C'est probablement le dernier album que GRRR mettra en ligne cette année, à moins que celui prévu avec Amandine Casadamont puisse être enregistré d'ici Noël. Comme les 71 autres inédits rassemblant 955 pièces, L'isthme des ismes est en écoute et téléchargement gratuits sur drame.org. Sur la page d'accueil, Radio Drame joue ainsi 140 heures de musique en ordre aléatoire. Il s'agit cette fois de courtes pièces enregistrées le 2 novembre dernier au Studio 107 de Radio France avec deux jeunes musiciens formidables, Antonin-Tri Hoang (piano, sax alto, clarinette basse) et Samuel Ber (batterie, percussion). J'y jouais essentiellement de l'échantillonneur commandé au clavier. Les cinq évocations politiques s'inséraient dans l'émission Tapage Nocturne de Bruno Letort qui m'était consacrée et dont on peut écouter le podcast intégral brillamment réalisé par Bruno Riou-Maillard.
De même qu'un concert et un disque ne s'échafaudent pas de la même manière, composer un album obéit à de nouvelles nécessités. J'ai donc réordonné les pièces, coupé le début de l'une, ajouté une autre, renommé les morceaux et compressé l'ensemble pour une diffusion souvent moins sophistiquée que la modulation de fréquence branchée sur une chaîne hi-fi !
L'album s'ouvre donc sur une pièce entièrement inédite, d'autant qu'elle ne fut jamais interprétée ainsi, contrairement aux cinq autres qui sont de pures improvisations, ce que j'ai toujours appelé "compositions instantanées" en opposition aux "compositions préalables". L'improvisation n'est pas un genre, mais consiste à réduire au maximum le temps entre la composition et l'interprétation. Balance est donc un montage de très courts extraits volés à la période de test quand chacun soigne la restitution de ses instruments avec l'aide de l'ingénieur du son. J'avais besoin de ce prologue pour annoncer la suite.
Craignant que les titres originaux se référant à des systèmes politiques plus ou moins sympathiques soient compris symboliquement, j'ai préféré tout renommer avec des termes plus abstraits, même s'ils conservent l'idée sous-jacente qui nous a guidés pendant l'enregistrement. Se succèdent ainsi Anarcosyndical, Capital, Naz, Produktiv, le dernier, Isthme, servant de suffixe phonétique à l'ensemble et jouant le rôle de coda. Le nouvel ordre m'a été dicté par des considérations musicales que seule l'écoute post-partum permet. On notera néanmoins une critique forte de tout système appliqué à une communauté extrêmement nombreuse et variée. Leurs failles sont repérables grâce aux ponts ténus qui les relient les uns aux autres, offrant à leurs thuriféraires de les emprunter ou pas. Cet "ou pas" mériterait de faire l'objet d'un prochain projet abordant la question de l'intégrité ou de la trahison, de la soumission ou de l'insurrection.