mairie, puis de Gallieni jusqu'à sous l'échangeur de la Porte de Bagnolet en les sommant de se disperser. Je ne peux m'empêcher de fredonner les paroles du film de Jacques Demy, Une chambre en ville. Aux flics qui ordonnent "Dispersez-vous, rentrez chez vous, nous ne voulons pas d'incident, retirez-vous dans l'ordre et le calme !" les grévistes répondent "Laissez-nous passer, nous ne partirons pas, nous sommes ici pour défendre nos droits, pour nos femmes et nos enfants et les enfants de nos enfants, POLICE MILICE, FLICAILLE RACAILLE..." Derrière le visage avenant du CRS qui me menaçait, sur le camion chargé des parpaings que d'autres Africains cimenteront toute la journée pour empêcher l'accès au local, on peut lire Trouillet. Mais c'est plutôt de l'énervement qui sort partout des fenêtres des riverains insultant sur leur passage la meute des Robocops...


Tout le quartier est en émoi. Nous avions presque tous et toutes sympathisé avec ces deux cents jeunes hommes, plus tranquilles qu'aucun autre voisin. Les maires de Bagnolet et des Lilas ont du souci à se faire pour leur avenir s'ils continuent à nous balader de paroles en promesses sans se bouger pour trouver une solution humaine au problème des Baras. Daniel Guiraud et Tony di Martino prétendent qu'il n'y a aucun bâtiment vide pouvant les accueillir alors que des réquisitions sont évidemment nécessaires. Déjà que les socialistes ont perdu les législatives dans toutes les villes limitrophes de Pantin à Montreuil au profit de la France Insoumise, cette manifestation de leur impuissance ou de leur complicité n'arrangera pas leurs affaires (immobilières).