Avant de partir en vacances je réécoute les albums qui attendent leur tour de platine sur les étagères. De beaux disques se pressent ainsi au portillon et que je désespérais de n'avoir pas le temps de chroniquer.
Ainsi par ordre de ce qui me tombe sous la main, Casa Nostra du Trio Barolo rappelle la rencontre de Portal et Galliano, avec l'accordéoniste Rémy Poulakis dont je regrette qu'il ne chante qu'un seul air de Puccini de sa voix de ténor lyrique, mélange original avec ce trio jazz où Francesco Castellani joue du trombone et Philippe Euvrard, qui signe la majorité des titres, de la contrebasse.
Pour Feelin' Pretty, un autre trombone, Fidel Fourneyron, reprend des airs de West Side Story ou s'en inspire, dans un genre plus dépouillé, leur tordant gentiment le cou, mais Leonard Bernstein, compositeur contemporain populaire, se prête parfaitement à l'exercice de restructuration iconoclaste du trio d'improvisateurs Un Poco Loco. Le saxophoniste-clarinettiste Geoffroy Gesser et le contrebassiste Sébastien Beliah y vont aussi de leurs découpages et pliages des partitions dont la mémoire a conservé la trace.
Réappropriation également par le duo formé par la chanteuse Eloïse Decazes et du guitariste Éric Chenaux qui passent de très vieilles chansons françaises traditionnelles à la moulinette, La bride sur le coup ! La monotonie des ballades produit une intéressante nostalgie futuristique, rappelant parfois Third Ear Band, Nico, Brigitte Fontaine ou l'Incredible String Band. Ces histoires tiennent de la sorcellerie comme si le duo tournait une grande cuillère dans une marmite remplie de guitares molles.
En période de restriction budgétaire que nous imposent les divers gouvernements européens successifs, le trio est définitivement la forme orchestrale la plus économique. Mais "less is more" avec le Silence Trio formé par le pianiste suédois Jakob Davidsen avec le Franco-Danois Hasse Poulsen à la guitare et le Norvégien Torben Snekkestad aux anches ! Les trois musiciens obéissent à des consignes strictes de patience, écoute, tolérance, retenue, ensemble, ouverture d'esprit qui devraient leur éviter les interdits ayatollesques de nombreux tenants de l'improvisation libre. L'ambiance qui en découle est plutôt relaxante, sorte de musique contemporaine zen où le timbre règne en maître.
On retrouve Hasse Poulsen avec le batteur Fabien Duscombs pour des chansons et compositions signées par eux-mêmes, mais aussi Eddie Harris, Tom Waits, Eddie Henderson, Povl Dissing, Shell Silverstein et John Lennon, mêlées à des improvisations débridées où ils partagent leurs goûts éclectiques avec un public curieux aimant les surprises. Ces Free Folks prouvent que le free n'est pas un genre, mais une tournure d'esprit, de la musique traditionnelle au rock, du jazz à la chanson à laquelle Poulsen cède avec entrain.
Puisqu'on en est aux mélanges, je termine pour aujourd'hui avec un album d'une chanteuse pop britannique, Nina Miranda dont le Freedom of Movement est un mélange de bossa nova, funk, rock, hip-hop, dub, electronica, avec un côté kitsch qui tire vers Burt Baccaharah ! Il y a des guitares, de la basse, de la batterie, mais aussi beaucoup de voix, et puis de la flûte, des cuivres, des cordes, des claviers, des percussions, des bruitages et des effets spéciaux. C'est une grosse ratatouille genre Bollywood façon Bahia avec un sens de la fête très British sur des textes qui engagent à se prendre en main pour changer le monde.

→ Trio Barolo, Casa Nostra, cd Ana Records, dist. L'autre distribution, 12,99€, sortie le 25 août 2017
→ Un Poco Loco, Feelin' Pretty, cd Umlaut Records, 12€
→ Eloïse Decazes & Éric Chenaux, La bride, cd Three:Four Records, 12CHF
→ Silence Trio, 1, cd ILK Music, 119kr
→ Hasse Poulsen & Fabien Duscombs, Free Folks, cd Das Kapital Records, dist. L'autre distribution, 13,99€, sortie le 25 août 2017
→ Nina Miranda, Freedom of Movement, cd Six Degrees Records, 17€