Joli titre à l'article de je ne sais quel journaliste lors du passage télé du film de Maurice Failevic, Le franc-tireur, en 1978 ! C'était avant la mainmise du PS sur les "dramatiques" à l'arrivée de Mitterrand à la présidence de la république trois ans plus tard. Jusque là, le pouvoir s'était cantonné aux actualités, sans se rendre compte que les fictions et documentaires avaient un impact considérable sur l'audience. Si le Journal de 20 heures ou les magazines politiques étaient sous haute surveillance, les meilleurs réalisateurs de fiction, communistes pour la plupart comme Stellio Lorenzi ou Marcel Bluwal, pouvaient travailler librement. Les responsables "de gauche" le sachant se sont accaparés aussi ce secteur...
Le franc-tireur est une des rares comédies de Maurice Failevic, réalisateur de films engagés sur le front des luttes sociales. Diffusé un peu après la sortie de L'imprécateur de Jean-Louis Bertucelli, il aborde le stress des cadres dans l'entreprise soumis aux pressions du rendement et à la concurrence interne. Le scénario coécrit avec Jean-Claude Carrière raconte l'histoire de l'un d'eux qui, honteux des pratiques de sa direction, décide de se faire virer afin que ses indemnités de licenciement lui permettent de monter une petite affaire plus sympathique au bord de la mer. Mais se faire renvoyer n'est pas si simple ! Le jeu détendu de Bernard Le Coq est si naturel que l'on a l'impression de regarder un documentaire. Les mécanismes de pression et d'asservissement sont finement analysés et l'on se rend compte que rien n'a changé depuis quarante ans, si ce n'est un recul sévère dans la protection des salariés, merci Macron ! Il est en tout cas certain que l'on ne peut rien obtenir si l'on n'est pas prêt à tout perdre !


En bonus du DVD, la présentation de Roland-Jean Charna éclaire le PAF (Payasage audiovisuel Français) de l'époque. Mais si son documentaire Maurice Failevic, le franc-parleur est trop long, chargé d'anecdotes pas toutes du même intérêt, les témoignages de Carrière, Le Coq et Marcel Trillat apportent encore un peu plus de lumière à une œuvre jusqu'ici négligée par les éditions vidéo. D'autres inédits devraient d'ailleurs suivre dans la collection Ciné-Club TV consacrée aux perles rares de la télévision française des années 70 - 80. J'aimerais bien par exemple revoir les travaux de Raoul Sangla ou Jean-Christophe Averty.

→ Maurice Failevic, Le franc-tireur, DVD Inser & Cut (L'Oeil du témoin) avec le concours de Luna Park Films et de l'INA, à paraître le 5 décembre 2017