Pour quelles raisons Bernard Santacruz m'envoie-t-il son album solo, à moi dont la basse est l'instrument auquel je fais le moins attention dans les configurations orchestrales ? Peut-être parce que j'avais salué son association avec Bruno Tocanne dans leur excellent album Over The Hills ou que la semaine dernière je révélais la profondeur de la basse électrique d'Olivier Lété ? Les sons aigus vibrent en sympathie avec mon coffre haut perché et les solistes se détachent facilement sur le paysage, en tout cas cela expliquerait tout, du moins du côté de mon handicap. Mais du sien, comment sa contrebasse réussit-elle à me happer ?


Les pizzicati de Santacruz me font penser à une écriture manuscrite qui tranche avec les mécaniques trop bien réglées. Ses improvisations s'écrivent comme il respire. Enregistré en public dans la Salle des Nus de l'École des Beaux-Arts de Rouen, son nouveau disque convoque les esprits du lieu. J'ai connu l'un des figurants du film de Jean Cocteau qui jouait une statue "nous" suivant des yeux. Impressionnant. C'est tout vu, il n'y a pas d'histoire, Santacruz les enchaîne pourtant les unes après les autres. Ce sont bien des contes et des fables qu'il prend à la corde, comme une guitare, comme le faisait Charlie Haden. Il y a tout de même des contrebassistes que j'entends bien !

→ Bernard Santacruz, Tales, Fables and Other Stories, cd Juju Works, dist. Absilone