Les amateurs de séries d'abord, bientôt suivis par les cinéphiles qui se rendent progressivement compte que mépriser le médium télévision était un mauvais procès, sont en quête du prochain (très) long métrage d'auteur qui saura leur faire passer une nuit blanche dans le ravissement. Car si l'on peut suivre les feuilletons semaine après semaine, et chaque année leurs nouvelles saisons, beaucoup préfèrent en attendre la diffusion de l'intégralité avant de se lancer dans un marathon. La projection de la seconde saison de Top of The Lake (six épisodes d'une heure) s'est ainsi terminée pour moi à 3h30 du matin. La première avait déjà été brillante, la seconde est fascinante. Écrite par Jane Campion et Gerard Lee, réalisée par Campion la première fois avec Garth Davis, puis ici avec Ariel Kleiman, Top of The Lake: China Girl est d'une qualité exceptionnelle, tant par le scénario et les sujets abordés que par la qualité des acteurs et de la mise en scène. Jane Campion évite tout manichéisme en imaginant des personnages complexes. Elle décortique le machisme en titillant le genre, questionne la famille et les rapports d'assujettissement, la paternité et la maternité, la violence qui prend bien des formes et les traumas de l'enfance, les mensonges que l'on se raconte autant que ceux qui nous sont servis.


Top of the Lake: China Girl est un nouveau thriller captivant dont les corps, la lumière et la musique rythment l'énigme. Elisabeth Moss (Mad Men, The Handmaid's Tale : La Servante écarlate) est une inspectrice fragile qui prend sur elle pour braver le passé et résoudre l'enquête, son association avec Gwendoline Christie (la géante Brienne de Torth dans Game of Thrones) rappellerait presque un casting de Bruno Dumont à la Laurel et Hardy, Nicole Kidman incarne merveilleusement un personnage superficiel victime de son époque, Alice Englert (fille de Jane Campion) est la parfaite adolescente ingrate... Si les femmes montrent ici un courage exemplaire, les hommes véhiculent la lâcheté qui les caractérise depuis l'adultère coupable jusqu'à la manipulation la plus perverse. Le méchant joué par David Dencik est particulièrement réussi, ses motivations terribles étant dictées par la plus virulente des critiques sociales.