Il fallait voir les habitants du quartier de la Dhuys à Bagnolet penchés à leurs fenêtres le matin du 30 juin. Il y avait un parfum de 14 juillet, sauf qu'ils n'applaudissaient pas l'Armée Française, ils huaient les CRS et la police qui poussaient les Baras hors de la rue René Alazard. L'amitié et la solidarité développées au cours de trois années entre les voisins et les anciens travailleurs africains chassés de Libye par la guerre que notre pays fit à Khadafi s'exprimaient dans la plus grande émotion. Nous avons rencontré ainsi quantité de Bagnoletais dont nous ignorions qu'ils étaient si nombreux à incarner ce que la France a perdu sous les coups de butoir d'un État cynique et autoritaire, l'ex-patrie des Droits de l'Homme. Ils s'organisent aujourd'hui pour aider ces 200 jeunes hommes chassés du bâtiment qu'ils occupaient et qui se retrouvent à grossir les rangs des SDF. Regroupés sous le pont au métro Gallieni, ils dorment par terre sous la pluie. Le Préfet leur a interdit de monter la moindre tente, menaçant de leur envoyer une fois de plus ses Robocops qui ne rêvent qu'à en découdre.
Vendredi soir lors du Conseil Municipal, après une minute de silence en l'honneur de Simone Weil, le maire socialiste de Bagnolet, Tony di Martino, a donné la parole au délégué des Baras qui lui a réclamé d'ouvrir un lieu provisoire pour les abriter et d'intercéder en leur faveur auprès du Préfet, responsable, avec le nouveau propriétaire, de l'expulsion musclée dont ils ont été une fois de plus victimes. Les Baras demandent aussi que les deux d'entre eux incarcérés au CRA de Mesnil-Amelot soient libérés. Le maire semble sincère lorsqu'il raconte n'avoir été prévenu de l'intervention des CRS que lorsqu'elle avait déjà commencé. Est-il par contre suffisamment compétent quand il affirme ne pouvoir rien faire et n'avoir aucun lieu disponible ? Pendant que le nouveau député membre de la France Insoumise, Alexis Corbière, sort de la salle (où il n'était que spectateur) pour appeler Pierre-André Durand, le Préfet de la Seine-Saint-Denis, et le convaincre d'un peu d'humanité, une responsable de l'association Amatullah insiste auprès du maire pour qu'on permette aux Baras de dormir la nuit, car beaucoup travaillent le lendemain matin, certes exploités sauvagement par des entrepreneurs sans scrupules. Cette association sert entre autres des repas aux populations démunies ou en situation précaire... Les chefs de groupe de l'opposition (PCF, PG) soulignent la situation d'urgence...


Mais le Préfet, engagé volontaire dans l'armée (musique de la 2e section aérienne !), ancien élève de l'ENA et collaborateur d'Estrosi, reste inflexible. En Seine-Saint-Denis la loi n'a pas changé, mais depuis sa nomination les conditions de son application se sont considérablement durcies. Il enverra les forces de l'ordre si la moindre tente est montée à Gallieni. Son sous-préfet affirme néanmoins au député Alexis Corbière que les procédures de régularisation de la plus grande partie des Baras pourraient être simplifiées et accélérées. Faut-il le croire ou est-ce une promesse de plus qui ne sera pas tenue ? Le Préfet étant parti en week-end, une réunion d'urgence pourrait avoir lieu lundi ou mardi. Car en l'absence de régularisation, les Baras, dont le nom signifie travailleurs en bambara, sont des sans-papiers corvéables à merci. Les conditions normales sont impossibles à remplir. Comment prouver qu'ils sont là depuis plus de cinq ans quand ils sont engagés au noir et payés en liquide, sans adresse légale ? Comment produire un contrat de CDI quand tant de Français accumulent les CDD sous la responsabilité illégale de leurs employeurs ? La déléguée de RESF est présente, comme celui de la Ligue des Droits de l'Homme qui de plus siège au conseil municipal et a demandé au maire que les Baras puissent s'exprimer. Les Baras sont-ils condamnés à errer de squat en squat dans l'attente d'une résolution humaine ?

Vous pouvez les soutenir en venant ce soir samedi 1er juillet à partir de 19h, comme prévu avant leur expulsion, Place de la Fraternité à Montreuil, métro Robespierre. Il ne pleuvra plus ! On y mangera du mafé ou du tiep (dont une version végane), on y boira du bissap, du gingembre ou de la bière, il y aura de la musique. Les députés Alexis Corbière et Sabine Rubin se sont engagés à venir... Dans quel pays vivons-nous ? Pouvons-nous accepter que des êtres humains soient traités ainsi, sous une nouvelle forme d'esclavage ? Soyons nombreux, c'est important pour l'avenir !