Ce n'est pas tous les jours dimanche et le dimanche le facteur est en vacances, c'est dire si chaque nouveau numéro du Journal des Allumés du Jazz est une chose rare que l'on n'attend plus même si l'on sait qu'un jour mon prince viendra. Et déjà la couve dessinée par Stéphane Levallois annonçant le départ de Jean Aussanaire me contredit et contrarie. Christian Rollet et Jean Rochard évoquent ce musicien adorable récemment disparu, François Corneloup l'illustrant d'une tendre photographie, et un jeu des mots croisés lui rend hommage. Zou, Jop, Matthias Lehmann, Gabriel Rebufello croquent les mots d'Albert Lory comme le Grand Cric me le joue à son tour : Bisounours, To Do List, Gérer, C'est dans son ADN sont décortiqués avec un humour et un mordant propres au Journal salué en son temps par Francis Marmande dans Le Monde Diplomatique («Les Allumés du jazz sont le seul journal de jazz à maintenir un point de vue politique sur cette musique»).
L'économie du secteur est le sujet d'un texte analytique sur la production indépendante actuelle tandis que Bruno Tocanne s'insurge en publiant une pétition contre le formatage du marché qui tend à faire passer la culture du service public à l'industrie. Maryline Bihao rappelle les productions jazz du Parti Socialiste. Pic et J.R. offrent une bande dessinée caustique sur la fainéantise, poursuivie plus loin par une analyse d'Aristide Glandasson (ça sent le pseudo à plein nez et la résistance par tous les pores de la peau) sur le sujet, augmenté du cynisme et de l'extrémisme honteusement fustigés par le produit de marketing que les banques nous servent en président de la chose publique. Hasse Poulsen, Noël Akchoté, Jean Méreu, Sarah Murcia, Christian Tarting, Étienne Brunet, Marcel Kanche, Jean-François Pauvros, Jacques Rebotier, Claude Barthélémy, Pablo Cueco, le Riverdog, en profitent pour dénoncer leurs disques le plus fainéant, le plus cynique et le plus extrême.
Toujours autant de petits mickeys rageurs accompagnent les articles puisque c'est la marque du Journal de faire appel à des illustrateurs, comme Julien Mariolle, Rocco, Johann de Moor, Andy Singer, Efix, Jop, Thierry Alba, Nathalie Ferlut, Jeanne Puchol, Cattaneo, Sylvie Fontaine... Jean-Paul Ricard revient sur les rééditions CD et vinyle du Workshop de Lyon, du Cohelmec Ensemble et bientôt du Dharma Quintet, orchestres de jazz libre qui ont marqué les années 70 et dont les protagonistes se souviennent à l'occasion d'un come back célébré en fanfare au Théâtre Berthelot de Montreuil. Pablo Cueco développe des brèves de comptoir toujours aussi spirituelles autour d'un dessin de son papa Henri, disparu cette année comme Alain Tercinet salué cette fois par J-P.Ricard. Elisa Arciniegas Pinilla et Guillaume Roy dialoguent autour de leur instrument, le violon alto. Raphaëlle Tchamitchian interviewe le rappeur Mike Ladd sur son actualité, pas seulement la sienne, mais aussi celle des USA. Il évoque les mouvements Occupy Wall Street, Black Lives Matter, Black Arts Movement et le Mouvement des droits civiques, l'élection de Trump, et une éventuelle révolution prolétarienne... Roland Dronssevault (!) s'entretient avec le compositeur Benjamin de la Fuente, membre également du quartet Caravaggio. Jean-Louis Wiart rivalise d'imagination pour réinventer le passé. Pablo Cueco, qui a demandé à une quarantaine de musiciens (dont ma pomme), producteurs et journalistes de livrer un vers qui les aurait particulièrement marqués ou touchés, encense les poètes mis en musique. Ajoutez quelques photos de B. Zon et de Guy Le Querrec dont celle en quatrième de couverture commentée par Mauro Basilio et vous obtiendrez 28 pages dont j'espère avoir rendu la densité.
Vous pouvez vous abonner gratuitement aux prochains numéros en leur envoyant votre adresse, et même télécharger tous les anciens au format PDF. Vous pouvez aussi commander des disques sur le nouveau site des Allumés en cours de reconstruction. Je déplore seulement la disparition du blog et de la radio aléatoire qui donnaient un peu plus de vie à cette association qui rassemble aujourd'hui pas moins de 98 labels et dont la nouvelle formule Internet n'est pas plus pratique que la précédente, mais l'on sait que Rome ne s'est pas faite en un jour. Quant à la nécessité de continuer la lutte, on sait aussi que la chute et le déclin de l'empire romain sont d'autant plus prévisibles que l'arrogance de nos dirigeants au service exclusif des riches finira par faire tomber leurs têtes. Faut que ça swingue !