On ne fait pas toujours attention à ce qui se passe là-haut. Là-haut, quand on lève le nez, lorsqu'on se rend compte que Paris est peuplé de cariatides aux frontons des immeubles, lorsque l'on reconnaît un animal ou un visage que dessine un nuage, que l'on voit une jeune fille qui tombe... tombe, lorsque l'on sait avant les autres le temps qu'il fera bientôt même si cela ne dure pas... Cela ne peut pas durer. On passe du chaud au froid à une vitesse déconcertante. On risque de se faire écraser ou de marcher dans une crotte de chien. Mais cela change tout. Comme toujours. Le changement d'angle me tient tant à cœur.
Ainsi je n'avais pas remarqué les trois fleurs de yucca qui avaient poussé devant la fenêtre tel un muguet géant. Ces plantes fleurissent plusieurs fois par an, comme la glycine devenue parasol au-dessus de la rue. Je ne m'y attends jamais. Un matin elles sont là. Voilà. Je coupe les pointes acérées du yucca qui est proche de la porte d'entrée, mais je laisse cette herse devant les vitres, devenue infranchissable à d'éventuels cambrioleurs. Les fleurs ont la forme des clochettes qui tintent dans le vent, accrochées partout dans le jardin pour faire obstacle au bruit de la ville. Des parasons en plus des paravols. Les hautes grappes blanches en forme de hochet me font penser aux rituels religieux auxquels je n'ai jamais participé, baptêmes, mariages, etcétéra. Les piquants seraient plutôt de l'ordre du divorce, blessants ou protecteurs selon l'attention qu'on y porte. Le tamarix fait écrin. Avec le palmier et les bambous géants, bambous verts, bambous noirs, les yuccas peignent un paysage exotique persistant quelle que soit la saison. J'en rêve.