Après avoir écouté la réédition en vinyle de Un beau matin d'Areski, j'ai aussitôt eu envie de constater les trente ans qui séparent cet album de 1970 et Le triomphe de l'amour trente ans plus tard. Le premier a la fraîcheur des premiers Saravah, du disque qu'il avait cosigné avec Jacques Higelin, un copain de régiment, ou de ceux qu'il concoctait alors avec sa compagne, la sublimissime Brigitte Fontaine. Le second chez Universal est riche d'arrangements que nombreux musiciens viennent alimenter. Les deux possèdent la poésie monotone d'une voix blanche à fleur de peau, le parfum kabyle des percussions qu'il effleure, des fleurs qu'il fait pousser dans son jardin de rêve, un rêve généreux et coloré.
Le nouveau vinyle est bleu transparent comme le ciel un beau matin. Il devait sortir pour le Disquaire Day, mais l'usine avait livré une galette défectueuse et en vinyle noir. Alors le voilà enfin, salué par une foule d'amis jeudi dernier au Souffle Continu. C'était aussi fêter la sortie du livre de Benjamin Barouh sur son père Pierre Barouh, fondateur des Disques Saravah et directeur artistique d'Un beau matin qu'accompagnent Benoît Charvet (flûte, basse) et Jean-Charles Capon (violoncelle), Areski jouant de tous les autres instruments. La fée Brigitte, discrète, ne fait pas défaut et Daniel Vallancien est le fidèle magicien du son. C'est évidemment une petite merveille qui refait surface avec cette manière qui n'appartient qu'à Areski et Brigitte Fontaine, auteur de plusieurs chansons, de mêler le quotidien au conte, la critique sociale aux hallucinations des rêveurs. Notons que Le brouillard (avec Joseph Jarman, Malachi Favors et Leo Smith, non stipulés !) figurait la même année tel quel dans l'inégalable Comme à la radio de Brigitte Fontaine qui enregistrera également Le dragon deux ans plus tard.
Le soir de lancement, Benjamin Barouh, Jean Querlier (à qui j'étais content de remettre la réédition CD de À travail égal salaire égal dans lequel il joue), Maïa Barouh, Dominique Cravic, Étienne Brunet (avec qui j'ai eu la joie de jouer plusieurs fois), Aurélien Merle, Margaux et Eric Guilleton rendirent hommage au label Saravah. Areski, probablement égaré dans la capitale à la fois réelle et onirique, arrivant en retard, se glissa au milieu du public, et écoutant le premier titre de son disque se fendit d'un "Ah ouais, c’est pas mal" !

→ Areski, Un beau matin, LP Le souffle continu, 20€