J'avais laissé tomber le film de Brady Corbet après un quart d'heure. La partition pour orchestre de Scott Walker m'incite à y revenir. Sombre, brutale, tendue comme un arc, la musique met les nerfs en pelote. Des blocs de cordes assassins tombent des cintres comme un pendu au bout d'une corde, le couperet de la guillotine ou un peloton d'exécution. Mortel. C'est du gros lourd. Plus sommaire que ce que le chanteur écrit dans ses derniers albums expérimentaux, sa musique de film répond aux lois du genre, rappelant par endroits certains scores de Bernard Herrmann. La musique de film ne fait pas souvent dans la dentelle, elle doit rester complémentaire de l'image et de l'action, ne pas occuper tout l'espace. Le corps est éviscéré, le squelette à peine dépouillé de sa peau. Les cuivres accentuent la pomposité de ce film ambitieux...


Inspiré par une nouvelle de Jean-Paul Sartre, The Childhood of a Leader (L'enfance d'un chef) fut tourné sous deux versions, anglaise et française. Je n'arrive pas à m'intéresser au sort de l'enfant, encore moins au rapport de causalités qui ferait de son éducation par des parents autoritaires un futur dictateur. La transposition de la honte générée par le Traité de Versailles qui se conclut là en 1919 à celle que tente de lui infliger un monde d'adultes déconnecté tient d'un symbolisme balourd. La psychologie du film provient d'un comportementalisme réducteur, loin de la complexité analytique susceptible de révéler les mécanismes de la pensée du petit paranoïaque. Il va me falloir du temps pour réécouter le disque de Scott Walker en oubliant le maniérisme prétentieux qui avait séduit la Mostra de Venise en 2015...

→ Scott Walker, The Childhood of a Leader, mp3 9,99€ / CD 8,22€ / LP 12,94€ 4AD